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Dépister les cancers du col de l'utérus

Organiser le dépistage pour éviter des conisations inutiles.

• L'incidence des cancers du col de l'utérus et la mortalité liée à ces cancers ont régulièrement diminué depuis 1970 dans plusieurs pays d'Europe. Le dépistage de ces cancers du col a-t-il contribué à la baisse de la mortalité observée ? Quels sont les effets indésirables de ce dépistage ? Pour répondre à ces questions, nous avons réalisé une synthèse des données selon la méthode habituelle Prescrire.

• Les cancers du col de l'utérus sont principalement dus à une infection chronique par certains papillomavirus humains à potentiel cancérogène élevé, transmis par contact sexuel

• L'infection provoque, dans certains contextes défavorables, l'apparition de lésions précancéreuses, détectables par l'analyse d'un prélèvement de cellules du col de l'utérus.

• L'évolution vers un cancer invasif du col de l'utérus est lente et rare. Lorsque le cancer est encore localisé au moment du diagnostic, le pronostic après traitement est le plus souvent favorable.

• Le dépistage du cancer du col de l'utérus repose sur un prélèvement de cellules de la superficie du col pour en examiner le frottis à la recherche d'anomalies cellulaires évocatrices ou annonciatrices de cancer. La présence de certaines anomalies déclenche une colposcopie, puis des procédures plus invasives (biopsies, conisation, chirurgie, etc.).

• Après prélèvement de cellules épithéliales, leur étalement immédiat sur lames ou leur mise en suspension dans une solution de conservateur (dite "en phase liquide") ont des performances similaires pour détecter les lésions de haut grade, c'est-à-dire les plus préoccupantes.

• Pour détecter des lésions cellulaires intraépithéliales de haut grade, la sensibilité du frottis cervical dépend de la qualité du prélèvement, de l'entraînement de la personne qui prélève et de celle qui lit les lames. Faux-positifs et faux-négatifs sont fréquents.

• La recherche de papillomavirus humains (HPV) à potentiel cancérogène élevé amène à détecter plus de dysplasies sévères que l'examen cytologique du frottis du col de l'utérus, mais au prix d'une fréquence accrue de fausses alertes et de colposcopies. En pratique, ce test n'a pas d'intérêt démontré en termes de cancers invasifs ni de mortalité.

• L'évaluation du dépistage du cancer du col de l'utérus par frottis régulier ne repose pas sur des essais comparatifs randomisés versus absence de dépistage.
Plusieurs études cas-témoins ont montré un fort lien statistique entre le dépistage et un risque réduit de cancer du col. Notamment, une étude britannique a montré que le risque de cancer invasif a été 4 fois moindre entre 40 ans et 65 ans chez les femmes qui avait participé au dépistage dans les 5 ans précédents, que chez les femmes n'ayant pas fait de dépistage.

• Les études historiques, de faible niveau de preuves, ont montré que dans plusieurs régions du monde, la baisse de la mortalité par cancer du col de l'utérus a semblé proportionnelle à la participation des femmes au dépistage. En Angleterre, la baisse de l'incidence de ces cancers a été accentuée après une organisation plus rigoureuse du dépistage avec forte augmentation de la participation.

• La conisation est un acte chirurgical d'excision partielle du col, parfois effectué dans un but diagnostique après un frottis. Dans l'immédiat, elle augmente le risque d'hémorragie. Elle augmente ensuite le risque d'accouchement prématuré.

• Les études comparatives ont surtout évalué des dépistages organisés de manière formelle. Dans une étude cas-témoins, le dépistage organisé a été plus performant sur l'incidence du cancer du col que des frottis effectués de manière opportuniste.

• Des études cas-témoins et des études épidémiologiques incitent à ne pas débuter le dépistage avant l'âge de 21 ans, ou dans un délai de 3 ans après le premier rapport sexuel. Certaines données de faible niveau de preuves justifient de continuer le dépistage jusqu'à 70 ans, au moins pour certaines femmes.
La grossesse augmente la fréquence des anomalies cellulaires.

• Diverses causes d'immunodépression, dont l'infection par le HIV quelle que soit son stade, augmentent le risque de cancer du col. Le rythme optimal de dépistage chez ces femmes reste à déterminer.

• Toutes les recommandations s'accordent pour proposer une colposcopie aux femmes ayant des lésions de haut grade, afin d'effectuer biopsies ou conisation.

• Au total, on ne dispose pas d'essai comparatif randomisé démonstratif de l'efficacité du dépistage du cancer du col de l'utérus. Mais des comparaisons rétrospectives rendent très probable une réduction de la mortalité par cancer du col de l'utérus par l'organisation d'un dépistage par frottis réguliers. Beaucoup des anomalies cellulaires découvertes n'évoluent pas vers un cancer. La fréquence des diagnostics par excès n'a pas été étudiée. Les effets indésirables graves de ce dépistage semblent très rares.

• En pratique, il paraît peu raisonnable de ne pas dépister, malgré le faible niveau de preuves de l'évaluation. Mieux vaut alors un dépistage organisé de manière formelle, que des frottis effectués seulement de manière opportuniste, sans contrôle de qualité ni recherche pour optimiser la stratégie.

©Prescrire 1er mars 2010

"Dépister les cancers du col de l'utérus" Rev Prescrire 2010 ; 30 (317) : 193-202. (pdf, réservé aux abonnés)

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Pour en savoir plus :
 
Dépistage des cancers du col de l'utérus :
deux types de frottis
 
Traitement des cancers
invasifs du col utérin
Rev Prescrire 2008 ;
28 (296) : 446-450.
Pdf, réservé aux abonnés
 
Les papillomavirus humains.
Beaucoup de troubles bénins,
quelques cancers
Rev Prescrire  2007 ;
27 (280) : 112-117.