Revue Prescrire, article en une, Pharmacovigilance : un projet inacceptable de la Commission européenne, juin 2008
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Pharmacovigilance : un projet inacceptable
de la Commission européenne

 
Les propositions de la Commission européenne rendues publiques le 5 décembre 2007 conduisent à affaiblir le système actuel de pharmacovigilance. Un tel projet mérite un rejet unanime.
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Divers désastres de santé publique ont montré la nécessité d'une pharmacovigilance efficace pour protéger les patients. Les propositions de la Commission européenne rendues publiques le 5 décembre 2007 conduisent pourtant à affaiblir le système actuel de pharmacovigilance.

La Commission propose de donner un rôle central aux firmes dans le recueil, l'alerte, l'analyse, et l'information sur les effets indésirables de leurs médicaments. Cette situation est inacceptable en raison des conflits d'intérêts majeurs qu'elle comporte.

La Commission propose par ailleurs d'affaiblir considérablement les contrôles réalisés avant la mise sur le marché des médicaments, en généralisant les autorisations de mise sur le marché (AMM) conditionnelles, et en supprimant le « manque de preuves d'efficacité » de la liste des motifs pour lesquels une AMM peut être refusée ou retirée.

Un tel projet mérite un rejet unanime.

Les effets indésirables des médicaments réduisent la qualité de vie des patients, multiplient les hospitalisations, prolongent les séjours à l'hôpital et augmentent la mortalité. Ils représentent en outre une charge financière considérable pour les systèmes de santé (1).

Prévenir ces effets indésirables est le but de la pharmacovigilance, qui peut être définie de manière simple comme l'ensemble des « processus d'évaluation et d'amélioration de la sécurité des médicaments » (1). La nécessité de la surveillance continue des effets indésirables est apparue au début des années 1960, en particulier suite à l'affaire du thalidomide, à l'origine de plusieurs milliers de cas d'atrophie d'un ou plusieurs membres chez les enfants de femmes enceintes ayant consommé ce médicament pendant leur grossesse (2).

Un besoin de renforcement de la pharmacovigilance

Depuis, divers désastres de santé publique n'ont cessé de rappeler l'importance d'une pharmacovigilance efficace pour protéger les patients : l'affaire du diéthylstilbestrol (DES) (Distilbène°) dans les années 1970 (cancers du vagin et malformations de l'utérus chez des femmes exposées in utero à ce médicament), celle du triazolam (ex-Halcion°) dans les années 1980 (amnésie-automatisme) ; et plus récemment, dans les années 2000, celles de la cérivastatine (ex-Cholstat°, ex-Staltor°) (atteintes musculaires graves), du rofécoxib (ex-Vioxx°) (accidents cardiaques mortels), des antidépresseurs inhibiteurs dits sélectifs de la recapture de la sérotonine (risque de suicide augmenté), de l'olanzapine (Zyprexa°) (diabète et troubles métaboliques), de la rosiglitazone (Avandia°) (troubles cardiaques graves), etc. (3à9).

Ces dernières affaires majeures de pharmacovigilance ont mis en cause non seulement l'efficacité des systèmes de pharmacovigilance, mais aussi la volonté des autorités de protéger les citoyens en prenant des mesures appropriées, telles que, par exemple, le retrait rapide du marché des médicaments à balance bénéfices-risques défavorable.

Des propositions dangereuses de la Commission européenne

Des modifications de la législation communautaire dans le sens d'un renforcement du système de pharmacovigilance étaient donc fort attendues. Au lieu de cela, les propositions de la Commission européenne (Direction générale Entreprises) de décembre 2007 affaiblissent encore le système actuel et, sous couvert de "rationalisation", s'inscrivent dans un contexte plus général de dérégulation (10,11). Et, alors que les mesures préconisées pour la pharmacovigilance ne vont pas la renforcer, la Commission profite de ce projet pour proposer d'affaiblir considérablement les évaluations réalisées avant mise sur le marché (lire en encadré page 465).

Une procédure inadéquate. En mars 2006, la Commission européenne avait lancé une consultation publique sur le fonctionnement de la pharmacovigilance dans l'Union européenne, à laquelle Prescrire avait contribué (12,13).

La synthèse des résultats des 48 contributions à cette consultation a été rendue publique en février 2007 (14), ainsi que la stratégie en 2 étapes de la Commission pour « renforcer le contrôle de la sécurité des médicaments » : améliorer la mise en œuvre du cadre actuel, puis faire des propositions visant à modifier le cadre réglementaire (15).

Cependant, avant de s'être donné les moyens d'améliorer véritablement l'application de la réglementation de 2004 (16), la Commission européenne a proposé dès décembre 2007 de modifier très profondément l'organisation de la pharmacovigilance, reconstruite autour de la notion de "gestion du risque" centrée sur le médicament et pas sur le patient.

Mainmise des firmes sur les informations de pharmacovigilance : à toutes les étapes

Lorsqu'émerge une affaire de pharmacovigilance, la chute des cours boursiers de la firme impliquée montre à quel point ces affaires sont préjudidciables aux intérêts économiques des firmes (a)(6,8). Confier aux firmes les missions de recueil, d'alerte, d'analyse, et d'information sur les effets indésirables de leurs médicaments, c'est les mettre dans une situation de conflits d'intérêts insurmontables.

Pourtant, les propositions de la Commission vont dans ce sens.

Recueil des données issues de l'évaluation des risques : pharmacosomnolence organisée. Les propositions de la Commission prévoient que les études post-AMM et les plans de gestion du risque (PGR) ne puissent être demandés que dans des conditions restrictives : s'il existe de graves suspicions portant sur des effets indésirables susceptibles d'affecter la balance bénéficesrisques du médicament autorisé, et après avoir entendu les explications de la firme (10, article 101g et article 101p) (b).

Le projet précise que ce système de gestion du risque doit « être proportionné aux risques identifiés et potentiels tenant compte des informations disponibles sur le médicament » (10, article 8). Les effets indésirables inattendus risquent d'être exclus du champ des "systèmes de gestion du risque", qui seront dès lors des systèmes élaborés pour confirmer ce qu'on suppose déjà, mais pas pour mettre en évidence des effets indésirables rares ou sur le long terme. La définition d'un "effet indésirable inattendu" est d'ailleurs purement et simplement supprimée dans le projet (10, article 1).

Les études post-AMM sont reconnues par la Commission européenne elle même comme des outils « souvent de mauvaise qualité et fréquemment promotionnels » (10,17). Pourtant la Commission propose de supprimer la disposition qui stipule que les études post-AMM doivent être menées conformément aux dispositions prévues dans l'AMM, ouvrant la voie à des dérives (10, article 1).

Opacité légalisée. Il est prévu que les plans de gestion du risque et les protocoles des études post-AMM acceptés soient rendus publics via un portail internet consacré à la pharmacovigilance européenne (10, article 101i). Par contre, il n'est pas prévu que soient rendues publiques les demandes détaillées d'études post-AMM au moment de l'octroi de l'AMM émises par les commissions d'AMM en raison de suspicion d'effets indésirables sérieux, ni les réponses des firmes, ni les raisons du retrait de la demande, le cas échéant après avoir entendu la firme (10, article 101g).

Dans le projet de la Commission, le droit de regard des firmes sur les données de pharmacovigilance est tel que la publication du résumé des résultats des études post-AMM ne pourrait avoir lieu qu'après l'accord de la firme, qui pourrait l'amender (10, article 101g).

On voit mal comment ces exigences minimalistes et une telle opacité, avec intervention des firmes à tous les niveaux décisionnels, pourraient valablement protéger les citoyens européens (18). La perspective de la tenue d'une liste des médicaments sous surveillance accrue par les autorités ne suffit pas à rassurer (10, article 101i).

Recueil des données en routine : centralisation et dilution. Divers arrangements proposés aux firmes allègent leur charge de travail, mais au détriment de l'intérêt des patients. Ainsi, il est prévu que les firmes ne soient plus tenues de soumettre aux autorités la description détaillée de leur organisation en matière de pharmacovigilance, au moment de la demande d'une AMM (10, article 8). Cette disposition permet pourtant de vérifier quels moyens sont mis en œuvre, et facilite les contacts avec les personnes et les services concernés (c).

Par ailleurs, la centralisation de la pharmacovigilance auprès du titulaire de l'AMM, la "maison mère", risque de déresponsabiliser les exploitants au niveau national.

Le système de pharmacovigilance des firmes ne doit en aucun cas se substituer aux systèmes publics de pharmacovigilance de chaque pays. La pharmacovigilance de chaque pays permet une analyse fine basée sur son expertise par rapport à sa population. La centralisation au niveau européen de toutes les notifications, sans analyse intermédiaire aux niveaux régionaux et nationaux, risque d'aboutir à une dilution des données, dès lors rendues ininterprétables.

Droit de censure par les firmes. L'enregistrement des données par les firmes, tel que le propose la Commission, ne permet pas le moindre contrôle externe. Il est prévu que les firmes n'enregistrent les notifications qui leur sont transmises que si elles « considèrent qu'une relation de cause à effet est au moins raisonnablement possible » (10, article 101e), et qu'elles ne soumettent aux autorités qu'un résumé des résultats des études post-AMM qu'elles auront menées. Ainsi les firmes, pourtant juges et parties, auraient toute latitude pour gérer les données de pharmacovigilance comme elles l'entendent.

Patients : écoute minimale. Attendue depuis longtemps, la proposition de reconnaître les notifications effectuées par les patients est bienvenue. Mais leur demander d'effectuer leurs notifications auprès des firmes, pour les médicaments sous surveillance particulière (10, article 59), est inacceptable (d).

Repérage d'alertes : secret et confusion des rôles. En ce qui concerne la surveillance des données contenues dans la base Eudravigilance (base de données européenne sur les effets indésirables) par l'Agence européenne, il est prévu que les résultats du repérage de signaux (première suspicion d'un effet indésirable potentiel) soient transmis aux firmes, à la Commission et aux États membres, mais pas qu'ils soient rendus publics, privant les équipes indépendantes d'informations précieuses (10, article 101d).

Les propositions de la Commission prévoient de sous-traiter aux firmes, pourtant juges et parties, la surveillance de « toutes les données pertinentes incluant celles contenues dans Eudravigilance pour repérer les signaux des risques (…) » (10,chapitre 7.4.d ; article 101l). C'est aussi aux firmes qu'il reviendrait d'alerter les autorités en cas d'information nouvelle susceptible de modifier la balance bénéfices- risques de leurs médicaments (10, article 101h).

Une fois l'alerte donnée, les notifications individuelles anonymes sont « susceptibles d'être demandées par le public » qui doit les recevoir « dans un délai de 90 jours (…) » (10, article 101d). Pourtant ces données, dès lors qu'elles proviennent de notifications spontanées, appartiennent à la collectivité (e).

Première analyse des données : par les firmes ! Concernant les résultats des études post-AMM, c'est encore aux firmes qu'il reviendrait de : « considérer si les résultats de l'étude sont susceptibles d'entraîner une éventuelle modification de l'étiquetage de leur médicament » (10, article 101h.1.i) ou « de modifier la balance bénéfices-risques de leur médicament » (10, article 101h.1.g).

L'Agence européenne est aussi censée confier l'exploitation de ces données au Centre collaborateur pour la pharmacovigilance de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) à Uppsala, centre dont l'opacité a été soulignée (19, 20) (10, article 101m).

La sous-traitance de l'interprétation des données aux firmes et au Centre collaborateur de l'OMS ferait perdre compétences et expertises aux Agences nationales et contribuerait à les rendre encore plus dépendantes des firmes.

Amnésie pour les médicaments anciens. Sous couvert de "rationalisation" du système, la Commission propose d'adapter la périodicité de soumission par les firmes des rapports périodiques relatifs aux effets indésirables (Periodic Safety Update Report, PSUR) aux autorités en fonction de la « connaissance du profil de sécurité des médicaments » (f)(10, article 101f). Cette disposition revient en pratique à supprimer le suivi des effets indésirables sur le long terme : « pas de PSUR pour les anciens produits d'usage établi » (10, section 3.2.7 de l'introduction). Pourtant, les exemples d'effets indésirables découverts tardivement ne sont pas rares.

Financement de la pharmacovigilance par les firmes elles-mêmes. La réglementation de 2004 a renforcé les moyens dévolus à la pharmacovigilance en exigeant son financement public pour garantir son indépendance : « les activités liées à la pharmacovigilance (...) bénéficient d'un financement public suffisant à la hauteur des tâches conférées » (article 67.4 du Règlement (CE) 726/2004).

La Commission propose d'annuler cette exigence d'un financement public suffisant en ajoutant aux dispositions existantes la précision que ces fonds « n'excluent pas les fonds collectés grâce aux redevances payées par les demandeurs d'autorisation de mise sur le marché ou les détenteurs d'une telle autorisation pour financer ces activités [NDLR : de pharmacovigilance] » (10, article 101c). Le financement de la pharmacovigilance serait ainsi directement dépendant du volume d'activité des agences nationales en matière d'octroi d'AMM.

Comité européen de pharmacovigilance : sans autorité. La formalisation du "Pharmacovigilance working party" (PhVWP) en un Comité européen de la pharmacovigilance, proposée par la Commission, n'est qu'un faux-semblant : son rôle serait toujours limité à la production de "recommandations" qui ne suffiraient pas à l'autorité administrative pour faire retirer ou modifier l'AMM sans nouvel avis de la Commission d'AMM (CHMP au niveau européen) (10, article 101k.9).

"Oubli" de l'article 126ter de la Directive 2004/27/CE sur la transparence. En cas d'évaluation communautaire, dont les résultats seront appliqués à tous les États membres, il est seulement prévu de rendre publique la décision finale de l'autorité (10, article 101k.10). Pourtant, l'article 126 ter de la Directive 2004/27/CE relatif aux obligations des autorités en matière de transparence stipule que l'autorité compétente « rende accessible au public (…) les comptes rendus de ses réunions, assortis des décisions prises, des détails des votes et des explications de vote, y compris les opinions minoritaires ».

De même, les rapports d'inspection, en particulier en cas de non-respect des obligations par la firme, devraient être rendus publics, assortis des sanctions prises. Ce n'est pas prévu par les propositions de la Commission (10, article 111).

Redresser le cap : pour une pharmacovigilance vraiment forte

Renforcer réellement la pharmacovigilance en Europe nécessite de renforcer les critères d'obtention d'une AMM en incitant à une meilleure qualité de l'évaluation, d'encourager à plus de transparence, de faire cesser la confusion des rôles entre autorités et firmes, et de se donner des moyens efficaces.

Renforcer les critères permettant l'octroi d'une AMM plus sûre. La grande majorité des nouveaux médicaments actuellement mis sur le marché n'apportent pas de réel progrès, et certains constituent des régressions thérapeutiques en exposant inutilement les patients à des effets indésirables (6).

Les critères de délivrance d'une autorisation de mise sur le marché doivent évoluer pour donner de meilleures garanties aux patients et à la collectivité. Exiger qu'un nouveau médicament apporte un progrès thérapeutique permettrait d'éviter d'exposer inutilement la population à des dégâts évitables (21).

Renforcer la transparence Les avancées réglementaires obtenues en 2004 en matière de transparence des autorités doivent être mieux appliquées et renforcées. Plusieurs mesures sont simples à mettre en œuvre :
• aider au repérage des médicaments mis sur le marché sans évaluation suffisante, à l'aide de la phrase « Tout effet indésirable doit être rapporté (voir notice pour détails) », mais aussi du visuel déjà largement utilisé dans l'Union européenne : un triangle noir pointé vers le bas à côté du nom de marque sur chaque boîte et sur les conditionnements primaires ;
• donner l'accès public aux informations de pharmacovigilance : rapports périodiques PSUR, notifications et bilans d'Eudravigilance, demandes d'études post-AMM ou de mise en place de plans de gestion du risque assorties des réponses apportées par les firmes ;
• rendre publiques les décisions motivées et détaillées de pharmacovigilance.

Donner les moyens aux autorités d'être indépendantes des firmes. Un financement public des activités de pharmacovigilance à hauteur de leur mission est une disposition clé de la législation de 2004, à préserver absolument et à faire enfin appliquer (article 67.4 du Règlement (CE) 726/2004).

Assurer une pharmacovigilance publique efficace. Une pharmacovigilance efficace nécessite des moyens financiers publics importants et une véritable volonté politique. Les priorités sont :
• doter les agences du médicament de plus de personnels spécialisés en pharmacovigilance ;
• donner au Comité européen de pharmacovigilance l'autorité suffisante pour imposer les modifications des notices ou le retrait du marché des médicaments dont la balance bénéfices-risques est défavorable ;
• organiser et exploiter efficacement un recueil public des notifications des effets indésirables, accessibles à l'ensemble des citoyens européens après anonymisation ;
• mieux suivre et exiger les études après commercialisation (alias études post-AMM), qui doivent être menées par des équipes indépendantes ;
• préférer la coopération et les échanges entre services décentralisés à un monopole avec centralisation des informations relatives à la sécurité des médicaments ;
• pouvoir sanctionner réellement les firmes ne respectant pas leurs obligations (la proposition d'article 101o est évasive) (g).

Refuser l'inacceptable

Avec l'obtention d'AMM de plus en plus facilitées et prématurées, et un système de gestion des risques permettant aux agences du médicament et surtout aux firmes de maîtriser totalement les affaires de pharmacovigilance, la Commission européenne espère sans doute œuvrer en faveur de la santé économique à court terme des firmes pharmaceutiques.

Les conséquences pour les patients sont telles que ce projet mérite un rejet unanime.

©Prescrire 1er juin 2008.
Rev Prescrire 2008 ; 28 (296) : 461-465
_________
Notes
a - Les récentes affaires Vioxx° et Zyprexa° rappellent à quel point les données de pharmacovigilance sont gênantes pour les firmes, qui peuvent dès lors avoir tendance à les dissimuler le plus longtemps possible. Par exemple, en 2000, les données de l'essai Vigor ont révélé un excès d'infarctus chez les patients sous l'anti-inflammatoire Vioxx° (rofécoxib). La firme a alors avancé l'hypothèse d'un effet cardiovasculaire favorable du médicament comparateur utilisé dans cet essai. Le temps perdu entre ces premiers résultats et le retrait du Vioxx°, quatre ans plus tard, a été à l'origine de dizaines de milliers d'accidents cardiovasculaires parfois mortels (réf. 6). Autre exemple plus récent, entre 2005 et 2007, la firme Lilly a indemnisé pour un montant total de plus de 1,2 milliard de dollars des milliers de plaignants aux États-Unis, qui l'accusaient de ne pas les avoir pleinement informés des effets indésirables de l'olanzapine (Zyprexa°), un neuroleptique à l'origine de diabètes et de troubles métaboliques importants (réf. 8).
b- Dans la suite du texte, sauf indication contraire, les articles de loi cités se rapportent à la Directive 2001/83/CE que la Commission entend profondément modifier.
c- Il suffira à la personne désignée comme responsable de la pharmacovigilance dans une firme donnée, d'attester par une simple lettre que la firme qui l'emploie dispose des moyens appropriés pour lui permettre d'assumer ses missions (10, article 8). Un dossier (le "Pharmacovigilance System Master File") devra certes être mis à disposition des autorités sur demande, ou pourra être consulté lors d'une éventuelle inspection, mais il ne fera pas l'objet d'un contrôle systématique (10, article 8(3)).
d- En dehors du cas des médicaments sous surveillance particulière, la Commission propose que les notifications des patients soient effectuées auprès des autorités des États membres. La proposition d'article 101e cite en particulier leur site internet, mais omet de citer les centres régionaux de pharmacovigilance qui sont en place dans plusieurs pays et dont l'importance du rôle, en raison de leur proximité avec les signalants, a pourtant été soulignée dans un rapport publié en 2006 (réf. 22).
e- Dans certains pays, Pays-Bas et Royaume-Uni en particulier, les données des effets indésirables sont accessibles sans que cela pose problème (réf. 23).
f- Actuellement, les firmes pharmaceutiques ont l'obligation de fournir les PSUR aux autorités, accompagnés d'une évaluation de leur balance bénéfices-risques, tous les 6 mois pendant les 2 premières années de commercialisation, chaque année les 2 années suivantes, puis tous les 3 ans (10, article 104.6 de la Directive 2001/83/CE et article 24.3 du Règlement (CE) 726/2004). En pratique, le respect de cette obligation est peu contrôlé (réf. 24). La Commission prévoit que les firmes puissent faire changer cette périodicité, et ce même si ces dispositions font partie des conditions d'obtention d'une AMM (article 101 f).
g- Un Règlement européen de 2007 a précisé les sanctions financières à appliquer en cas d'infraction à certaines obligations (réf. 25).
_________
Références
1- International Society of Drug Bulletins "Déclaration de Berlin sur la Pharmacovigilance" Rev Prescrire 2005 ; 25 (260) : 276-280. Texte complet en accès libre sur www.isdbweb.org : 16 pages.
2- Prescrire Rédaction "Le thalidomide. Une histoire riche d'enseignements" Rev Prescrire 1985 ; 5 (46) : 30-31.
3- Prescrire Rédaction "Diéthylstilbestrol (DES) : des dommages trente ans plus tard" 2007 ; 27 (287) : 700-702.
4- Gerson M "La saga d'Halcion° : dernier épisode ?" Rev Prescrire 1991 ; 11 (113) : 604-607.
5- Prescrire Rédaction "Rhabdomyolyse et cérivastatine – suite" Rev Prescrire 2001 ; 21 (220) : 595.
6- Prescrire Rédaction "Comment éviter les prochaines
affaires Vioxx°" Rev Prescrire 2005 ; 25 (259) : 222-225.
7- Prescrire Rédaction "Antidépresseurs : suicides
chez les jeunes adultes" Rev Prescrire 2007 ; 27 (288) : 751.
8- Prescrire Rédaction "Effets indésirables métaboliques de l'olanzapine : procès en cascade aux États-Unis" Rev Prescrire 2008 ; 28 (293) : 224-226.
9- Prescrire Rédaction "Rosiglitazone : infarctus" Rev Prescrire 2007 ; 27 (287) : 670.
10- European Commission - Enterprise and industry directorate-general "Strategy to better protect public health by strengthening and rationalising EU pharmacovigilance : public consultation on legislative proposals" Brussels, 5 December 2007. Site ec.europa.eu/enterprise consulté le 6 mars 2008 : 49 pages.
11- Medicines in Europe Forum, HAI Europe, ISDB "Joint open letter to the EU Commission President : The future of the European pharmaceutical industry depends on companies' capacity to meet patients' real needs" October 2007, 10. Site www.isdbweb.org consulté le 31 mars 2008 : 5 pages.
12- European Commission - Enterprise and industry directorate-general "Commission public consultation : An assessment of the Community System of Pharmacovigilance" Brussels, 15 March 2006. Site ec.europa.eu/enterprise consulté le 31 mars 2008 : 211 pages.
13- Prescrire Rédaction "La revue Prescrire Contribution to the consultation on pharmacovigilance in the EU: the new legislation must be fully applied, and improved where patient safety and public transparency is concerned". Site ec.europa. eu/enterprise : 10 pages. Contribution aussi présentée sur le site Prescrire : Prescrire Rédaction "Europe et Pharmacovigilance : appliquer la nouvelle réglementation et aller au-delà" Rev Prescrire 2006 ; 26 (274) : 544-1-544-6.
14- European Commission - Enterprise and industry directorate-general "Assessment of the Community system of pharmacovigilance – European Commission Public Consultation - presentation of results" Brussels, February 2007. Site ec.europa. eu/enterprise consulté le 31 mars 2008 : 37 pages.
15- "Renforcement du contrôle de la sécurité des médicaments" Bruxelles, 26 février 2007 ; référence IP/07/240. Site ec.europa.eu/enterprise consulté le 31 mars 2008 : 2 pages.
16- Directive 2001/83/CE (Title IX Pharmacovigilance: articles 101-108) et Règlement (CE) 726/2004 (articles 21-29).
17- "Companies still falling short on RMP" Scrip 2006 ; (3219) : 2.
18- Prescrire Rédaction ""Plans de gestion du risque" : pas rassurants du tout" Rev Prescrire 2007 ; 27 (282) : 259-260.
19- Kopp C "WHO performance under scrutiny" ISDB Newsletter 2007 ; 21 (1) : 17-20. Site www.isdbweb.org.
20- Edwards R et coll. "Are PSURs worthwhile?" Upssala Report January 2007 : 12-13.
21- ISDB "Declaration on Therapeutic Advance in the Use of Medicines" Paris 15-16 November 2001 : 12 pages.
22- Reiss R et coll. "Assessment of the European Community System of Pharmacovigilance" Fraunhofer Institute for Systems and Innovation Research 25 January 2006 ; 199 pages.
23- Prescrire Rédaction "Des données de pharmacovigilance en libre accès" Rev Prescrire 2006 ; 26 (271) : 268.
24- Prescrire Rédaction "Les agences du médicament annoncent leur volonté de transparence, mais on attend des faits" Rev Prescrire 2006; 26 (269): 146.
25- "Règlement (CE) No 658/2007 de la Commission du 14 juin 2007 concernant les sanctions financières applicables en cas d'infraction à certaines obligations fixées dans le cadre des autorisations de mise sur le marché octroyées en vertu du Règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil" Journal officiel de l'Union européenne 15-06-2007 : L 155/10 - L 155/19.