Les cas rapportés et analysés permettent de repérer
les facteurs favorisant ce type d'erreur médicamenteuse.
Il est ainsi possible de dégager des pistes pour éviter
que de telles erreurs d'administration ne se reproduisent ou, tout
au moins, pour réduire la fréquence et la gravité
de ce risque encouru par les patients.
Aucune mesure n'est capable, à elle seule, de prévenir
de tels accidents. Voici nos suggestions, d'ici à ce que
les différents acteurs du système de santé
concernés par l'administration de médicaments par
voies intrarachidienne ou épidurale, élaborent collectivement
des recommandations dont la portée sera à la hauteur
du consensus obtenu.
Propositions aux professionnels et aux établissements
de santé
Disposer de référentiels
thérapeutiques solides, régulièrement actualisés,
en veillant à ce que les protocoles de chimiothérapie
anticancéreuse distinguent clairement les moments d'administration
des médicaments par voie intraveineuse et par voie intrarachidienne.
Réorganiser les protocoles pour supprimer les administrations
simultanées intrarachidiennes et intraveineuses.
Isoler l'acte
d'administration par voie rachidienne ou par voie épidurale,
et établir une séparation totale entre les médicaments
à administrer par ces voies et les autres médicaments
injectables. Pratiquer les injections intrarachidiennes dans une
salle de soins particulière où aucune autre voie d'administration
n'est employée. À défaut, identifier très
clairement les sites d'injection par voie rachidienne ou par voie
épidurale.
Toujours administrer
les médicaments destinés à la voie intraveineuse,
et qui peuvent être vecteurs d'une erreur, avant les doses
intrarachidiennes. Ne délivrer les médicaments à
administrer par voie intrarachidienne qu'après avoir vérifié
que les injections intraveineuses prévues ont été
faites.
Pratiquer les
injections intrarachidiennes à un horaire standardisé,
caractéristique.
N'administrer
que des médicaments parfaitement identifiés. Vérifier
attentivement leur étiquette avant l'emploi.
Ne pas déconditionner
les spécialités pharmaceutiques injectables dans des
cupules. Exiger des firmes pharmaceutiques et des pharmaciens la
mise à disposition de présentations en conditionnement
unitaire, stériles, prêtes à l'emploi.
Ne pas préparer
de médicament à administrer par voie intrarachidienne
ou par voie épidurale dans les unités de soins. Faire
préparer par la pharmacie les seringues destinées
aux voies intrarachidienne ou épidurale séparément
des autres injections.
Séparer
les circuits des médicaments à administrer par voie
intraveineuse et par voie intrarachidienne dans le temps, dans l'espace
et en les confiant à des personnes différentes. Pour
cela : délivrer les doses intrarachidiennes dans un container
distinct, à un endroit et à un moment différents
de ceux prévus pour les cytotoxiques à administrer
par d'autres voies, et les stocker dès l'arrivée dans
l'unité de soins dans un endroit séparé, comme
un réfrigérateur distinct et fermé à
clé.
Ne délivrer
les doses à administrer qu'au moment nécessaire.
Afficher la liste
des médicaments administrables par voie intrarachidienne,
partout où elle est pratiquée.
Bannir tout médicament
cytotoxique ou neurotoxique des salles de soins, d'examens ou d'intervention
où des ponctions lombaires sont pratiquées. Réserver
à l'opacification des espaces sous-arachnoïdiens, intrarachidiens
et intracrâniens, un produit de contraste iodé non
ionique de petit volume et de dénomination distincte des
produits de contraste iodés ioniques utilisés par
voie intraveineuse.
Retirer des dotations
de services hospitaliers tous les médicaments particulièrement
à risque : la vincristine sous ses présentations commerciales
fortement dosées ; les solutions injectables concentrées
de potassium, de sodium et de glucose à 50 % (sauf exceptions,
comme pour les soins intensifs et services d'urgence).
Délivrer
et administrer la vincristine systématiquement diluée
dans du chlorure de sodium à 0,9 % en préférant
les poches pour perfusion de chlorure de polyvinyle de 25 ml ou
50 ml aux seringues de polypropylène de 30 ml remplies à
20 ml.
Propositions aux autorités sanitaires
Inclure la gestion
des risques liés aux erreurs médicamenteuses dans
le dispositif de veille sanitaire.
Établir,
en concertation avec les professionnels de santé, des règles
de bonnes pratiques médicales, pharmaceutiques et infirmières
pour l'administration des médicaments par voie intrarachidienne
et par voie épidurale.
En faire évaluer
régulièrement la mise en uvre par les organismes
de contrôle sanitaire et d'accréditation.
Contrôler
effectivement la sécurité de la préparation,
de la détention et de l'administration des médicaments
dans les services hospitaliers.
Recenser les spécialités
administrées par voie intrarachidienne ou par voie épidurale,
et revoir au plus vite leurs autorisations de mise sur le marché,
et plus particulièrement leurs indications, l'expression
de leurs posologies, leurs conditionnements et la compatibilité
de leurs mélanges éventuels.
N'autoriser la
mise sur le marché des spécialités indiquées
par voie épidurale ou intrarachidienne que si elles ont été
correctement évaluées pour ces voies, et si elles
sont présentées en conditionnement unitaire stérile,
exempt de tout risque de contamination particulaire, de préférence
prêtes à l'emploi.
N'autoriser les
spécialités pharmaceutiques à base de vincristine
que sous forme diluée, de volumes peu compatibles avec une
injection intrarachidienne.
Interdire la délivrance
de doses individuelles de vincristine à des concentrations
supérieures à 0,1 mg/ml.
Modifier les résumés
des caractéristiques des produits (RCP) et l'étiquetage
des spécialités dangereuses par voie intrarachidienne
ou par voie péridurale, en veillant à ce que la contre-indication
de ces voies d'administration soit claire et explicite.
Propositions aux firmes pharmaceutiques
Vérifier
que l'assurance en responsabilité couvre bien les dommages
secondaires à une administration accidentelle par voie intrarachidienne
ou par voie épidurale, y compris hors du cadre de l'AMM.
Réévaluer
d'urgence tous les médicaments actuellement utilisés
"hors AMM" par voie intrarachidienne ou par voie épidurale.
Le cas échéant, procéder au dépôt
rapide des dossiers d'extension d'AMM pour les présentations
adaptées correspondantes.
Réduire
les risques d'erreur par la standardisation, notamment établir
des posologies standardisées chaque fois que c'est possible,
chez l'adulte comme chez l'enfant. Justifier systématiquement
l'emploi de posologies variables, source reconnue d'erreurs de calcul,
d'unité ou de dilution.
Vérifier
que la qualité et la sécurité du conditionnement
sont bien adaptées aux voies d'administration et aux posologies
prévues par les indications officielles. Concevoir d'emblée
des conditionnements sécurisés en fonction des différentes
circonstances d'utilisation : stockage, préparation, dispensation,
administration, notamment lorsque des technologies particulières
sont nécessaires (pompes, programmation, etc.).
Ne plus commercialiser
de forme injectable en vrac (ampoules ou flacons multidoses), ce
qui revient à confier systématiquement le processus
de production galénique aux professionnels de santé.
Mettre à
la disposition des professionnels et des établissements de
santé des médicaments sous une forme adaptée
à leur usage, c'est-à-dire présentés
en conditionnement unitaire, stérile, prêt à
l'emploi.
©La revue Prescrire 1er septembre 2003
Rev Prescr 2003 ; 23 (242) : 598-599.
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