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Les fiches du Collectif Europe et Médicament
 
Pourquoi ne faut-il pas allonger davantage la protection des données concernant le médicament en Europe ?
Fiche n°9
2 septembre 2002


Pour le Collectif Europe et Médicament, il serait inutilement coûteux d'harmoniser à 10 ans la protection des données sur le médicament.

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Les pays industrialisés ont progressivement mis en place un système de brevets destiné à encourager la recherche privée, le monopole temporaire d'exploitation de l'invention devant permettre à l'inventeur de rentabiliser ses investissements de recherche. Le monopole conférant en pratique une totale ou presque totale liberté des prix, la durée réelle de protection est un élément clé dans l'équilibre entre les intérêts des industriels et ceux de la collectivité.
Sous la pression des firmes pharmaceutiques, d'autres types de protections sont venus s'ajouter aux brevets, tels que les systèmes complémentaires de protection et la "protection des données" qui interdit en pratique l'utilisation de ces données dans les dossiers allégés de demande d'autorisation sur le marché (AMM) des médicaments génériques.
À l'inverse, certains pays ont mis en place une exemption dite "Bolar", qui permet d'obtenir une AMM avant la fin du brevet, de manière à ce que la commercialisation du médicament générique puisse commencer immédiatement à l'échéance du brevet.

Dans l'article 10 de la proposition de directive, la Commission européenne propose une harmonisation de la "protection des données" à 10 ans. Or, aujourd'hui, la moitié des Etats membres appliquent une protection des données de 6 ans seulement. La Commission propose que la protection de 10 ans soit prolongée d'une année supplémentaire en cas de découverte d'une nouvelle indication au produit original.

Pourquoi renforcer encore la protection dans une Europe déjà très protectrice ?

Durant la période d'exclusivité des données, les fabricants de médicaments génériques ne peuvent présenter un dossier d'AMM allégé car ils ne peuvent faire référence aux données cliniques et pré-cliniques réalisées par le fabricant du produit original. La proposition de la Commission aura donc pour effet de retarder l'apparition des médicaments génériques sur le marché (dans la mesure où cette protection des données peut excéder le temps de protection lié aux brevets) pour la moitié des Etats Membres dont la protection va passer de 6 à 10 voire 11 ans.
Or la protection offerte en Europe par les certificats complémentaires de protection est déjà une des plus longues du monde, permettant de porter la durée effective de protection à 15 ans, contre 14 ans aux Etats-Unis. Par ailleurs il n'existe pas d'exemption Bolar en Europe, contrairement aux Etats-Unis, ce qui là aussi se traduit par une différence de plus d'un an. L'allongement de la protection des données en Europe ne semble donc vraiment pas être une urgence ; elle sera coûteuse pour les patients ou leurs organismes de protection sociale. Selon les fabricants de médicaments génériques, le coût à supporter par la collectivité d'une année supplémentaire d'exclusivité des données s'élèverait à 543 millions d'euros pour le Royaume-Uni, 495 millions d'euros pour l'Allemagne, 274 millions d'euros pour la France.

La Commission prévoit par ailleurs d'allonger la protection par brevet (de six mois ou un an) pour les médicaments dont le producteur aura réalisé un essai clinique pédiatrique. L'équilibre de la durée de protection intellectuelle (brevet + certificats de protection + protection des données) est menacé aujourd'hui.