Revue Prescrire, article en une, Europe et médicament septembre 2003 (8)
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Ce qui reste à défendre en deuxième lecture :
Prolongation de l'exclusivité de commercialisation
 
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Des amendements importants votés par le Parlement n'ont pas été repris par le Conseil européen des ministres de la santé.


Le Collectif Europe et Médicament a listé ci-dessous les points à réexaminer, proposant pour chacun un ou plusieurs amendements accompagnés d'une justification.

Pas d'augmentation de la durée de "protection des données" au-delà de la limite tolérable par l'ensemble des États membres (amendements 34 et 202 - article 10 de la Directive et amendement 46 - article 13-8 du Règlement).

Rappel pour clarification :
Les médicaments sont protégés par des brevets (de différentes natures). En outre, le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché d'un médicament bénéficie aujourd'hui en Europe d'une protection des résultats des essais cliniques (alias "protection des données"). Elle se traduit par des contraintes pesant sur les firmes qui commercialisent des médicaments génériques (copies des médicaments originaux, alias "princeps").
Les médicaments génériques peuvent être mis sur le marché après l'obtention d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) dite "allégée", c'est-à-dire accordée sur la base d'un dossier d'évaluation ne comportant pas d'essai chez l'Animal ni chez l'Homme : les essais déjà réalisés sur le médicament princeps sont considérés comme suffisants, et leurs résultats peuvent être inclus dans le dossier de demande d'AMM du générique.
La "protection des données" consiste à interdire l'utilisation du dossier d'évaluation clinique du princeps pendant un certain nombre d'années. Jusqu'à présent, en Europe, ce nombre d'années était fixé à 6 ans pour la moitié des pays de l'Union européenne, et à 10 ans pour l'autre moitié. En outre, il était de 10 ans pour ceux fabriqués par biotechniques (ces médicaments devant faire l'objet d'une procédure d'AMM centralisée).
En 2001, dans les projets de nouvelle Directive et de nouveau Règlement, la Commission européenne a proposé de porter cette durée de "protection des données" à 10 ans pour tous les médicaments, et d'y ajouter 1 an en cas d'obtention par le princeps d'une nouvelle indication thérapeutique "jugée (…) apporter un bénéfice clinique important par rapport aux thérapeutiques existantes".
En 2003, après amendement par le Parlement et examen par le Conseil, le projet de Directive stipule qu'une demande d'AMM allégée pourra être déposée seulement 8 ans après l'autorisation du princeps, et que le générique ne pourra être commercialisé que 2 ans plus tard, soit dans les faits une "protection des données" de 10 ans (8 + 2) pour tous les médicaments autorisés par la procédure nationale (ou par reconnaissance mutuelle). Et le projet de Règlement stipule que, pour ceux autorisés par la procédure centralisée, la "protection des données" sera de 10 ans + 1 an pour une nouvelle indication thérapeutique "apportant un bénéfice clinique par rapport aux thérapeutiques existantes".
On se trouve donc, à ce stade de la procédure, devant une augmentation importante de la durée de "protection des données" pour tous les médicaments, sans aucune justification, sauf dans le cas de l'année supplémentaire pour nouvelle indication octroyée par la procédure centralisée.

Pas de nouvel amendement.

Justification : L'allongement de la durée de "protection des données" retarde l'arrivée de médicaments génériques sur le marché. Un ralentissement excessif, car non justifié, de la mise sur le marché des médicaments génériques ne serait pas supportable financièrement par les systèmes de protection sociale. Un allongement excessif de la "durée de protection" compromettrait rapidement l'égalité d'accès aux médicaments par les patients. Il faut rappeler que la durée de protection adoptée en première lecture est déjà la plus longue du monde.

Pas de réalisation systématique d'essais cliniques pour évaluer des copies de médicaments dont la bioéquivalence est difficilement démontrable par les méthodes classiques, ou de médicaments fabriqués par biotechniques : ces essais ne seraient pas pertinents (articles 10-3 et 10-3a de la Directive, déjà actuellement inadéquats, et sur lesquels des amendements complémentaires risquent d'être déposés).

Nouvelle proposition d'amendement - article 10-3 (bioéquivalence non démontrable) et 3a ("biogénériques") de la Directive (supprime) : supprimer ces deux articles, qui imposent la réalisation d'essais cliniques alors qu'elle ne constituerait qu'une fausse solution, et serait de surcroît éthiquement contestable.

Justification : Il existe déjà des formes pharmaceutiques qui ne permettent pas de réaliser des études de bioéquivalence selon les méthodes traditionnelles en vue d'affirmer si l'on a bien à faire à des "génériques" substituables entre eux, en vertu des critères aujourd'hui retenus dans la réglementation. Par exemple, les formes pour application cutanée, ou les suspensions pour inhalation posent ce type de problème, et on est conduit à rechercher d'autres méthodes pour montrer leur équivalence thérapeutique.
Il existe également depuis très longtemps des modes de fabrication qui posent des problèmes de reproductibilité, y compris d'un lot à l'autre (extraction à partir de produits naturels, ou fermentation par exemple).
Mais l'expérience montre que ce n'est pas en faisant et refaisant des essais cliniques, sur des effectifs et des durées nécessairement limités, que l'on peut montrer la totale similitude entre ces médicaments, ni déceler d'éventuelles différences. On aboutit toujours aux mêmes résultats : ces médicaments ont des balances bénéfices-risques du même ordre, et on peut les utiliser aux mêmes fins. Les différences éventuelles, liées au mode de fabrication, ne peuvent apparaître qu'après une longue utilisation, chez un grand nombre de patients. Ainsi, on s'interroge aujourd'hui sur un éventuel lien de causalité entre le mode de fabrication des différentes époiétines et des effets indésirables à type d'érythroblastopénies, mais rien n'est encore clair, et un essai clinique complémentaire de petite dimension n'apporterait rien de pertinent.
En l'état des connaissances, obliger les fabricants de génériques de médicaments à bioéquivalence non démontrable par les méthodes classiques, ou fabriqués par biotechniques, à réaliser de nouveaux essais cliniques faussement rassurants, ne servirait qu'à protéger abusivement les fabricants de médicaments princeps. Cela impliquerait l'inclusion, éthiquement contestable, de patients auxquels on ne proposerait aucune perspective de progrès thérapeutique, et l'investissement de ressources humaines et financières importantes pour des résultats non pertinents.
Il serait plus utile de consacrer des moyens à l'étude de nouvelles méthodes (autres que les actuelles études de bioéquivalence) permettant de s'assurer de l'équivalence thérapeutique, et à leur reconnaissance au niveau international. Il serait plus utile également de
mettre en œuvre une surveillance accrue des effets indésirables des médicaments (génériques et princeps) après leur mise sur le marché, pour mieux connaître ces effets, montrer s'il existe des spécificités liées au mode de fabrication, et mieux en protéger les patients. Une pharmacovigilance active (prospective et non attentiste) aiderait à savoir s'il y a lieu de distinguer des catégories particulières de médicaments génériques nécessitant une évaluation clinique spécifique, du simple fait de leur mode de fabrication, ce que l'on ne sait pas clairement aujourd'hui. Il est en tout cas prématuré de légiférer sans connaissances scientifiques solides.

©Collectif Europe et Médicament 1er septembre 2003