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Règlement européen sur les essais cliniques : dernière ligne droite

Bruxelles, 17 mars 2014

S'il est adopté début avril 2014, le nouveau Règlement relatif aux essais cliniques introduira plus de transparence sur les données et les résultats des essais cliniques. Cependant, la proposition de Directive sur les secrets d'affaires publiée en novembre 2013 risque de compromettre les avancées obtenues dans le cadre du Règlement sur les essais cliniques

> Télécharger le communiqué de presse conjoint (pdf, 750 Ko)

Communiqué de presse

Début avril 2014, le Parlement européen se prononcera en séance plénière sur la proposition de Règlement relatif aux essais cliniques qui abrogerait la Directive 2001/20/CE.

S'il est adopté, ce Règlement s'appliquera mi-2016 et :

  • permettra à un promoteur de soumettre un dossier de demande unique, en ligne via un portail web centralisé (portail UE), pour tous les États membres où il souhaite conduire un essai clinique. La demande fera l'objet d'une “évaluation scientifique” conjointe par les États membres concernés, coordonnée par un État membre rapporteur ("reporting Member State") ;
  • tentera de tenir compte des différents risques que font courir les différents types d'essais cliniques aux participants en excluant les “études non interventionnelles” du champ d'application du Règlement, et en créant une nouvelle catégorie d'essais cliniques appelés “essais cliniques à faible intervention” ;
  • assurera plus de transparence sur les données et les résultats des essais cliniques. 

Le texte final est le résultat d'intenses efforts du Parlement, du Conseil et des citoyens

Le texte soumis à adoption par les députés du Parlement européen est une version améliorée de la proposition initiale de la Commission européenne de juillet 2012, notamment en ce qui concerne les obligations de transparence (a) (1).

La Commission Environnement et santé publique (ENVI) du Parlement européen et le Conseil ont préservé la protection des sujets participants aux essais en rétablissant le rôle des Comités nationaux d'éthique (la pierre angulaire de la Directive 2001/20/CE) (Article 4), et en précisant clairement que les avis des Comités d'éthique sont contraignants (b).

Cependant, la Commission ENVI et le Conseil ont également accepté ou adopté d'autres mesures qui compromettent la protection des participants :

  • ils ont entériné la notion d'“autorisation tacite” « afin de garantir le respect des délais » par les États membres (Considérant 8) ;
  • ils ont supprimé la proposition de la Commission préconisant que « l'État membre devra mettre en place un mécanisme national de compensation » (c);
  • ils ont accepté que les essais cliniques portant sur des médicaments expérimentaux utilisés pour des indications non prévues par l'autorisation de mise sur le marché soient considérés comme des “essais à faible intervention” dès lors que cette utilisation “hors AMM” est « étayée par la publication de preuves scientifiques sur leur innocuité et leur efficacité » (Article 2(3)) (d).

De plus, la Commission ENVI et le Conseil ont échoué à :

  • exiger que les investigateurs (médecins cliniciens) – et non les promoteurs des essais (firmes) – notifient tous les effets indésirables graves aux autorités sanitaires, qu'ils soient "attendus" ou non, ce qui permet aux promoteurs de continuer à dissimuler des données de pharmacovigilance ;
  • rendre obligatoire la conduite d'essais cliniques comparatifs avec évaluation du nouveau médicament contre le traitement de référence ("gold standard"), afin de déterminer s'il apporte un progrès thérapeutique (e).

En ce qui concerne la transparence sur les données cliniques, la Commission avait initialement proposé que le résumé des résultats des essais soit rendu public dans un délai d'un an à compter de la fin d'un essai clinique (alignement avec les règles déjà en vigueur aux États-Unis). Cette disposition a été maintenue (Article 34).

En complément, la Commission Environnement et santé (ENVI) du Parlement européen et le Conseil ont adopté plusieurs dispositions majeures :

  • il est clarifié que les rapports d'étude clinique (en anglais, "clinical study reports"), qui sont des documents présentant les résultats des essais cliniques de manière détaillée et structurée, « ne devraient pas être considérés comme relevant du secret commercial une fois l'autorisation de mise sur le marché (AMM) accordée, le processus de décision pour une demande d'AMM terminé, ou après retrait de l'AMM » (Considérant 20 bis). De plus, lorsqu'un essai a été conduit dans le but d'obtenir une AMM, les rapports d'étude clinique devront être rendus publics dans les 30 jours suivant l'octroi de l'AMM ou le retrait de la demande d'autorisation (Article 34). Et en cas de « non-respect des dispositions prévues par le présent Règlement » quant aux « informations destinées à être rendues publiques à travers la base de données UE » ou ayant trait à la « sécurité des sujets », les États membres sont tenus d'appliquer des sanctions dissuasives (Article 89 bis) (f) ;
  • « les raisons ayant motivé la suspension ou l'arrêt prématuré » d'un essai, ainsi que les documents réglementaires relatifs à l'autorisation d'un essai, ne devraient pas non plus être considérés comme relevant du secret commercial (Considérant 20 bis) ;
  • les responsabilités de l'Agence européenne des médicaments (EMA) ont été clarifiées pour ce qui concerne dans l'élaboration et la mise à jour une base de données européenne où seront conservées toutes les informations relatives aux essais cliniques, et dont une partie sera accessible au public (Article 78(3)).

Nouvelle proposition de Directive sur les secrets d'affaires : déséquilibre inquiétant en faveur des intérêts de l'industrie

Alors qu'une plus grande transparence des données cliniques semblait à portée de mains grâce au nouveau Règlement relatif aux Essais cliniques, le 28 novembre 2013, la Commission européenne a publié une nouvelle proposition de Directive sur les Secrets d'affaires particulièrement inquiétante (2).

Conséquence des pressions des négociateurs nord-américains dans le cadre du Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (PTCI), la proposition de Directive :

  • donne une définition très large des secrets d'affaires ;
  • encourage les actions en justice, notamment en préservant la confidentialité des secrets d'affaires pendant les procès ;
  • et prévoit de fortes sanctions en cas d'obtention, d'utilisation ou de divulgation illicites de secrets d’affaires ou savoir-faire non divulgués.

L'EFPIA, l'association européenne de l'industrie pharmaceutique, s'est aussitôt félicitée de la publication de cette proposition de Directive : « Pratiquement chaque étape du développement d'un médicament implique la production et l'application d'importantes quantités d'informations techniques et de savoir-faire, y compris (...) la phase relative aux essais cliniques. » (3).

À la lumière de ces développements, nous appelons les Membres du Parlement Européen :

  • à être particulièrement vigilants lors des débats à venir sur la proposition de Directive sur les Secrets d'affaires ;
  • à exiger que les données cliniques relatives aux médicaments et aux dispositifs médicaux soient clairement exclues du champ de cette Directive.

Association Internationale de la Mutualité (AIM)            
International Society of Drug Bulletins (ISDB)
Collectif Europe et Médicament (MiEF)                       
Nordic Cochrane Collaboration
Dialogue transatlantique des consommateurs (TACD)        
WEMOS
Health Action Internationale (HAI) Europe

©AIM, HAI Europe, ISDB, MiEF, Nordic Cochrane Collaboration, TACD, WEMOS Mars 2014

Notes :
a - La proposition initiale comportait plusieurs mesures visant à déréguler la recherche clinique sur les sujets humains, ce qui compromettait la protection des participants aux études. Pour plus de détails, lire notre analyse conjointe ("Proposition de nouveau Règlement européen sur les essais cliniques – Analyse conjointe" 5 février 2013 : 13 pages). > Pdf
b - "Un État membre concerné doit refuser d'autoriser un essai clinique (...) si un comité d'éthique a émis un avis négatif " (article 8(3a)).
c - Ce mécanisme d'indemnisation national a été remplacé par « un arrangement qui est équivalent en terme d'objectif et qui est approprié à la nature et l'importance du risque », avec le risque d'aboutir au plus petit dénominateur commun entre les États membres en matière de compensation des dommages (Chapitre XII).
d - Le risque est d'encourager les fabricants à demander d'abord une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour une indication thérapeutique étroite, qui sera accordée sur la base de résultats d'essais cliniques standards mais portant sur de faibles effectifs et pendant une courte durée puisque l'indication concernerait peu de patients. Ensuite le fabricant aura intérêt à promouvoir la prescription hors AMM pour recueillir des preuves scientifiques sur l'efficacité et l'innocuité du médicament prescrit hors AMM. Au final, les firmes pourront de plus en plus demander des extensions d'indications sur la base d'essais conduits selon les  règles moins strictes s'appliquant aux "essais à faible intervention".
e - Conformément à la Déclaration d'Helsinki, il s'agit d'un principe éthique à respecter pour la recherche médicale impliquant des sujets humains.  Des essais comparatifs encourageraient aussi la transformation du modèle actuel de recherche et développement, tel qu'imposé par l'industrie, en un nouveau modèle qui réponde à de véritables besoins de santé publique.
f - En réalité, selon plusieurs études, les rapports d'études cliniques ne relèvent JAMAIS du secret commercial (réf. 4, 5). C'est pourquoi nous avons, dans nos plaidoyers en faveur de la transparence, insisté pour qu'ils soient obligatoirement rendus publics dans l'année suivant la fin de l'essai.

Références :
1 - Conseil de l'Union européenne "Texte consolidé du projet de Règlement relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain tel qu'approuvé par le Comité des représentants permanents (Partie 1) le 20 décembre 2013"
http://register.consilium.europa.eu/doc/srv?l=EN&t=PDF&gc=true&sc=false&f=ST%2017866%202013%20INIT : 152 pages.
2 - Commission européenne (Direction générale Marché intérieur et services) "Proposition de directive sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d'affaires) contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites" COM(2013) 813 final – 2013/0402 (COD)"  Bruxelles, 28.11.2013 : 26 pages.
3 - Fédération européenne des associations de l'industrie pharmaceutique "EFPIA welcomes the Commission's Proposal on the protection of undisclosed know-how and business information ("Trade Secrets")".Communiqué de presse publié le 28 novembre 2013. Site www.efpia.eu : 1 page.
4- Doshi P et Jefferson T "Clinical study reports of randomized controlled trials: an explanatory review of previously confidential industry reports"BMJ Open 2013; 3: e002496.
5- Wieseler B et coll. (Institut pour la Qualité et l'Efficacité des Soins de santé, Allemagne) "Completeness of Reporting of Patient-Relevant Clinical Trial Outcomes: Comparison of Unpublished Clinical Study Reports with Publicly Available Data" PLoS Med 2013; 10(10): e1001526. doi:10.1371/journal.pmed.1001526.

> Télécharger le communiqué de presse conjoint (pdf, 750 Ko)