L'Agence française
de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps)
a une mission de service public. Sa capacité d'expertise interne a augmenté
depuis sa création, mais elle reste insuffisante, et l'Agence a massivement
recours à l'expertise externe. En 2005, environ 1 800 experts avaient un
mandat en cours pour participer au fonctionnement des activités d'évaluation
de l'Afssaps. L'article
L. 5323-4 du Code de la santé publique impose qu'une déclaration
d'intérêts soit remplie par les experts mandatés, préalablement
à tout travail au service de l'Afssaps : chaque expert doit déclarer
sur l'honneur l'ensemble des engagements de toute nature qui le lient, de manière
directe ou indirecte, avec les entreprises ou établissements produisant
ou exploitant des produits de santé et des produits cosmétiques,
ou avec les sociétés de conseil et les organismes professionnels
intervenant dans ces secteurs. Ces
déclarations sont indispensables à l'Agence pour permettre, au quotidien,
la prévention et l'identification des conflits d'intérêts.
Ces conflits peuvent concerner notamment un médicament en évaluation
à l'Afssaps ou bien des médicaments concurrents, que ces derniers
soient en développement, en évaluation ou déjà sur
le marché. Le rapport
des déclarations d'intérêts 2005 est un état des intérêts
déclarés entre 1997 et 2005 par un millier d'experts. 135
experts mandatés en 2005 (12 %) n'ont jamais fait parvenir de
déclaration d'intérêts, quelle que soit l'année considérée. Selon
le rapport 2005, 283 des 1 034 experts (24 %) ayant fait parvenir au
moins une déclaration à l'Agence ont déclaré n'avoir
aucun lien avec une entreprise. Les
types de liens déclarés le plus fréquemment ont été
des interventions dites "ponctuelles" dans des réunions ou dans
des études scientifiques. Le qualificatif de "ponctuel" employé
par l'Afssaps dans sa catégorisation des intérêts ne doit
pas faire illusion : les interventions dites "ponctuelles" peuvent
aussi témoigner de liens étroits (par exemple, un expert rémunéré
de manière répétée par une firme, pour des présentations
lors de congrès). Les
liens reconnus comme à haut risque de conflits d'intérêts,
où l'expert est financièrement engagé sur le long terme avec
une firme, sont relativement nombreux : 77 déclarations d'intérêts
financiers dans une entreprise (2 %), et 281 déclarations de
liens durables ou permanents (6 %). L'Afssaps
a adopté en 2006 une nouvelle catégorisation des conflits d'intérêts
qui différencie "intérêts mineurs" et "intérêts
importants". Lorsque le risque de conflit d'intérêts est jugé
"important" par l'Afssaps, l'expert concerné doit en principe
quitter la séance pendant toute la procédure d'évaluation
du dossier avec lequel il est lié : instruction, débats, délibération
et vote, quitte à être remplacé. Cette distinction entre "intérêts
importants" et "intérêts mineurs" repose sur un présupposé,
à savoir que les intérêts classés comme "mineurs"
ne peuvent pas biaiser le jugement d'un expert ni être à l'origine
d'un conflit d'intérêt. Rien n'est moins sûr. Si les intérêts
importants doivent pouvoir être facilement identifiés, les intérêts
mineurs ne devraient pas être considérés systématiquement
comme insignifiants. Les
comptes rendus de la Commission nationale de pharmacovigilance, et surtout de
la Commission d'autorisation de mise sur le marché, ne sont pas assez explicites
sur la présence de conflits d'intérêts et sur leur gestion.
L'Agence n'a visiblement
pas encore réussi à obtenir de la totalité des experts mandatés
auprès d'elle le respect de règles de déclarations d'intérêts
pourtant très claires, ni à offrir au public le niveau de transparence
auquel il a droit dans un domaine aussi sensible que celui de la protection de
sa santé. Les
règles européennes qui imposent une déclaration annuelle
des liens des experts sont une opportunité que l'Afssaps doit saisir pour
renforcer sa gestion des conflits d'intérêts. L'impartialité
des experts associés à des décisions d'intérêt
public est impérative.
©La revue Prescrire
15 décembre 2006 Rev Prescrire 2006 ; 26 (278) : 857-851 (15
références). |