Revue Prescrire, article en une, Prix des médicaments : la folle envolée, Vioxx° à 1 centime décembre 2004
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Prix des médicaments : la folle envolée
Vioxx° à 1 centime le comprimé en 2001 !
Il fut un temps (jusqu'au milieu des années 1980) où le prix des médicaments remboursables par l'assurance maladie était bas en France, tout au moins plus bas qu'aux États-Unis d'Amérique, en Allemagne ou au Japon.

Il fut un temps (jusqu'au milieu des années 1980) où le prix des médicaments remboursables par l'assurance maladie était bas en France, tout au moins plus bas qu'aux États-Unis d'Amérique, en Allemagne ou au Japon.

Au nom de la compétitivité, de la rentabilité, de la capacité d'investissements en recherche, les industriels pharmaceutiques installés en France se plaignaient. Ils avaient beau s'évertuer à augmenter les quantités vendues (c'est-à-dire prescrites), et à faire faire des sauts de frontières aux factures de matières premières sur lesquelles étaient calculés les prix de vente, ils ne trouvaient pas le marché français assez rentable.

Depuis, le paysage a changé. Au nom des équilibres commerciaux européens et mondiaux, les prix ont grimpé, fortement grimpé. D'abord à l'hôpital, au nom de la liberté des prix pratiqués ; puis en "ville", au nom d'une modernisation de la "négociation" des prix remboursés.

D'aucuns affirment, et nous en faisons partie, que les prix affichés de tous ces nouveaux médicaments sont en réalité factices, ne correspondant pas aux investissements réels des industriels en termes de matières premières, de structures de production, de recherche, etc. Les prix des médicaments sont en fait déterminés comme étant les prix maximum que les firmes sont susceptibles de soutirer au "marché".

Prenons l'exemple des nouveaux anti-inflammatoires non stéroïdiens, les fameux anti cox-2 tant vantés dans les gazettes sponsorisées. Ils sont vendus la "peau des fesses", comme il se doit pour des produits présentés comme des innovations "décisives", malgré l'absence de progrès thérapeutique tangible.

En particulier, Vioxx° (rofécoxib) de Merck Sharp & Dohme-Chibret affiche "en ville" 295,00 FF (prix indicatif), non remboursable (à la date du 09.02.2001) par la Sécurité sociale et non agréée aux collectivités (à la date du 09.02.2001), la boîte de 28 comprimés (à 12,5 mg ou 25 mg), soit environ 10,50 FF (TTC) le comprimé (1). Tandis que son ambitieux concurrent, Celebrex° (célécoxib) de Searle et Pfizer affiche "en ville" 230,90 FF, remboursable à 65 % par la Sécurité sociale et agréé aux collectivités, la boîte de 30 gélules à 200 mg, soit environ 7,70 FF la gélule (TTC) (2).

Mais que lit-on dans le livret "Politique commerciale 2001 - Hôpital" de Merck Sharp & Dohme-BV (tarif 2001-06/09/00) (a)(3) ? Que : " Vioxx°, 12,5 et 25 mg, est proposé pour son conditionnement hospitalier de 50 comprimés à 1 centime le comprimé " (3). Vous avez bien lu : 1 centime (hors taxes), soit 1 000 fois moins que le prix affiché en ville.

Il ne s'agit pas là d'un cas isolé. Ce n'est pas le premier médicament non agréé aux collectivités qui se vend dans les hôpitaux (4). Et les exemples d'héparines (particulièrement de bas poids moléculaire), d'antibiotiques, etc., vendus à un prix dérisoire (un prix "prédateur" dit-on dans le milieu) sont fréquents à l'hôpital.

La bataille commerciale fait rage dans certains créneaux. Et les firmes feraient n'importe quoi pour s'implanter à l'hôpital, puis envahir les ordonnances de "sortie" et gagner ainsi le marché de "ville".

"Ce n'est pas nous" pourra dire Merck Sharp & Dohme Chibret, "c'est la filiale néerlandaise qui pratique la "prédation" en France". Certes, mais entre le prix vendu à l'hôpital et le prix généralement pratiqué en ville, il y a quand même une différence !

De quoi donner des arguments à tous ceux qui affirment, et nous en sommes, qu'il existe aujourd'hui à l'échelle mondiale une entourloupe générale sur le prix des médicaments.

© La revue Prescrire 1er décembre 2004
Rev Prescrire 2001 ; 21 (215) : 193.

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Notes
a- Ce livret précise que "Merck Sharp & Dohme-BV distribue sur le marché français Agrastat°, Singulair°, Crixivan° et Vioxx°. Ces 4 produits bénéficient d'une politique commerciale séparée de celle des laboratoires Merck Sharp & Dohme Chibret". Merck Sharp & Dohme-BV est une société de droit néerlandais. Mais un peu plus loin, le livret précise : " pour toute information concernant la politique commerciale hospitalière 2001, contacter MSD à Clermont-Ferrand " (France) (réf. 3).
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Références
1- Prescrire Rédaction "rofécoxib-Vioxx°" Rev Prescrire 2000 ; 20 (208) : 483-488 + (209) : 640.
2- Prescrire Rédaction "célécoxib-Celebrex°" Rev Prescrire 2000 ; 20 (212) : 803-808.
3- Merck Sharp & Dohme-BV "Politique commerciale 2001 - Hôpital" 6 septembre 2000. Extrait : 4 pages.
4- Prescrire Rédaction "À quoi sert l'agrément aux collectivités" Rev Prescrire 2000 ; 20 (202) : 68-71.