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Conflits d'intérêts
à l'Agence française des produits de santé :
il reste beaucoup à faire
 
Comment s'assurer que les experts externes mandatés par l'Agence française des produits de santé (Afssaps) mettent leurs compétences au profit du service public, sans confusion avec les intérêts, notamment financiers, qu'ils peuvent avoir par ailleurs ?
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Conflits d'intérêts à l'Agence française des produits de santé :
il reste beaucoup à faire

Rev Prescrire 2006 ; 26 (278) : 857-861.
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L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a une mission de service public. Sa capacité d'expertise interne a augmenté depuis sa création, mais elle reste insuffisante, et l'Agence a massivement recours à l'expertise externe. En 2005, environ 1 800 experts avaient un mandat en cours pour participer au fonctionnement des activités d'évaluation de l'Afssaps.

L'article L. 5323-4 du Code de la santé publique impose qu'une déclaration d'intérêts soit remplie par les experts mandatés, préalablement à tout travail au service de l'Afssaps : chaque expert doit déclarer sur l'honneur l'ensemble des engagements de toute nature qui le lient, de manière directe ou indirecte, avec les entreprises ou établissements produisant ou exploitant des produits de santé et des produits cosmétiques, ou avec les sociétés de conseil et les organismes professionnels intervenant dans ces secteurs.

Ces déclarations sont indispensables à l'Agence pour permettre, au quotidien, la prévention et l'identification des conflits d'intérêts. Ces conflits peuvent concerner notamment un médicament en évaluation à l'Afssaps ou bien des médicaments concurrents, que ces derniers soient en développement, en évaluation ou déjà sur le marché.

Le rapport des déclarations d'intérêts 2005 est un état des intérêts déclarés entre 1997 et 2005 par un millier d'experts.

135 experts mandatés en 2005 (12 %) n'ont jamais fait parvenir de déclaration d'intérêts, quelle que soit l'année considérée.

Selon le rapport 2005, 283 des 1 034 experts (24 %) ayant fait parvenir au moins une déclaration à l'Agence ont déclaré n'avoir aucun lien avec une entreprise.

Les types de liens déclarés le plus fréquemment ont été des interventions dites "ponctuelles" dans des réunions ou dans des études scientifiques. Le qualificatif de "ponctuel" employé par l'Afssaps dans sa catégorisation des intérêts ne doit pas faire illusion : les interventions dites "ponctuelles" peuvent aussi témoigner de liens étroits (par exemple, un expert rémunéré de manière répétée par une firme, pour des présentations lors de congrès).

Les liens reconnus comme à haut risque de conflits d'intérêts, où l'expert est financièrement engagé sur le long terme avec une firme, sont relativement nombreux : 77 déclarations d'intérêts financiers dans une entreprise (2 %), et 281 déclarations de liens durables ou permanents (6 %).

L'Afssaps a adopté en 2006 une nouvelle catégorisation des conflits d'intérêts qui différencie "intérêts mineurs" et "intérêts importants". Lorsque le risque de conflit d'intérêts est jugé "important" par l'Afssaps, l'expert concerné doit en principe quitter la séance pendant toute la procédure d'évaluation du dossier avec lequel il est lié : instruction, débats, délibération et vote, quitte à être remplacé. Cette distinction entre "intérêts importants" et "intérêts mineurs" repose sur un présupposé, à savoir que les intérêts classés comme "mineurs" ne peuvent pas biaiser le jugement d'un expert ni être à l'origine d'un conflit d'intérêt. Rien n'est moins sûr. Si les intérêts importants doivent pouvoir être facilement identifiés, les intérêts mineurs ne devraient pas être considérés systématiquement comme insignifiants.

Les comptes rendus de la Commission nationale de pharmacovigilance, et surtout de la Commission d'autorisation de mise sur le marché, ne sont pas assez explicites sur la présence de conflits d'intérêts et sur leur gestion.

L'Agence n'a visiblement pas encore réussi à obtenir de la totalité des experts mandatés auprès d'elle le respect de règles de déclarations d'intérêts pourtant très claires, ni à offrir au public le niveau de transparence auquel il a droit dans un domaine aussi sensible que celui de la protection de sa santé.

Les règles européennes qui imposent une déclaration annuelle des liens des experts sont une opportunité que l'Afssaps doit saisir pour renforcer sa gestion des conflits d'intérêts. L'impartialité des experts associés à des décisions d'intérêt public est impérative.

©La revue Prescrire 15 décembre 2006
Rev Prescrire 2006 ; 26 (278) : 857-851 (15 références).