La Directive et le Règlement 2004 ne changent pas fondamentalement
le système actuel de pharmacovigilance, et apportent surtout
des précisions sur la collaboration entre États membres
dans ce domaine. Quelques acquis positifs sont toutefois à
noter, ainsi que des carences.
Financement : une petite dose d'indépendance
Les fonds nécessaires aux activités de pharmacovigilance
doivent être gérés au niveau national par les
autorités compétentes ; et au niveau européen,
le financement de ces activités doit être assuré
par des fonds communautaires.
Peu de contraintes supplémentaires pour
les firmes
En matière de recueil des effets indésirables, les
firmes n'ont pas beaucoup plus de contraintes, même si les
nouveaux textes sont un peu plus précis que les anciens.
Elles doivent toujours remettre aux agences des rapports périodiques
sur les effets indésirables de leurs médicaments :
tous les six mois pendant les deux premières années
de commercialisation, puis tous les ans pendant deux ans. Ensuite,
les rapports doivent être remis tous les trois ans, et non
cinq ans comme auparavant. Ces rapports (alias Periodic Safety Update
Report, (PSUR)) doivent être désormais accompagnés
d'une « évaluation scientifique » fournie
par la firme « portant notamment sur le rapport bénéfice/risque
du médicament » (D article 104-6 ; R article 24-3).
Recueil des données : toujours sans les patients
La possibilité pour les patients de rapporter directement
aux agences les effets indésirables qu'ils suspectent n'a
pas été intégrée. L'utilité des
notifications venant des patients est pourtant aujourd'hui largement
reconnue (16). Mais elle n'a pas été prise en compte,
notamment par les ministres qui craignaient d'alourdir la tâche
de leurs agences.
Les amendements visant à apposer durant 5 ans, sur les boîtes
des nouveaux médicaments, la mention : « médicament
nouvellement autorisé, prière de signaler les effets
indésirables », ont été combattus
avec force par la Commission, et rejetés.
Analyse des données : prise en compte
des quantités vendues
On peut noter que les firmes doivent dorénavant fournir aux
agences, sur demande, « des données sur le volume
des ventes ou des prescriptions » parmi les données
nécessaires à l'évaluation des risques liés
au médicament (D article 23-bis ; R article 23-c). Les agences
ne devraient donc pas se contenter de données approximatives.
Retrait du marché en cas de balance
bénéfices-risques défavorable
La liste des motifs pouvant conduire un État à retirer
un médicament du marché a été allongée.
Dans la Directive 2001 on trouvait : la non-conformité de
la composition, la nocivité dans les conditions normales
d'emploi, et le défaut d'effet thérapeutique. Il s'y
ajoute dans la Directive 2004 un autre motif : « ou lorsqu'il
est considéré que (
) le rapport bénéfice/risque
n'est pas favorable dans les conditions d'emploi autorisées »
(D article 117-1-c), plus pertinent que le " niveau de risque
inacceptable » qui a failli être adopté.
Diffusion des données : a minima
Les nouveaux textes laissent entendre que le système européen
de surveillance des médicaments va continuer à recueillir
beaucoup de données, mais qu'elles resteront pratiquement
inaccessibles aux patients et aux professionnels de santé.
Ainsi le Règlement 2004 prévoit simplement la mise
à disposition du public des avis rendus par la commission
compétente de l'Agence européenne sur « les
mesures nécessaires » en cas de problème
de pharmacovigilance (R article 22). Les propositions de la Commission
ne le prévoyaient même pas. De plus, les données
correspondant à des « (
) effets indésirables
graves, ainsi que les autres informations de pharmacovigilance(
) »
seront « mises à la disposition du public, le
cas échéant après évaluation »
(R article 26).
Ces derniers mots sont suffisamment flous pour permettre d'empêcher
l'accès aux données. Il est peu vraisemblable que
le monde de la pharmacovigilance devienne soudain transparent. Mais
les autorités chargées de la pharmacovigilance ne
pourront pas se retrancher derrière l'absence de moyens réglementaires
pour agir.
©La revue Prescrire 1er juillet 2004
__________
Références
16- Medawar C et coll. "Paroxetine, Panorama and user reporting
of ADRs : Consumer intelligence matters in clinical practice and
post-marketing drug surveillance" Journal of Risk and Safety
in Medicine 2002 ; 15 : 161-169.
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