Les
médicaments sont protégés par des brevets (de
différentes natures). En outre, le titulaire de l'autorisation
de mise sur le marché (AMM) d'un médicament bénéficie
aujourd'hui, en Europe, d'une protection des résultats des
essais cliniques, alias "protection des données",
qui se traduit par des contraintes pesant sur les firmes qui commercialisent
des médicaments génériques.
Actuellement,
les médicaments génériques peuvent être
mis sur le marché après l'obtention d'une AMM dite
"allégée", c'est-à-dire accordée
sur la base d'un dossier d'évaluation ne comportant pas de
nouveaux essais cliniques ; les essais sur le médicament
princeps étant considérés comme suffisants,
et leurs résultats pouvant être inclus dans le dossier
de demande d'AMM du générique.
La
"protection des données" consiste à interdire
l'utilisation du dossier d'évaluation clinique du princeps
pendant un certain nombre d'années. Jusqu'à présent,
en Europe, ce nombre d'années était fixé à
6 ans pour la moitié des pays de l'Union européenne,
et à 10 ans pour l'autre moitié. En outre, il était
de 10 ans pour les médicaments fabriqués par biotechniques
(et donc réglementairement soumis à autorisation européenne
de mise sur le marché par la procédure centralisée).
En
2001, dans le projet de nouvelle Directive et de nouveau Règlement,
la Commission européenne a proposé de porter cette
durée de "protection des données" à
10 ans pour tous les médicaments, et d'y ajouter 1 an en
cas d'obtention par le médicament princeps d'une nouvelle
indication thérapeutique.
En
2003, après amendement par le Parlement et examen par le
Conseil des ministres, le projet de Directive stipule qu'une demande
d'AMM allégée pourra être déposée
seulement 8 ans après l'autorisation du princeps, et que
le générique ne pourra être commercialisé
que 2 ans plus tard, soit dans les faits une "protection des
données", et donc une exclusivité commerciale,
de 10 ans (8+2) pour tous les médicaments autorisés
par la procédure d'AMM nationale ou par reconnaissance mutuelle.
Et le projet de Règlement stipule que, pour les médicaments
autorisés par la procédure d'AMM centralisée,
la "protection des données" sera de 10 ans (+ 1
an (une seule fois) pour une ou plusieurs nouvelles indications
thérapeutiques).
À
ce stade de la procédure, on se trouve devant une augmentation
importante de la durée de "protection des données".
Cette durée européenne est la plus longue du monde,
et on en voit aisément les lourdes conséquences :
arrivée retardée des médicaments génériques ;
difficultés financières pour les systèmes de
protection sociale, notamment ceux des États les moins riches,
parmi lesquels les nouveaux États membres.
Nous
avons cherché les raisons qui conduisent les autorités
à accorder des allongements de fait du monopole de commercialisation
des médicaments "princeps". Nous n'avons trouvé
aucune argumentation solide pour le passé ; et la Commission
européenne, qui prône des allongements supplémentaires,
n'étaye ses propositions d'aucune donnée chiffrée.
On
ne peut pas prétendre que cet allongement est accordé
pour compenser le temps perdu par l'industriel en formalités
administratives avant commercialisation (AMM, évaluation
médico-économique, négociation des prix remboursables).
En effet, les firmes pharmaceutiques obtiennent toujours plus de
raccourcissement (dangereux à notre avis) des temps d'analyse
de leurs dossiers par les agences du médicament.
En
outre, les firmes ont déjà obtenu la mise en place
de certificats complémentaires de protection, qui allongent
de 5 ans en pratique la durée de protection par les brevets.
Cela
fait déjà beaucoup. Aucun allongement supplémentaire
de la durée de "protection des données"
n'est justifié.
©Le Collectif Europe et Médicament
1er octobre 2003
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