prescrire.org > Libre Accès > Faire progresser les politiques de santé > Conditionnements des médicaments et sécurité des soins > Les bilans annuels du conditionnement > Bilan 2010 des conditionnements

Faire progresser les politiques de santé

Conditionnements des médicaments et sécurité des soins

Les bilans annuels Prescrire du conditionnement
Bilan 2010 des conditionnements : savoir reconnaître les pièges pour éviter les erreurs

Résumé

  • En 2010, c’est toujours la non-qualité qui prédomine parmi les conditionnements des médicaments examinés par Prescrire.
  • Les conditionnements potentiellement dangereux sont trop nombreux : étiquetages sources d’erreurs médicamenteuses ; dispositifs doseurs de psychotropes pouvant induire des surdoses ; bouchons-sécurité absents ; notices complexes voire imprudentes.
  • Pourtant, toutes les solutions de qualité sont présentes sur le marché. Elles pourraient devenir la règle, à condition que les agences du médicament et les firmes se mettent au travail sérieusement.
  • En attendant ce sursaut, les soignants peuvent aider les patients en développant leur compétence sur l’analyse des conditionnements, en notifiant les pièges et en intervenant par leurs conseils pour limiter les dégâts.

Ces dernières années, les bilans Prescrire relatifs aux conditionnements des spécialités pharmaceutiques ont montré l’impact bénéfique de mesures réglementaires : les amendements de 2004 à la directive européenne sur les médicaments qui ont répandu la dénomination commune internationale (DCI) sur les étiquetages et le braille sur les boîtes, et qui ont permis la création des tests de lisibilité des notices ; les standards de l’Agence française des produits de santé (Afssaps) relatifs aux étiquettes de médicaments injectables dangereux.

Sans oublier le choix bienvenu de plusieurs firmes de génériques de mettre en valeur la DCI sur les boîtes (1,2).

Qu’en est-il pour les conditionnements des médicaments dont Prescrire a examiné le dossier en 2010 ?

Des efforts de qualité à souligner
Comme chaque année, les principaux éléments de qualité se retrouvent parmi les 300 conditionnements examinés, mais aucune spécialité ne les réunit tous.

L’Atelier conditionnement de Prescrire a examiné de trop rares plaquettes unitaires ou quasi unitaires (a) : par exemple, saxagliptine (Onglyza° - n° 323 p. 646- 651) ; prasugrel (Efient° - n° 317 p. 180) ; ainsi qu’une plaquette sécurisée pour un opioïde dont les modalités d’accès au contenu des alvéoles devraient décourager un enfant curieux : fentanyl (Effentora ° - n° 319 p. 341).

Parmi les conditionnements examinés en 2010, plusieurs flacons contenant une substance dangereuse à dose élevée sont correctement équipés d’un bouchonsécurité. Par exemple, c’est la cas du flacon de la solution buvable d’halopéridol (Haldol° - n° 320 p. 420).

Quelques médicaments impliquant le maniement de dispositifs de préparation ou d’administration sont quasi prêts à l’emploi grâce aux éléments nécessaires que renferme leur conditionnement : phosphate de sodium + bisacodyl (Prépacol° - n° 315 p. 16) ; certolizumab (Cimzia° - n° 325 p. 818) ; inhibiteur de la C1 estérase (Berinert° - n° 321 p. 502) ; icatibant (Firazyr° - n° 321 p. 493).

En 2010, quelques rares améliorations de conditionnements ont été notées : la seringue orale de Fluanxol° est devenue graduée en mg de flupentixol, un neuroleptique, et non plus en nombre de gouttes de solution (n° 318 p. 262). Celle de la solution buvable de Dépakine° est devenue uniquement graduée en mg de valproate de sodium et non plus doublement graduée en mg et en ml. Les doseurs à double graduation sont source de confusion (n° 315 p. 20). Le flaconvrac sans bouchon-sécurité de la spécialité d’automédication doxylamine - Lidène° a été remplacé par des plaquettes (n° 315 p. 18) ; même changement pour l’indoramine (Vidora° - n° 318 p. 264).

Se méfier des étiquetages
En 2010, des défauts restent très répandus, toujours les mêmes, auxquels s’ajoutent de mauvaises surprises.

DCI escamotées. Les DCI sont trop souvent peu visibles, ce qui peut compromettre l’identification des substances et entraîner des erreurs médicamenteuses. Elles manquent à la face principale de la boîte et au flacon d’une solution pour inhalation riche en dérivés terpéniques (lévomenthol + teinture de benjoin + teinture d’eucalyptus + baume du Pérou + huiles essentielles de lavande et de thym) Dolirhume aux huiles essentielles° (n° 318 p. 266).

Les DCI apparaissent discrètement en lettres maigres, grises, et de 1 mm sur les étiquetages d’Isofébryl vitamine C°, alors que la mention "vitamine C" du nom commercial saute aux yeux, en lettres de 5 mm grasses et orange. Cette spécialité contient pourtant aussi de l’aspirine et du paracétamol.

Sur les plaquettes de Temeritduo° (nébivolol 5 mg + hydrochlorothiazide 12,5 mg ou 25 mg), les DCI sont si petites qu’elles ressemblent à un trait de soulignage du nom commercial (n° 320 p. 418). Etc.

Chartes graphiques d’une gamme : trop de similitudes aux dépens de la composition. Lorsqu’une gamme comporte plusieurs dosages, les chartes graphiques (reproduction des mêmes effets graphiques sur toutes les spécialités, pour faire valoir la gamme) rendent les étiquetages trop ressemblants, et sources de confusion entre dosages. Les faces principales des boîtes des deux dosages de Temeritduo° en sont la caricature.

Sur la face principale des boîtes des quatre dosages de la gamme Exforge HCT° (amlodipine + valsartan + hydrochlorothiazide), la bande colorée qui différencie les dosages paraît mineure au regard de la charte graphique (n° 325 p. 809). Des erreurs de prise entre dosages de cette triple association d’antihypertenseurs sont à prévoir.

Avec la gamme des dosages Rasilez HCT° (aliskirène + hydrochlorothiazide, n° 315 p. 11 et 320 p. 420) ou celle des dosages du rufinamide (Inovelon° - n° 319 p. 342), les différences d’étiquetages entre les plaquettes sont minimes.

En matière de chartes graphiques, la gamme "ombrelle" Codotussyl° (n° 317 p. 177) est un exemple de non-qualité : trame fuchsia prononcée, éléments graphiques répétitifs inutiles aux soins, tel le visage en filigrane d’un enfant ou d’un adulte (ressemblant d’ailleurs plutôt à un adolescent). Le nom commercial est trop voyant, pour des compositions bien différentes selon les spécialités : acétylcystéine, cétylpyridinium, lidocaïne ou pholcodine.

Les boîtes et flacons des sirops à base de pholcodine arborent une cuillère bicéphale, c’est-à-dire comportant à l’une de ses extrémités un gros cuilleron (5 ml) et à l’autre extrémité un petit cuilleron (2,5 ml). Sur cette illustration, seul le gros cuilleron de 5 ml est rempli. Or pour les enfants pesant entre 20 kg et 35 kg, la dose par prise recommandée dans la notice correspond à 2,5 ml. Mieux vaut éviter de placer cette gamme en accès libre dans les pharmacies.

Alvéoles mal individualisées. Quelques plaquettes examinées en 2010 présentent un danger pourtant connu. Sur celles du pramipexole (Sifrol° LP 0,26 mg - n° 323 p. 667), des zones prédécoupées correspondant à deux alvéoles sont recouvertes par une seule dénomination et une seule mention de dosage.
Un défaut proche de celui des plaquettes de DolipraneLib° (lire dans l’encadré ci-contre).

Voilà plusieurs années que Prescrire dénonce ce type de plaquettes susceptibles de conduire à la prise d’une double dose (1,2), mais les agences du médicament n’ont toujours pas réagi à ce risque.

Concentrations mal libellées. En 2010, les libellés des concentrations des formes multidoses buvables ou injectables sur les étiquetages restent préoccupants.
Un exemple caricatural a été examiné en 2010. Les deux solutions buvables de valproate de sodium, commercialisées en France par le même groupe (Sanofi Aventis), diffèrent dans l’expression de leur concentration. Sur la face principale de la boîte et le flacon du princeps (Dépakine °), figure la mention "200 mg/ml". Sur ceux de son unique copie, Valproate de sodium Winthrop° figure la mention "20 %". En cas de substitution, la différence d’expression des concentrations entre princeps et copie est source de confusion. Un risque malvenu avec un antiépileptique.

Depuis plusieurs années, bon nombre d’étiquetages d’injectables exposent à des erreurs médicamenteuses car leurs étiquetages respectent les recommandations européennes sur le libellé de l’expression des concentrations ou des dosages dans la dénomination des spécialités pharmaceutiques. Or ces dénominations visent à aider les agences du médicament à différencier les différentes spécialités mais pas à guider les patients et les soignants vers le bon usage du médicament (lire dans l’encadré page 145). L’exemple du temsirolimus (Torisel° - n° 319 p. 336) est représentatif du problème posé. La posologie du RCP incite à injecter 25 mg. La face principale de la boîte met en valeur la dénomination administrative incluant la mention de concentration "25 mg/ml". Mais le flacon contient 30 mg de substance dans 1,2 ml. Une confusion entre la quantité totale de substance renfermée par le flacon (30 mg) et la concentration à administrer (25 mg) est à prévoir. À suivre.

Flacons sans boîte : exception ou dérive ?
En 2010, trois médicaments présentés en flacons-vrac ont été conditionnés sans boîte (alias conditionnement secondaire) : polystyrène sulfonate de calcium (Resikali° - n° 319 p. 344) ; acétate de calcium Phosphosorb ° - n° 323 p. 667-668) ; carbonate de sévélamer (Renvela° - n° 326 p. 900).

Ces flacons portent sur leur flanc une étiquette dont un bord se détache, libérant ainsi une notice pliée. Or, avec ce type de flacon, les étiquettes-notices se recollent difficilement après plusieurs décollements. Il est parfois indispensable de décoller la notice pour la lire (Phosphosorb °).

En outre, dans le cas de Resikali°, il faut introduire les doigts dans la poudre pour trouver et saisir la cuillère doseuse. Les boîtes protègent mécanique- ment contre la lumière, la chaleur et l’humidité. Elles permettent d’y ranger la notice et les dispositifs doseurs. Leur format est toujours plus large que celui des étiquetages des flacons, plaquettes ou seringues sur lesquels la lisibilité des mentions est parfois compromise. On imagine aisément la multiplication des risques si la pratique de suppression de la boîte se développe avec des substances dangereuses. Les agences du médicament doivent empêcher cela.

Protéger les enfants
Encore trop de substances dangereuses sont mises à disposition sans dispositif de fermeture sécurisant. Le marché de l’automédication est particulièrement touché par ce problème. Alors que ces médicaments circulent dans les foyers, bon nombre sont dépourvus de bouchon-sécurité tels des sirops contenant des antitussifs aux effets psychotropes : gamme Codotussyl ° décrite ci-dessus ; gamme Clarix° recouvrant des substances telles que pholcodine et pentoxyvérine (n° 318 p. 264).

Le flacon de Dolirhume aux huiles essentielles°, riche en dérivés terpéniques, comporte un bouchon en aluminium des plus simples à dévisser. Une ingestion massive par un jeune enfant l’exposerait aux effets indésirables neurologiques des dérivés terpéniques à types de convulsions, hallucinations, somnolence (3).

En 2010, une nouvelle association d’antihypertenseurs est disponible en flacon-vrac avec un bouchon-couvercle facile à ôter : amlodipine + périndopril (Coveram° - n° 316 p. 11).

La première forme nasale de fentanyl (Instanyl° - n° 321 p. 486-487 et n° 325 p. 876) a été commercialisée en France dans une boîte plastique visant à retarder l’accès des enfants au flacon pulvérisateur multidoses. Nos essais d’ouverture de cette boîte nous ont laissé perplexes quant à sa capacité de protection réelle. Et le flacon lui-même se présente comme un simple spray nasal. Il ne comporte pas de bouchon-sécurité, alors qu’il est prévisible que peu de patients le replaceront dans sa boîte, malcommode.

Doseurs : tendance imprudente aux flacons à pompe
En 2010, les dispositifs doseurs gradués en quantité pondérale de substance sont rares. La plupart le sont en millilitres, impliquant des calculs de conversion source d’erreurs. Pire, celui d’un antiépileptique, le lévétiracétam (Keppra° - n° 321 p. 504) a régressé : il est devenu gradué en ml alors qu’il l’était auparavant en mg (lire aussi dans le numéro 327 p. 20).

La commercialisation de compte-gouttes, doseurs imprécis et désuets, est encore à déplorer, notamment pour des psychotropes : halopéridol (Haldol°) et escitalopram (Seroplex° - n° 319 p. 344).

En 2010, la mémantine buvable (Ebixa° - n° 323 p. 671), jusqu’alors disponible en flacon compte-gouttes, est devenue conditionnée en flacon pulvérisateur à pompe doseuse à amorçage et sans période réfractaire (temps minimal imposé entre deux pulvérisations). Une pression délivre 5 mg de mémantine, soit 10 fois plus qu’une goutte de l’ancien flacon. Comme prévisible, peu après la mise sur le marché du nouveau conditionnement de la forme buvable d’Ebixa°, des erreurs ont eu lieu et des surdoses ont été administrées. Fin 2010, la firme a rendu l’étiquetage plus clair mais le doseur est inchangé (lire dans ce numéro page 102).

Instanyl° aussi est livré en pulvérisateur à pompe doseuse à amorçage et sans période réfractaire. La firme qui le commercialise a prévu de fournir prochainement un flacon monodose sécurisé. En attendant, le conditionnement de 2010 est dangereux en raison des risques de surdoses susceptibles d’être mortelles (voir aussi plus haut).

Notices trop souvent insuffisantes
Même si les tests de lisibilité des notices se sont avérés sources de progrès, trop de notices demeurent insuffisantes ou difficilement compréhensibles (1,2).

Les notices des sirops antitussifs examinés en 2010 et disponibles en automédication (gammes Codotussyl° ou Clarix° par exemple) n’expliquent pas l’évolution naturelle d’une toux banale et bénigne, ou ne détaillent pas les options non médicamenteuses. Pourtant, le rôle des antitussifs dans le traitement de la toux est minime, voire nul, au regard du rôle des sucreries à sucer ou des boissons (4,5). Mais cela n’est pas précisé sur ces notices.

Les notices de certains AINS en accès libre dans les officines sont incomplètes ou ambiguës au regard des risques pendant la grossesse pour l’enfant à naître. La notice de comprimés d’ibuprofène (Nurofenfem ° - n° 320 p. 424) n’en interdit pas clairement la prise au 1er trimestre de la grossesse. Or des données sont en faveur d’un risque accru de fausse couche (6). La notice mentionne : « au cours du premier trimestre de la grossesse (…), votre médecin peut être amené, si nécessaire, à vous prescrire ce médicament ».

Pire, selon la notice de l’emplâtre à base de diclofénac VoltarenPlast° (n° 320 p. 424), « pendant les 6 premiers mois de grossesse, VoltarenPlast° (...) ne peut être utilisé que sur les conseils de votre médecin ». Cette mention est dangereuse car, au second trimestre de la grossesse, les AINS exposent le fœtus à des problèmes rénaux et cardiovasculaires graves (7).

En situation d’automédication, comment ces mentions ambiguës sont-elles comprises par les patientes ? Pourquoi les notices d’AINS toutes formes confondues n’interdisent-elles pas tout simplement l’automédication pendant toute la grossesse (8), comme le font certaines publicités destinées au grand public ?

À l’opposé de l’automédication, certains médicaments injectables sont à préparer et à administrer par les soignants. Mais les notices ne contiennent pas toujours tous les détails quant aux modalités de préparation et d’administration (exemple : tocilizumab (Roactemra°- n° 320 p. 418)). Ces informations font parfois l’objet de brochures détaillées remises par les firmes aux soignants, à lire avec esprit critique. Il serait plus simple que les boîtes contiennent toute l’information nécessaire à tous les intervenants, soignants compris.

En pratique
En somme, la non-qualité globale des conditionnements se pérennise au détriment de la qualité des soins (lire à ce propos le Point de vue de la Rédaction ci-dessus).

D’ici au sursaut des firmes et des agences du médicament, les soignants toujours en quête d’améliorer leurs services aux patients peuvent les aider : en développant leur compétence dans l’analyse des conditionnements, en notifiant les pièges des conditionnements mal conçus, et en intervenant par leurs conseils pour limiter les dégâts.

©Prescrire Février 2011

Rev Prescrire 2011 ; 31 (328) : 142-145 (pdf, accès libre)

Note :
a- Pour connaître la mission de l’Atelier conditionnement, pour revoir ou découvrir le vocabulaire technique tel que "plaquette unitaire" ou "quasi unitaire", lire la référence 2.

Extraits de la veille documentaire Prescrire.
1- Prescrire Rédaction "Le conditionnement des spécialités pharmaceutiques en 2009 : quelques avancées" Rev Prescrire 2010 ; 30 (316) : 143-145.
2- Prescrire Rédaction "Conditionnement des spécialités pharmaceutiques : encore trop de conditionnements à risques, mais plusieurs initiatives positives" Rev Prescrire 2007 ; 27 (280) : 150.
3- Afssaps "Commission nationale de Pharmacovigilance - Compte rendu de la réunion du mardi 25 mai 2010" 6 juillet 2010 : 6-14.
4- Prescrire Rédaction "Toux gênantes" Rev Prescrire 2008 ; 28 (299) : 676-677.
5- Prescrire Rédaction "Médicaments de la toux et rhume : effets indésirables trop graves face à des troubles bénins" Rev Prescrire 2009 ; 29 (312) : 751- 753.
6- Prescrire Rédaction "AINS topiques : gare en cas de grossesse" Rev Prescrire 2008 ; 28 (299) : 664.
7- Prescrire Rédaction "Gare aux AINS en deuxième partie de grossesse" Rev Prescrire 2007 ; 26 (270) : 188-191.
8- Prescrire Rédaction "Infos-patients - Pas d’antiinflammatoire pendant la grossesse" site www. prescrire.org : 1 page.