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Faire progresser les politiques de santé

Conditionnements des médicaments et sécurité des soins

Les bilans annuels Prescrire du conditionnement
L'année 2008 du conditionnement des spécialités pharmaceutiques : trop d'inertie

Résumé

  • En 2008, parmi les conditionnements analysés par Prescrire, les exemples réunissant tous les critères de qualité sont rares. Les choix industriels sont souvent à l'origine de conditionnements inadaptés sources de risques pour les patients.
  • Des risques d'erreurs sont accrus dans certaines situations : automédication, formes pédiatriques, personnes malvoyantes, femmes enceintes, soins de collectivités.
  • Certaines tendances industrielles sont même inquiétantes : l'étiquetage de plaquettes (alias blisters) sacrifiant la lisibilité des dénominations communes internationales (DCI) au prétexte de multilinguisme, la dispersion de mentions extraites de notices reproduites à l'envers des boîtes.
  • Cette année encore, des éléments positifs ont été relevés sur de nombreux conditionnements : de quoi motiver les soignants soucieux des soins de qualité à faire le tri et à pousser aux progrès. 

En 2007, l'Atelier conditionnement Prescrire avait noté une amélioration globale du conditionnement des médicaments du marché français (1).

Qu'en est-il en 2008 ?

Beaucoup d'inertie
Les conditionnements analysés par Prescrire en 2008 satisfont aux exigences réglementaires, mais leur conception s'avère tenir insuffisamment compte de la qualité des soins et de la sécurité des patients. Ceux de qualité exemplaire sont très rares (lire dans ce numéro le Palmarès 2008 du conditionnement p. 87). La production de 2008 reflète encore des choix industriels classiques :

  • mise en valeur des mentions commerciales sur les étiquetages (noms de fantaisie, chartes graphiques, logos des firmes), au détriment des mentions utiles aux soins. La dénomination commune internationale (DCI) est souvent en retrait, en particulier sur des plaquettes (montélukast-Singulair° n° 295 p. 326 ; pseudoéphédrine + cétirizine-Humex Rhinite Allergique° n° 295 p. 345 ; rizatriptan- Maxalt° n° 300 p. 729). Elle est parfois absente sur des plaquettes (kétotifène- Zaditen° gélules n° 297 p. 504 ; ambroxol- Lysopadol°
    n° 301 p. 815). Elle manque sur la face externe de certains dispositifs transdermiques (alias patchs), empêchant leur identification une fois appliqués sur la peau (testostérone-Testopatch° n° 293 p. 181-182 ; nicotine-Niquitin° n° 301 p. 824) ;
  • libellé ambigu de la concentration de médicaments injectables (oxycodone-Oxynorm°
    n° 291 p. 21 ; temsirolimus-Torisel° n° 297 p. 491-494) ;
  • déficiences de dispositifs pour préparer les doses : absence de doseur (dextrométhorphane-Vicks adultes toux sèche miel° sirop n° 299 p. 657 ; mécasermine-Increlex ° n° 300 p. 731) ; doseurs inadaptés tels ceux gradués en ml et non en mg de substance (fosamprénavir-Telzir° suspension buvable n° 295 p. 328 ; hydroxyzine- Atarax° sirop n° 291 p. 7) ; doseurs complexes, tel le dispositif iontophorétique de fentanyl-Ionsys° retiré du marché peu après sa commercialisation (n° 291 p. 12 ; n° 303 p. 19) ;
  • absence de bouchon-sécurité sur des flacons renfermant des substances dangereuses, telle une spécialité munie d'un bouchon facile à ouvrir, renfermant des doses de quinine mortelles pour un enfant (quinine + aubépine-Okimus° n° 297 p. 501) ;
  • notices insuffisantes (lévothyroxine-LThyroxine Serb° n° 299 p. 659), ou trop complexes (urokinase-Actosolv° n° 302 p. 894).

Ces "malfaçons" peuvent être sources de confusion entre médicaments, d'erreurs lors de la préparation des doses, voire d'intoxications accidentelles (1).

Inadaptation à des patients à risque
Les conditionnements s'avèrent parfois inadaptés à certains patients ou à certains soins ou à certains modes de dispensation :

  • inadaptation aux enfants (illustration dangereuse pour l'administration sur la notice du fentanyl-Durogesic° n° 292 p. 101 ; dosage inapproprié avec le succimer-Succicaptal°
    n° 292 p. 95) ;
  • inadaptation aux personnes aveugles ou malvoyantes (lire dans le n° 304 p. 96) ;
  • inadaptation aux soins appelant l'utilisaton de conditionnements unitaires, notamment en collectivités (n° 296 p. 472 ; n° 297 p. 552) ;
  • inadaptation aux soins d'automédication (n° 295 p. 337 ; cétirizine-Actifed Allergie Cétirizine° n° 296 p. 428 : illisibilité de la DCI sur les plaquettes ; pholcodine-Valda toux sèche sans sucre° et paracétamol + pseudoéphédrine + vitamine CValda Rhume° n° 302 p. 903 : banalisation par un étiquetage façon phytothérapie) ;
  • inadaptation aux femmes en âge de procréer (notices ambiguës sur les risques des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) au 1er trimestre de la grossesse (ibuprofène-Advilcaps° et Adviltab°, lire dans le n° 304 p. 87)) (2).

De nouvelles inquiétudes
Fait aggravé en 2008 : plusieurs étiquetages non unitaires particulièrement peu compréhensibles (mentions reproduites en plusieurs langues en caractères denses et réduits) sacrifient la lisibilité de la DCI au prétexte de multilinguisme, pour un gain économique industriel marginal (18 langues avec sitagliptine-Januvia° n° 295 p. 338 et sitagliptine-Xelevia° n° 299 p. 662 ; 13 langues avec duloxétine-Cymbalta° n° 300 p. 730).

Autre fait marquant : des mentions ou illustrations dangereuses ont été relevées sur des notices. Outre les exemples cités précédemment en automédication et avec le patch au fentanyl-
Durogesic°, une mention faussement rassurante minimise abusivement les effets indésirables : « la plupart des effets indésirables sont légers à modérés et disparaissent généralement après quelques jours à quelques semaines de traitement » (3).

Autre tendance confirmée : des plaquettes dont l'étiquetage est segmenté autour d'une dose journalière regroupant parfois 2 à 4 unités, identifiée en une seule fois (ivabradine-Procoralan°
n° 292 p. 98). Ce type d'étiquetage est susceptible d'entraîner des surdoses d'un facteur de 2 à 4.

Une autre pratique brouille les messages : l'envers des boîtes de certains médicaments de prescription est le support d'extraits de la notice (n° 297 p. 556 ; acide risédronique + calcium + colécalciférol- Actonelcombi° n° 293 p. 167 ; éthinylestradiol + drospirénone-Jasminellecontinu°
n° 300 p. 746). Cette dispersion des mentions d'information risque de compromettre la lecture complète de la notice. Certaines boîtes de ce type sont en forme de portefeuille (3 volets repliés faisant office à la fois de boîte et de plaquette), telle Jasminelle° et Jasminellecontinu°. Le portefeuille de ces deux spécialités ne pouvant contenir la notice, celle-ci accompagne le portefeuille, le tout dans un emballage cellophane. Une fois le film cellophane ôté, le risque d'égarer la notice est élevé (a).

Du positif tout de même
Certains choix industriels vont heureusement dans le bon sens, telle la conception de conditionnements corrects d'emblée (insuline détémir-Levemir° Innolet° n° 294 p. 265 ; méthadone-Méthadone AP-HP° gélules n° 295 p. 343 ; exénatide-Byetta° n° 295 p. 340 ). Certains, très rares, réunissent l'ensemble des critéres de qualité (méthadone-Méthadone AP-HP° et miltéfosine- Miltex°, lire dans le n° 304 p. 87).

Quelques conditionnements, au dispositif d'administration initialement peu satisfaisants ont été améliorés (vaccin méningococcique C-Meningitec° n° 295 p. 343 ; vaccin rotavirus-Rotarix° n° 296 p. 426 ; époétine alfa-Eprex° n° 302 p. 906 ; rispéridone-Risperdalconsta LP° n° 302 p. 901). Des étiquetages aux libellés de concentration ambigus ont été clarifiés (lévétiracétam injectable-Keppra° lire dans le n° 304 p. 98 ; lopinavir + ritonavir- Kaletra° n° 291 p. 17).

Quelques conditionnements de spécialités initialement réservées à l'hôpital et devenant disponibles en ville s'avèrent adaptés (ornidazole-Tibéral° n° 297 p. 498 : plaquettes unitaires ; idarubicine- Zavedos° n° 291 p. 18 : flacon unitaire sécurisé ; miltéfosine-Miltex ° n° 300 p. 739-740 et dans le n° 304 p. 87).

Les progrès constatés en 2007 avec des notices de spécialités issues d'autorisations de mise sur le marché (AMM) européennes par la procédure centralisée se sont maintenus, probablement fruit de leur évaluation par des patients (lire dans le n° 304, p. 96). Plusieurs notices informent patients et soignants de manière plus explicite sur les modalités d'élimination des médicaments (vaccin papillomavirus types 16,18-Cervarix° n° 292 p. 91). D'autres mentionnent les noms commerciaux en vigueur dans les autres États membres. Cela peut contribuer à moins de confusions pour des patients achetant leur traitement dans un autre État européen, mais ça ne dispense pas d'inscrire la DCI sur les conditionnements primaires (timolol-Geltim LP° n° 292 p. 103).

L'accès au braille s'est répandu et de nombreuses notices orientent vers l'association Handicapzéro, fournisseur de notices et étiquettes en braille. Une avancée qui devrait se généraliser en 2009 (lire dans le n° 304, p. 96).

En pratique : maintenir la mobilisation
Depuis 28 ans que Prescrire examine des conditionnements, force est de constater que les exemples de haute qualité sont rares. Soignants et patients doivent donc poursuivre leurs efforts de vigilance et continuer à se mobiliser pour que les industriels améliorent la qualité des conditionnements. Les exigences des autorités de santé ont aussi à progresser.

- Synthèse élaborée collectivement par la Rédaction, sans aucun conflit d'intérêts

©Prescrire Février 2009

Rev Prescrire 2009 ; 29 (304) : 144-145 (pdf, accès libre)

Note :
a- Dans le cadre de l'AMM de Jasminelle°, la Hongrie a refusé son conditionnement, au motif que le risque de séparation entre l'étui et la notice constituait « un problème grave pour le public ». Après arbitrage, la Commission d'AMM européenne (CHMP) n'a pas recommandé la modification du conditionnement (réf. 4).

Extraits de la veille documentaire Prescrire.
1- Prescrire Rédaction "L'année 2007 du conditionnement des spécialités pharmaceutiques : du mieux, mais encore beaucoup de dangers" Rev Prescrire 2008 ; 28 (292) : 141-144.
2- Prescrire Rédaction "AINS en début de grossesse et risque de fausse couche" Rev Prescrire 2007 ; 27 (281) : 192-193.
3- Commission européenne "Notice-Tasigna (nilotinib)" 19 novembre 2007 : 8 pages.
4- CHMP "Avis suite à saisine formée sur le fondement de l'article 5, paragraphe 11 - Yasminelle et dénominations associées" 17 juin 2008 : 1 page.