Revue Prescrire, article en une, Europe et médicament septembre 2003 (7)
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Des amendements importants votés par le Parlement n'ont pas été repris par le Conseil européen des ministres de la santé.


Le Collectif Europe et Médicament a listé ci-dessous les points à réexaminer, proposant pour chacun un ou plusieurs amendements accompagnés d'une justification.

Obligation pour les firmes de réaliser au moins un essai clinique comparant le médicament au traitement de référence, ou, au minimum, obligation pour les agences d'indiquer dans leurs rapports d'évaluation si le dossier d'AMM comporte, ou non, des données comparatives sur la valeur thérapeutique ajoutée par le médicament (amendements 136 et 29 - article 8-3-i de la Directive - votés par le Parlement, non repris par le Conseil) (voir aussi : information des patients).

Nouvelle proposition d'amendement - article 8-3-i de la Directive (complète) : "(…) un de ces essais au moins devra avoir comparé le médicament avec le traitement considéré comme optimal pour les patients au moment de la conception de l'essai".

Justification : de multiples médicaments sont aujourd'hui mis sur le marché sans avoir été comparés avec les traitements de référence déjà disponibles. Ils sont seulement comparés au placebo, ou à des traitements qui ne constituent pas la référence, ou à des traitements de référence mais à des doses insuffisantes pour être efficaces, ou au contraire à des doses trop fortes des traitements de référence et donc moins bien supportées par les patients ; ou bien encore ils sont comparés chez des patients qui ne sont pas véritablement les patients qui prendront le médicament (patients de tranches d'âge différentes, patients à des stades différents de la maladie, etc.). De ce fait, il est impossible de savoir si le nouveau médicament est plus efficace, et/ou plus sûr que le traitement considéré comme optimal pour la catégorie de patients concernés. Et impossible donc de savoir si les patients vont avoir intérêt ou pas à utiliser le nouveau médicament, et si ce nouveau médicament mérite un prix élevé ou une protection particulière en raison de sa valeur thérapeutique ajoutée.

Délai de 90 jours garanti de façon explicite pour l'analyse scientifique du contenu du dossier de demande d'AMM par les experts des agences (amendement 175 - article 6-3-1 du Règlement, et amendement 49 - article 17-1-1 de la Directive - votés par le Parlement et non repris par le Conseil).

Nouvelle proposition d'amendements - articles 6-3-1 et 13-6-2 du Règlement et 17-1-1 de la Directive (complètent) :
(amendement identique dans les deux textes) "(…) dont au moins 90 jours pour l'analyse des données scientifiques et l'élaboration du rapport d'évaluation par les rapporteurs, sauf si ces derniers déclarent avoir terminé avant l'expiration de ce délai".

Justification : ce point n'est pas un simple "détail" comme l'écrit la Commission européenne. Le schéma de l'Agence européenne du médicament décrivant les étapes de l'instruction d'un dossier d'autorisation de mise sur le marché montre qu'à l'intérieur des délais fixés pour cette instruction, les experts désignés comme rapporteurs disposent actuellement d'environ deux mois pour analyser le contenu scientifique du dossier (c'est- à- dire les données pharmaceutiques, les données de pharmacologie et de toxicologie chez l'Animal, et les données cliniques chez l'Homme, ainsi que les calculs statistiques qui en découlent). C'est très peu sachant que ces experts rapporteurs ne travaillent pas à temps plein, et qu'ils doivent de surcroît faire leur propre recherche documentaire complémentaire, pour rassembler les données que les firmes n'ont pas fourni et que l'Agence ne leur fournit pas non plus : ils ne reçoivent que le dossier (nécessairement sélectif et avantageux pour le médicament) constitué par la firme. Les délais sont également très courts dans les agences nationales, ce qui peut nuire à la qualité des analyses. Des exemples récents tels que celui de l'analyse trop superficielle des données relatives à l'agalsidase par l'Agence européenne du médicament, montrent qu'il faut de la rigueur, mais aussi du temps pour analyser les données.

Obligation de réaliser des essais de longue durée pour des médicaments destinés à un usage prolongé (maladies chroniques, prévention, etc.) (amendement 176 - article 8-3-i-4 de la Directive - voté par le Parlement et non repris par le Conseil).

Nouvelle proposition d'amendement - article 8-3-i-4 de la Directive (nouveau) : "(…) résultats des essais à long terme appropriés pour les médicaments destinés à un usage prolongé par les patients".

Justification : un médicament destiné à être utilisé pour traiter une maladie de longue durée, ou pendant de nombreuses années à titre préventif (dans la prévention cardiovasculaire, le diabète, l'asthme, certaines maladies inflammatoires, des maladies neurodégénératives, la contraception, la schizophrénie, etc.), doit être évalué sur de longues périodes pour vérifier si son efficacité se maintient, si des effets indésirables n'apparaissent pas à long terme, etc. De telles évaluations sont rares, alors que la tendance est à administrer les médicaments de manière de plus en plus prolongée dans de nombreux domaines : par exemple prévention cardiovasculaire, prévention des fractures de l'ostéoporose, syndromes dépressifs, etc. L'évaluation manque également souvent pour savoir quand et comment on peut arrêter le traitement : par exemple, les enfants traités pour le syndrome d'hyperactivité de l'enfant par le méthylphénidate arrivent à l'âge adulte sans que l'on ait de données claires sur l'arrêt de leur traitement.

Obligation de respecter les bonnes pratiques cliniques et les exigences éthiques pour les essais réalisés hors de l'Union européenne (amendement 24 - article 6-1-1 du Règlement, et amendement 32 - article 8-3-i-3 de la Directive, adoptés par le Parlement et non repris par le Conseil alors que les considérants correspondants ont été repris).

Nouvelle proposition d'amendements - articles 6-1-1 du Règlement et 8-3-i-3 de la Directive (complète) : (amendement identique dans les deux textes) "(…) La demande doit comporter une preuve que les essais cliniques réalisés pour évaluer ce médicament ont été conduits conformément aux critères établis par la Directive 2001/20/CE, ce qui exclut généralement la reconnaissance d'essais cliniques réalisés dans des pays en développement dont la population locale ne profitera pas en premier lieu du médicament".

Justification : de nombreux essais cliniques sont réalisés aujourd'hui dans des pays en développement pour des raisons de coût, et aussi parce que l'on trouve dans ces pays plus de patients n'ayant jamais été traités (cas du sida par exemple), et de ce fait susceptibles de réagir de façon plus nette aux nouveaux médicaments. Certains de ces essais ont donné lieu à des abus qui ont amené l'Association médicale mondiale à renforcer la Déclaration d'Helsinki, qui inspire les législations nationales sur les essais cliniques. Il n'est plus considéré comme éthique aujourd'hui de mener des essais cliniques dans des populations qui ne pourront pas bénéficier du traitement étudié.

©Collectif Europe et Médicament 1er septembre 2003