Revue Prescrire, article en une, , Europe et médicament octobre 2003
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Europe et médicament
Protection des données :
une arme industrielle anti-génériques
 
L'allongement du délai d'interdiction d'utiliser le dossier d'évaluation clinique d'un médicament "princeps" prôné par la Commission européenne entraîne un allongement de l'exclusivité commerciale et un retard à l'arrivée des génériques.
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Protection des données : une arme industrielle anti-génétiques 

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Le renforcement tous azimuths des brevets dans le domaine pharmaceutique
Rev Prescr 1999 ; 19 (197) : 544-546.
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Protection après passage en automédication ("switch")
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L'invention du "biogénérique"
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Europe et médicament : les points-clés de la campagne
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Les médicaments sont protégés par des brevets (de différentes natures). En outre, le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) d'un médicament bénéficie aujourd'hui, en Europe, d'une protection des résultats des essais cliniques, alias "protection des données", qui se traduit par des contraintes pesant sur les firmes qui commercialisent des médicaments génériques.

Actuellement, les médicaments génériques peuvent être mis sur le marché après l'obtention d'une AMM dite "allégée", c'est-à-dire accordée sur la base d'un dossier d'évaluation ne comportant pas de nouveaux essais cliniques ; les essais sur le médicament princeps étant considérés comme suffisants, et leurs résultats pouvant être inclus dans le dossier de demande d'AMM du générique.

La "protection des données" consiste à interdire l'utilisation du dossier d'évaluation clinique du princeps pendant un certain nombre d'années. Jusqu'à présent, en Europe, ce nombre d'années était fixé à 6 ans pour la moitié des pays de l'Union européenne, et à 10 ans pour l'autre moitié. En outre, il était de 10 ans pour les médicaments fabriqués par biotechniques (et donc réglementairement soumis à autorisation européenne de mise sur le marché par la procédure centralisée).

En 2001, dans le projet de nouvelle Directive et de nouveau Règlement, la Commission européenne a proposé de porter cette durée de "protection des données" à 10 ans pour tous les médicaments, et d'y ajouter 1 an en cas d'obtention par le médicament princeps d'une nouvelle indication thérapeutique.

En 2003, après amendement par le Parlement et examen par le Conseil des ministres, le projet de Directive stipule qu'une demande d'AMM allégée pourra être déposée seulement 8 ans après l'autorisation du princeps, et que le générique ne pourra être commercialisé que 2 ans plus tard, soit dans les faits une "protection des données", et donc une exclusivité commerciale, de 10 ans (8+2) pour tous les médicaments autorisés par la procédure d'AMM nationale ou par reconnaissance mutuelle. Et le projet de Règlement stipule que, pour les médicaments autorisés par la procédure d'AMM centralisée, la "protection des données" sera de 10 ans (+ 1 an (une seule fois) pour une ou plusieurs nouvelles indications thérapeutiques).

À ce stade de la procédure, on se trouve devant une augmentation importante de la durée de "protection des données". Cette durée européenne est la plus longue du monde, et on en voit aisément les lourdes conséquences : arrivée retardée des médicaments génériques ; difficultés financières pour les systèmes de protection sociale, notamment ceux des États les moins riches, parmi lesquels les nouveaux États membres.

Nous avons cherché les raisons qui conduisent les autorités à accorder des allongements de fait du monopole de commercialisation des médicaments "princeps". Nous n'avons trouvé aucune argumentation solide pour le passé ; et la Commission européenne, qui prône des allongements supplémentaires, n'étaye ses propositions d'aucune donnée chiffrée.

On ne peut pas prétendre que cet allongement est accordé pour compenser le temps perdu par l'industriel en formalités administratives avant commercialisation (AMM, évaluation médico-économique, négociation des prix remboursables). En effet, les firmes pharmaceutiques obtiennent toujours plus de raccourcissement (dangereux à notre avis) des temps d'analyse de leurs dossiers par les agences du médicament.

En outre, les firmes ont déjà obtenu la mise en place de certificats complémentaires de protection, qui allongent de 5 ans en pratique la durée de protection par les brevets.

Cela fait déjà beaucoup. Aucun allongement supplémentaire de la durée de "protection des données" n'est justifié.

©Le Collectif Europe et Médicament 1er octobre 2003