Une idée répandue est que le prix très élevé des nouveaux médicaments serait indispensable pour soutenir l'"innovation", vecteur de progrès à venir importants pour les patients.
Le directeur d'un centre anticancéreux réputé des États-Unis d'Amérique démontre au contraire que les prix très élevés atteints par les médicaments depuis quelques années sont nocifs pour l'innovation. Dans le domaine du cancer, des prix très élevés permettent en effet à des firmes de viser de tout petits marchés avec une très forte rentabilité, même avec très peu de patients concernés. Cela incite d'autres firmes à se concentrer sur les mêmes niches avec des médicaments "me-too" très voisins. L'énergie et l'argent dépensés pour ces quasi-copies manquent ailleurs, pour des besoins sanitaires non couverts.
D'une manière générale, beaucoup de ressources sont utilisées pour des résultats souvent maigres sur le plan clinique. Ainsi d'autres auteurs étatsuniens ont montré que les 71 médicaments anticancéreux (ou nouvelles indications), mis sur le marché aux États-Unis entre 2002 et 2014 pour les tumeurs solides, ont en moyenne augmenté la médiane de durée de survie d'environ 2 mois seulement.
À partir de médicaments partageant les mêmes mécanismes d'action, et visant des autorisations de mise sur le marché (AMM) dans plusieurs indications successives, les firmes diminuent certains risques et coûts de la recherche tout en gardant des prix très élevés, situation confortable pour des actionnaires plus intéressés par les profits importants et faciles que par les risques inhérents à des recherches plus ambitieuses.
En somme, le prix très élevé des médicaments ne suffit pas pour motiver une recherche de progrès au service de l'intérêt général, mais peut à l'inverse être contre-productif.
©Prescrire 1er mai 2015
"Médicaments : les prix exorbitants nuisent à la recherche" Rev Prescrire 2015 ; 35 (379) : 375. (pdf, accès libre)