Adapter les médicaments à leur emploi chez les enfants impose notamment d'adapter le conditionnement à la situation (a,b).
Le bilan de l'examen des conditionnements par Prescrire en 2011 montre qu'il y a encore beaucoup d'améliorations à exiger des agences, à apporter par les firmes, et d'ici là, beaucoup d'erreurs à prévenir par les soignants.
Règlement pédiatrique européen : encore peu d'effets positifs
Le losartan – Cozaar° a été autorisé chez les enfants dans l'hypertension artérielle en 2009
(n° 318 p. 246). La suspension buvable pédiatrique est arrivée 17 mois plus tard, non remboursable (n° 329 p. 181). Son conditionnement fait prévoir des difficultés : la suspension n'est pas prête à l'emploi ; les éléments pour sa reconstitution sont sources d'erreur ; la seringue doseuse fournie est graduée en ml, or les calculs de conversion des mg prescrits en ml mesurés sont aussi sources d'erreur.
Malgré ces défauts, le monopole de commercialisation du losartan a été prolongé en France de 6 mois, conformément au Règlement pédiatrique européen en application depuis 2007 (c). Dans le cas du losartan, c'est une bonne affaire pour la firme, mais pas pour les enfants (d). Le Règlement pédiatrique européen a notamment pour objectif d'améliorer la praticité des traitements administrés aux enfants : l'Agence européenne a de quoi être plus exigeante quant à son application (1).
Le conditionnement du deuxième sartan pédiatrique commercialisé en 2011 est de meilleure qualité (valsartan – Tareg° buvable ; n° 338 p. 900). La solution n'est pas à reconstituer. La boîte contient deux dispositifs : une seringue orale doseuse et un gobelet collecteur gradué. Cet ensemble est judicieux mais inhabituel, et mérite d'être expliqué aux parents par les soignants, à l'appui de la notice bien détaillée. Seringue et gobelet sont gradués en ml, et non en mg de valsartan.
Beaucoup de non-qualité, entre surdoses et échecs du traitement
En 2011, nous avons réexaminé les spécialités pédiatriques de paracétamol buvable disponibles en France (n° 334 p. 580-581). Le conditionnement de Dolko° est le plus insuffisant : le flacon ne comporte pas de bouchon-sécurité et les mentions de DCI et de dosage sont peu lisibles sur les étiquetages. Le conditionnement des deux autres spécialités pédiatriques de paracétamol buvable (Dafalgan°, Doliprane°) n'est pas optimal non plus.
En 2011, l'Afssaps a mené une réévaluation des antitussifs chez les enfants. Aucune mesure n'a été édictée vis-à-vis de leurs conditionnements. Or la plupart des antitussifs sont mal conditionnés : le plus souvent sans aucun dispositif doseur ou avec des gobelets gradués à risque de surdoses ; trop de flacons sans bouchons-sécurité ; et leur notice n'explique pas l'évolution naturelle d'une toux bénigne, l'absence d'intérêt thérapeutique démontré du médicament et les solutions non médicamenteuses à privilégier. L'ajout de bouchons-sécurité, de seringues orales précises et adaptées et de notices correctement informatives protègeraient mieux les enfants, lesquels resteront sinon exposés aux effets indésirables des antitussifs maintenus sur le marché français.
Les conditionnements pédiatriques du métoclopramide buvable ont été modifiés en 2011 mais restent très médiocres (n° 328 p. 103) : absence de bouchon-sécurité ; graduation en kg de poids de l'enfant inadaptée, et difficilement lisible sur la seringue pour nourrissons (e)(2).
La notice des sachets de poudre du picosulfate de sodium associé – Picoprep°, destiné au lavage colique avant exploration (n° 330 p. 265), stipule pour les enfants un quart ou un demi-sachet selon l'âge (3). La notice ne donne aucun conseil pour la préparation précise des quarts ou demidoses. Cette inadaptation du conditionnement expose les enfants à la fois à des surdoses dangereuses et à des échecs d'exploration colique (f).
Mieux protéger les enfants
En 2011, les enfants sont mal protégés vis-à-vis des dangers des médicaments, des excipients et des erreurs médicamenteuses, dans le cadre des AMM, et davantage encore dans la pratique fréquente des utilisations hors AMM. Or l'état du marché révèle trop de dangers. Et les effets du Règlement pédiatrique européen sont encore insuffisants.
En 2011, l'Agence européenne du médicament a mis en consultation publique un projet de lignes directrices relatives au développement des médicaments pédiatriques (4).
Ce projet est l'occasion de renforcer les exigences pour une meilleure protection des enfants. Prescrire a répondu à cette consultation en vue d'améliorer les insuffisances du projet vis-à-vis des conditionnements et des excipients (4,5).
Notes :
a- Pour ce qui est de la protection des enfants vis-à-vis des médicaments qui ne leur sont pas destinés, lire le Bilan de conditionnement 2011 (cliquer ci-contre à droite).
b- Adapter les médicaments aux enfants impose aussi parfois d'adapter la forme pharmaceutique. Par exemple, en 2011, l'Agence étatsunienne du médicament (FDA) a incriminé les excipients de la solution buvable lopinavir + ritonavir – Kaletra° dans des effets indésirables graves survenus chez des prématurés et des nouveau-nés : l'alcool contenu en grande quantité (42 %) inhibe le métabolisme du propylène glycol avec un risque d'accumulation toxique à cet âge (n° 332 p. 429). Ce médicament n'est pas recommandé pour les enfants de moins de 2 ans mais il est souvent utilisé au vu de son efficacité antirétrovirale. La firme n'a pas pour autant commercialisé de spécialité adaptée.
c- Le Règlement pédiatrique européen prévoit 6 mois de protection supplémentaire (et donc de monopole de commercialisation) pour un médicament destiné aux adultes si la firme qui le commercialise répond aux exigences que l'Agence européenne a édictées en matière de développement pédiatrique.
d- Selon les chiffres de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts) des montants présentés au remboursement au cours de l'année 2009, 6 mois de remboursement relatif au losartan non associé à l'hydrochlorothiazide représentent environ 27 millions d'euros (réf. 1,6).
e- Fin 2011, dans le sillage de l'harmonisation européenne des mentions pédiatriques, la Commission d'AMM de l'Afssaps a recommandé l'interdiction du métoclopramide en pédiatrie (réf. 2).
f- Selon la firme concernée, une autorisation pour la mise à disposition d'une cuillère-mesure permettant de mesurer des quarts et demi-doses est attendue courant 2012.
Extrait de la veille documentaire Prescrire
1- "Règlement CE n° 1901/2006 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relatif aux médicaments à usage pédiatrique, modifiant le règlement (CEE) n° 1768/92, les directives 2001/20/CE et 2001/83/CE ainsi que le règlement (CE) n° 726/2004" Journal Officiel de l'Union européenne du 27 décembre 2006 : L 378/1-L 378/19.
2- Afssaps "Point d'information sur les dossiers discutés en commission d'AMM. Séance du 13 octobre 2011" 14 octobre 2011 : 3 pages.
3- Afssaps "Notice–Picoprep" 31 janvier 2011 : 7pages.
4- Agence européenne du médicament "Draft. Guideline on pharmaceutical development of medicines for paediatric use" 19 mai 2011 : 23 pages.
5- Prescrire Rédaction "Réponse à la consultation EMA/CHMP/QWP/180157. "Draft. Guideline on pharmaceutical development of medicines for paediatric use"" 29 décembre 2011 : 10 pages. > Télécharger la version française
6- Cnamts "Cozaar°". In : "Medic'am 2004-2009" juin 2010 (site www.ameli.fr) : extraction papier 1 page.
©Prescrire Février 2012
Rev Prescrire 2012 ; 32 (340) : 141-147 (pdf, accès libre)