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Faire progresser les politiques de santé

Les actions publiques Prescrire, par ordre chronologique

Les actions en 2013 (récapitulatif)
L'Agence européenne du médicament refuse l'accès à des documents administratifs : Prescrire dénonce un retour en arrière inacceptable (Juin 2013)

Paris, le 12 juin 2013

Dans une lettre adressée à l'EMA, Prescrire rappelle qu'une politique ambitieuse d'accès aux documents de l'EMA est indispensable.

> Télécharger la lettre de Prescrire à l'Agence européenne du médicament (pdf, 472 Ko)

Lettre au Directeur de l'Agence européenne du médicament (EMA) 

Copie :
Aux Directeurs des Agences nationales
Aux Commissaires européens chargés de la Santé et de la Recherche
À des Députés européens membres de la Commission ENVI
Aux Représentants permanents des Ministres de la santé des États membres
Au Médiateur de l'Union Européenne
À la Cour des Comptes européenne

L'Agence européenne du médicament  refuse l'accès à des documents administratifs : Prescrire dénonce un retour en arrière inacceptable

Monsieur le Directeur,

Les données cliniques sur les médicaments détenues par les agences sont un bien commun. Les retenir est une pratique d'un autre temps qui fait obstacle à la protection de la santé publique ainsi qu'en ont témoigné le désastre du benfluorex (Mediator°), le scandale des données sur l'oseltamivir (Tamiflu°), etc. (1,2,3)

Prescrire, revue médicale indépendante, analyse méthodiquement les médicaments dans les indications thérapeutiques pour lesquels ils sont autorisés afin d'aider ses 35 000 abonnés (surtout médecins et pharmaciens) à améliorer la qualité des soins aux patients. Pour obtenir les données non publiées, Prescrire se documente auprès des firmes et des agences du médicament. Depuis bientôt 10 ans, Prescrire interroge notamment l'Agence européenne du médicament (4).

En avril puis à nouveau en mai 2013, Prescrire a fait deux demandes d'accès à des documents administratifs, mais s'est heurté à un refus de documentation de l'Agence au motif que la procédure en cours au niveau de la Cour de Justice européenne bloque l'application de la politique d'accès aux documents de l'Agence (5). Prescrire fait appel de ces décisions.

Dans son courrier de refus, l'Agence s'appuie sur l'article 4.2 du Règlement CE n° 1049/2001 qui fait référence à  la protection des intérêts commerciaux.

Or, nos demandes concernent des données cliniques et de praticité d'intérêt public, donc non couvertes par la définition d'informations "commercialement confidentielles" en application de l'article 4.2 du Règlement CE n° 1049/2001 (lire en encadré ci-dessous). Si certaines mentions contenues dans ces documents devaient être "commercialement confidentielles" (par exemple, des explications détaillées sur un procédé de fabrication), ces mentions devraient être noircies. Le refus par l'EMA de l'accès à des documents dans leur intégralité est injustifiable.

Avec ces refus, nous sommes projetés 5 ans en arrière, à une période où le désastre du Mediator° n'était pas encore venu violemment rappeler les effets meurtriers de l'opacité des agences sur les données cliniques, et où l'EMA refusait de documenter les citoyens par paternalisme ou négligence de ses missions d'intérêt public (6), s'abritant derrière la protection de la "confidentialité commerciale" et des intérêts commerciaux des firmes (4).

Prescrire peut comprendre que, dans le contexte de la procédure intentée par les deux firmes AbbVie et InterMune, l'Agence ait à étudier au cas par cas les demandes d'accès aux modules d'essais cliniques, voire à certaines données cliniques sensibles (7). Cependant, la procédure en cours au niveau de la Cour de Justice européenne ne doit pas servir de prétexte à l'EMA pour se dispenser de ses devoirs d'information envers les chercheurs et le public.

En 2013, un tel refus de documentation à une équipe comme Prescrire et à d'autres chercheurs indépendants est inacceptable.

Le 29 mai 2013, le vote du Parlement européen sur le Règlement essais cliniques en Commission Environnement et Santé (ENVI) a confirmé la nécessité de plus de transparence sur les résultats des essais cliniques par l'adoption d'un nouveau considérant qui fait référence à la politique d'accès aux documents de l'EMA de 2010. Ce considérant précise que les données cliniques ne doivent pas être considérées comme "commercialement confidentielles" une fois le processus de demande d'autorisation de mise sur le marché terminé (8).

Nous vous demandons, Monsieur le Directeur, de nous transmettre les documents demandés et de continuer à documenter Prescrire pendant toute la durée des procédures T-44/13 et T-73/13 opposant AbbVie et InterMune à l'EMA, au nom de l'intérêt public clairement mentionné à l'article 4.2 du Règlement CE n° 1049/2001.

Nous profitons de cette lettre pour vous encourager à défendre la politique de transparence mise en place par l'EMA en 2010 suite aux nombreuses plaintes déposées contre l'EMA avant 2010 (9), voire à la renforcer dans le cadre de la consultation annoncée pour fin juin 2013 (8).

Une politique ambitieuse d'accès aux documents de l'EMA est indispensable, en application par l'EMA du Règlement européen relatif à la liberté d'information (Règlement CE n° 1049/2001), pour permettre que les citoyens européens reçoivent les meilleurs soins possibles.

Nous vous prions, Monsieur le Directeur, d'accepter nos salutations distinguées.

Bruno Toussaint
Directeur Editorial
Prescrire

Demandes Prescrire : pourquoi refuser l'accès à des documents administratifs ?

En avril puis à nouveau en mai 2013, Prescrire a fait deux demandes d'accès à des documents administratifs qui ne contiennent pas de données "commercialement confidentielles" :
• demande d'accès aux modules 2.5 (clinical overview) et 2.7 (clinical summaries) du dossier d'harmonisation des spécialités à base de céfuroxime oral (suite à une première demande, les documents transmis par l'EMA en octobre 2012, qui s'appuyaient sur ces modules, ne suffisaient pas pour informer les professionnels de santé) ;
• demande d'accès aux maquettes ou aux spécimens des conditionnements de la spécialité Signifor° (pasireotide).

Procédures d'harmonisation : les dossiers d'AMM ne sont plus protégés. D'une manière générale, les procédures d'harmonisation étendent les indications des médicaments dans les États Membres qui les avaient autrefois autorisés selon une procédure nationale. Le plus souvent, ces spécialités n'ont plus guère d'enjeux commerciaux pour les firmes qui les ont inventées et leur dossier d'AMM n'est plus protégé. D'ailleurs, les procédures d'harmonisation précèdent souvent la diffusion large de génériques. Or peu de données sont rendues publiques par les Agences du médicament sur toutes les indications d'un médicament ayant été harmonisé. Par exemple, pour ce qui concerne le céfuroxime oral, les AMM françaises se retrouvent étendues de 6 nouvelles indications. Les documents publiés ne permettent pas d'étudier solidement la balance bénéfices-risques du céfuroxime dans ces 6 nouvelles indications. Le rapport public de l'Agence européenne est utile mais il s'agit d'un résumé de l'analyse des données.

Maquettes ou spécimens de conditionnements : simples documents administratifs. Les conditionnements mal conçus sont une cause majeure de survenue d'erreurs médicamenteuses. Prescrire analyse de manière systématique ces conditionnements afin d'alerter les professionnels de santé sur d'éventuels risques et prévenir ainsi la survenue d'erreurs médicamenteuses. Les représentations (photocopies, scans, schémas) de conditionnements sont de simples documents administratifs qui font partie de l'information officielle que l'Agence a évalué et doit mettre à disposition du public. Il s'agit de représentations de conditionnements réels, déjà commercialisés par les firmes pharmaceutiques.

©Prescrire Juin 2013

Références :
1- "Affaire du Mediator : deux ex-responsables de l'agence du médicament mis en examen" Le Monde (lemonde.fr) 18.02.2013.
2 - Gøtzsche PC, Jørgensen AW "Opening up data at the European Medicines Agency" BMJ 2011; 342:d2686 doi: 10.1136/bmj.d2686.
3 - Doshi P, Jefferson T "Clinical study reports of randomised controlled trials: an explanatory review of previously confidential industry reports" BMJ Open 2013; 3: e002496. Doi: 10.1136/bmjopen-2012-002496.
4 - Prescrire Editorial Staff "Legal obligations for transparency at the European Medicines Agency: Prescrire's assessment over four years" Prescrire International 2009 ; 18 (103) : 228-233. > Pdf
5 - Dyer C "European drug agency's attempts to improve transparency stalled by legal action from two US drug companies" BMJ 2013; 346:f3588.
6 - European Medicines Agency "Activities of former EMA Executive Director Thomas Lönngren: Management Board emphasises ongoing obligation to inform Agency of future activities" press release 21/03/2011.
7 - European Medicines Agency "European Medicines Agency receives interim decisions of the General Court of the EU on access to clinical and non-clinical information" presse release; 30 April 2013.
8 - Amendement consolidé 41: "Recital 20 a (new) : According to the policy of European Medicines Agency on access to documents, the Agency releases documents submitted as part of applications for marketing authorisation, including clinical trial reports, on request once the decision-making process for the medicine in question has been completed. Furthermore, the Agency continues to extend its transparency policy to proactive publication of clinical-trial data for medicines once the decision-making process on an application for a Union-wide marketing authorisation is complete. Those standards on transparency and access to documents should be upheld and reinforced. Therefore, for the purposes of this regulation, clinical trial data should not be considered commercially confidential once a marketing authorisation has been granted or the decision-making process on an application for marketing authorisation has been completed."
9 - Joint letter of support by 18 organizations and 10 researchers "EMA's efforts to increase transparency serve public health and general interest at large" Brussels, 12 April 2013: 3 pages.

> Télécharger la lettre de Prescrire à l'Agence européenne du médicament (pdf, 472 Ko)