Dans un monde idéal, tous les intervenants des soins auraient pour objectif prioritaire l'intérêt des patients. Les firmes pharmaceutiques renonceraient à mettre sur le marché des médicaments plus dangereux qu'utiles, sachant que les agences de régulation ne les autoriseraient plus à le faire et auraient progressivement retiré du marché bon nombre de ces médicaments. Les assurances ne les rembourseraient plus. Les soignants présenteraient sans fard aux patients les bénéfices et les risques des médicaments.
La réalité est cependant bien loin de ce scénario idéal. C'est ce qui explique la publication par Prescrire, pour la 3e année consécutive, du dossier des médicaments à écarter des soins. À la lecture de ce dossier, il peut sembler dérangeant ou incroyable :
- qu'un médicament prescrit, dispensé ou administré depuis longtemps en toute bonne foi soit bien moins efficace qu'espéré, et qu'il provoque des effets indésirables parfois graves ;
- qu'un médicament soit réputé anodin, prescrit en tant que placebo (« si ça ne fait pas de bien, ça ne fera pas de mal »), mais qu'on lui découvre au fil du temps des effets indésirables graves ;
- qu'avoir prescrit, dispensé ou administré un médicament pendant longtemps à des centaines de patients, sans avoir relevé d'effet indésirable sérieux, ne prouve pas l'absence de risque d'effets indésirables graves de ce médicament à l'échelle d'un plus grand nombre de patients ;
- que les arguments de vente des firmes puissent s'éloigner de la vérité ; que des agences du médicament puissent manquer d'exigence en matière d'autorisation de mise sur le marché.
Toutes ces vérités, solidement étayées, ne seraient-elles pas bonnes à dire ? Prescrire estime au contraire que les exposer est un moyen de progresser vers un meilleur service rendu aux patients.
©Prescrire 1er février 2015
"Des vérités qui dérangent et pourtant..." Rev Prescrire 2015 ; 35 (376) : IV de La Lettre aux Abonnés. (pdf, accès libre)
