Résumé
- En 2009, la non-qualité prédomine encore parmi les conditionnements analysés par Prescrire. Trop d’étiquetages sont ambigus ou maladroitement informatifs. La qualité des dispositifs doseurs et la sécurité des flacons multidoses ne sont pas garanties. Les notices sont globalement plus lisibles mais encore peu informatives. Autant de sources de risques pour les patients.
- Les dispositions européennes relatives aux étiquetages, enfin transposées en France, se sont traduites par des améliorations : présence accrue de la dénomination commune internationale (DCI) sur les conditionnements primaires. Le braille sur les boîtes et l’accès aux notices en braille se développent. La lisibilité des étiquetages recommandés par l’Afssaps pour les ampoules de certains médicaments injectables dangereux s’est répandue. Des éléments positifs ont été relevés sur de nombreux conditionnements.
- En pratique, les soignants ont à agir sur les conditionnements : choisir les meilleurs conditionnements, notifier les risques, informer les patients.
Depuis plusieurs années, l’Atelier conditionnement Prescrire constate une lente amélioration des conditionnements des spécialités pharmaceutiques du marché français, le niveau général de qualité et de sécurité étant insatisfaisant (1,2).
Qu’en est-il en 2009 ?
La non-qualité prédomine
Globalement, en 2009, le progrès est mince.
DCI trop peu lisible. Les firmes qui ne visent pas le marché des génériques optent souvent pour des noms commerciaux de fantaisie qu’elles valorisent sur les étiquetages, au détriment de la dénomination commune internationale (DCI), suivant plusieurs procédés.
Par exemple, la DCI est étirée sous la mention du nom commercial en petits caractères espacés, comme un trait de soulignement, quasi illisible sur les plaquettes (racécadotril - Tiorfast° n° 304 p. 97 et n° 308 p. II de couv.). La DCI est étriquée sous les deux premières lettres du nom commercial dix fois plus grand (nifuroxazide - Imoseptyl° n° 307 p. 342).
La DCI est placée à la traîne de diverses mentions sur la face principale des boîtes (ziconotide - Prialt° n° 312 p. 737 ; biclotymol - Humex mal de gorge miel citron° n° 308 p. 426 ; chlorphéniramine + paracétamol - Humex état grippal° n° 314 p. 897). La DCI disparaît de la plaquette lorsque le patient, pour extraire un comprimé, doit déchirer le film qui recouvre l’unique alvéole identifiée (vildagliptine - Galvus° n° 313 p. 821).
Chartes graphiques et multilinguisme encombrants. D’autres facteurs gênent la lisibilité des mentions utiles pour les soins telles que la DCI et les dosages : les chartes graphiques reproduites sur diverses spécialités d’une gamme (telmisartan + hydrochlorothiazide - Micardisplus°, Pritorplus° n° 306 p. 261), particulièrement celles des gammes ombrelles (lopéramide - Imodiumcaps ° n° 312 p. 740 ; phéniramine + paracétamol + vitamine C - Fervex° n° 306 p. 257) ; l’emploi abusif de couleurs chatoyantes (guaïfénésine - Vicks Expectorant sirop adultes° n° 306 p. 257), où les mentions d’indications sur la boîte, utiles pour choisir cette spécialité en “accès libre”, sont difficilement lisibles en raison de la surbrillance des parties métallisées. Le multilinguisme réduit la taille des mentions sur des plaquettes ou des flacons, les rendant moins lisibles (sitagliptine + metformine - Janumet°, Velmetia° n° 304 p. 90 et n° 314 p. 889 ; doripénem - Doribax° n° 304 p. 93) (a).
Confusion autour des dosages et des concentrations. En 2009, sur trop d’étiquetages, une expression complexe des dosages ou de la concentration, est source de confusions dangereuses.
Par exemple, le changement d’expression du dosage du périndopril, associé ou non à l’indapamide, a été source de surdoses (Coversyl° n° 309 p. 495, Bipreterax ° et Preterax° n° 313 p. 819). Les quantités totales de substances actives manquaient encore sur des parties essentielles d’étiquetages telles que la face principale des boîtes ou l’étiquette du flacon de certains injectables (ziconotide - Prialt° n° 312 p. 737 ; cétuximab - Erbitux° n° 303 p. 18 ; triamcinolone (hexacétonide) - Hexatrione° n° 308 p. 425).
Des risques de confusions sont à craindre avec des formes injectables à diluer. Par exemple avec le romiplostim (Nplate° n° 311 p. 655), le dosage mentionné sur la boîte et le flacon (250 ìg) diffère de la quantité contenue dans le flacon (375 ìg) et de la concentration à obtenir après dilution (500 ìg/ml). Autre exemple : sur les boîtes de Mycamine° (n° 305 p. 177), la mise en valeur de la quantité de micafungine contenue dans les flacons de poudre à diluer est bienvenue : 50 mg ou 100 mg. Mais la concentration à obtenir après dilution n’est mentionnée qu’en petits caractères sur une tranche de la boîte : respectivement 10 mg/ml ou 20 mg/ml. Et ces mentions manquent sur les flacons (b).
Couleurs : toujours pas de lignes directrices. L’usage des couleurs notamment pour discerner les divers dosages d’une gamme continue de se répandre.
En 2009, plusieurs exemples ont été analysés : fentanyl - Abstral° n° 313 p. 814 ; oxycodone - Oxynorm°, OxyNormOro° n° 313 p. 822 ; lacosamide - Vimpat° n° 307 p. 333 + n° 311 p. II de couverture et n° 314 p. 899-900 ; lévodopa + carbidopa + entacapone - Stalevo° n° 309 p. 501 et n° 314 p. 898. Pourtant, la balance bénéfices-risques de cet usage s’est montrée parfois défavorable (2). Il est urgent que des directives européennes fassent progresser les pratiques.
Dispositifs doseurs trop imprécis. En 2009, des dispositifs doseurs imprécis sont encore fournis dans des boîtes de psychotropes. Ainsi, un compte-gouttes (diazépam - Valium° n° 306 p. 260) et un gobelet aux graduations peu lisibles (lacosamide - Vimpat° n° 307 p. 333 + n° 311 p. II de couverture et n° 314 p. 899-900) avec ces antiépileptiques, et une simple cuillère-mesure pour préparer la dose de l’antitussif pentoxyvérine - Pectosan° (n° 306 p. 264). Pire, le conditionnement de l’antiépileptique éthosuximide - Zarontin° (n° 309 p. 494) ne contient pas de doseur ; or l’emploi d’une banale cuillère à café, préconisé par la notice, est une source connue d’erreur de doses.
Manque de dispositifs de sécurité. En 2009, le marché français comporte encore des flacons multidoses sans bou- chon-sécurité renfermant de larges quantités de substances psychotropes : le diazépam - Valium° (n° 306 p. 260), l’éthosuximide - Zarontin° (n° 309 p. 494) et la pentoxyvérine - Pectosan° (n° 306 p. 264).
Par ailleurs, le conditionnement de trois spécialités à base de périndopril associé ou non à l’indapamide a régressé : les plaquettes sont devenues des flaconsvrac sans bouchon-sécurité. Ce qui expose à un risque d’ingestion rapide d’une surdose par un enfant, et génère des contraintes et des coûts de reconditionnement pour les collectivités (n° 309 p. 495 et n° 313 p. 819).
Les comprimés d’Okimus° (aubépine + quinine n° 309 p. 494) ont changé de couleur mais le flacon-vrac reste sans bouchon- sécurité (motif d’un Carton rouge Prescrire 2008).
À noter deux autres régressions : la suppression du dispositif de transfert des spécialités à base d’aciclovir injectable - Zovirax° (n° 308 p. 425) et du dispositif automatique de protection de l’aiguille de la seringue du vaccin papillomavirus 6, 11, 16, 18 - Gardasil° (n° 306 p. 246). Ces dispositifs visaient à réduire un risque de contamination par piqûre accidentelle.
Notices trop peu informatives. Les notices des spécialités d’automédication, y compris en accès libre, sont souvent insuffisantes en termes d’information. L’évolution naturelle des symptômes ou les solutions non médicamenteuses à mettre en œuvre sont peu ou pas abordées, qu’il s’agisse de toux (guaïfénésine - Vicks Expectorant adultes° n° 306 p. 257 ; pentoxyvérine - Pectosan° n° 306 p. 264) ou de fièvre (phéniramine + paracétamol + vitamine C - Fervex° n° 306 p. 257). Autre exemple : difficile d’estimer la gravité d’une brûlure requérant un avis médical si l’on se réfère à la notice de la trolamine - Biafineact° (n° 309 p. 492), qui préconise cet avis pour des brûlures dépassant 2 % de la surface corporelle.
Les notices débutent par un paragraphe prévu pour décrire l’action du médicament. Ces paragraphes sont devenus plus détaillés, mais ils ne mettent pas les bénéfices en balance avec les effets indésirables, ces derniers étant listés seulement en fin de notice. Certains paragraphes sont même promotionnels. Par exemple, en 2009, la notice du racécadotril - Tiorfanor° (n° 307 p. 348) mentionne que le médicament est « très efficace », alors qu’il diminue au mieux modestement le nombre de selles.
En 2009, l’Atelier conditionnement Prescrire a même eu à analyser une spécialité sans notice proprement dite : Citrate de bétaïne Cristers° en granulés (n° 311 p. 662). Des mentions de notice sont dispersées sur les faces externes et internes de la boîte. Sur le sachet-vrac de granulés ne figure aucun étiquetage hormis le numéro de lot et la date de péremption. Ce sachet devient non identifiable lorsqu’il est séparé de sa boîte.
En outre, des lenteurs dans la mise à jour des notices retardent l’information des patients sur les effets indésirables. Par exemple, Prescrire s’est procuré de l’aliskirène - Rasilez° (n° 311 p. 657) lors de son lancement en mai 2009. La notice de la boîte mentionnait seulement deux effets indésirables : « diarrhées » et « éruptions cutanées ». Le risque d’angiœdème n’y figurait pas. Ce risque, déjà connu en 2007, est apparu officiellement dans l’AMM du 3 avril 2009. Lors du lancement en France de Rasilez°, une version de la notice citant cet effet indésirable était pourtant accessible sur le site internet de la Commission européenne.
La qualité est possible
Des progrès sont à souligner suite aux mesures réglementaires imposant sur l’étiquetage la présence de la DCI et du braille, applicables en France depuis le 7 mai 2009 (3). En 2009, sauf rares exceptions, les DCI figurent à la suite du nom commercial sur les boîtes et sur les conditionnements primaires (rarement mises en valeur). Le braille figure sur la quasi-totalité des boîtes examinées. Et les firmes récalcitrantes n’ont plus le droit de refuser l’accès des notices en braille aux associations de malvoyants.
La clarté des étiquetages recommandés par l’Afssaps pour les ampoules de certains médicaments injectables s’est confirmée.
Les plaquettes unitaires examinées en 2009, qui concernent surtout des spécialités ambulatoires, ont été plus nombreuses. Et celles munies d’un film-sécurité conçu pour retarder l’accès au contenu des alvéoles sont moins rares : dabigatran - Pradaxa° n° 306 p. 257 ; oxycodone - OxyNormOro° n° 313 p. 822 ; ambrisentan - Volibris° n° 303 p. 10 ; fentanyl - Abstral° n° 313 p. 814.
Deux seringues-orales qui portaient une double graduation (en masse de médicament et en ml), source de confusions, sont devenues graduées uniquement en masse de médicament : oxybate de sodium - Xyrem° n° 307 p. 344 et acide valproïque - Dépakine° sirop (n° 315 p. 20). Un autre doseur examiné en 2009, la seringue-orale de Rovalcyte° buvable (valganciclovir ; n° 311 p. 662), réunit deux critères essentiels à des soins de qualité : graduation en mg et mention de la DCI.
Globalement, le contenu des notices continue de s’améliorer grâce aux tests de compréhension réalisés sur des patients. Les notices de qualité sont le plus souvent celles autorisées par l’Agence européenne du médicament (EMA). Les termes médicaux sont explicités. Certaines notions, telles les indications, sont présentées de façon concise. Parmi ces progrès véritables, on peut citer le cas du bortézomib - Velcade° n° 308 p. 429, du doripénem - Doribax° n° 304 p. 93 ou du lacosamide - Vimpat° n° 307 p. 333 + n° 311 p. II de couverture et n° 314 p. 899-900.
En pratique
L’amélioration des conditionnements des spécialités pharmaceutiques est trop lente pour permettre aux soignants de relâcher leurs efforts de vigilance, de notification et d’information des patients. Les erreurs, suspicions d’erreurs et les conditionnements à risques sont à déclarer à l’Afssaps. Par ailleurs, le programme Prescrire “Éviter l’Évitable” pour la prévention des erreurs liées aux soins est aussi en mesure de recueillir les signalements des abonnés.
©Prescrire Février 2010
Rev Prescrire 2010 ; 30 (316) : 143-145. (pdf, accès libre)
Notes :
a- En janvier 2009, la Commission européenne a en.n mis à jour ses lignes directrices sur l’étiquetage et les notices des conditionnements (réf. 4). Cette nouvelle version apporte des recommandations utiles telles que la mise en valeur prépondérante de la DCI. Il était trop tôt .n 2009 pour évaluer leur impact. Nous y reviendrons.
b- En 2009, l’Agence européenne du médicament a mis en consultation publique un projet de lignes directrices relatives à l’expression des concentrations et des dosages sur les conditionnements. Les commentaires transmis par Prescrire à l’EMEA sont présentés dans la référence 5.
Extraits de la veille documentaire Prescrire.
1- Prescrire Rédaction “L’année 2008 du conditionnement des spécialités pharmaceutiques : trop d’inertie” Rev Prescrire 2009 ; 29 (304) : 144-145.
2- Prescrire Rédaction “Conditionnements des spécialités pharmaceutiques : encore trop de conditionnements à risques, mais plusieurs initiatives positives” Rev Prescrire 2007 ; 27 (280) : 150.
3- Prescrire Rédaction “Directive européenne : les dispositions sur le conditionnement des médicaments enfin transposées” Rev Prescrire 2009 ; 29 (304) : 96-97.
4- Commission européenne “Guideline on the readability of the labelling and package leaflet of medicinal products for human use. Revision 1” 12 January 2009 : 27 pages.
5- Prescrire Rédaction “Preventing errors related to the expression of strength on drug packaging” Commentaires sur le projet des recommandations EMEA/208304/2009 28 mai 2009 : 9 pages.