Fézolinétant (Veoza°) et bouffées de chaleur liées à la ménopause

Après une alerte quant à ses effets indésirables hépatiques, le fézolinétant (Veoza°, de la firme Astellas) est disponible sur le marché français depuis début avril 2025, comme traitement chez des femmes gênées par des « symptômes vasomoteurs modérés à sévères associés à la ménopause ». C'est-à-dire des bouffées de chaleur et sueurs nocturnes liées à la diminution progressive puis à l'arrêt de la sécrétion d’estrogènes par les ovaires. Il n'est pas pris en charge par la Sécurité sociale, la firme ayant choisi de ne faire aucune demande en ce sens. La posologie est de 1 comprimé par jour, à prendre avec une boisson (1,2).
Le fézolinétant est présenté comme un traitement non hormonal "original" (1).
Voici quelques repères à ce sujet, d'ici une analyse plus approfondie de son évaluation clinique selon la méthode habituelle de Prescrire.

Bouffées de chaleur liées la ménopause : fréquentes, persistant souvent plusieurs années, avant disparition spontanée. Lors de la transition ménopausique et au moment de la ménopause, des bouffées de chaleur sont rapportées par environ 2 à 4 femmes sur 5. Ces bouffées de chaleur sont souvent accompagnées de sueurs, plus rarement de palpitations. Parfois, elles sont suivies de frissons et provoquent une anxiété.

Les bouffées de chaleur liées à la ménopause finissent par disparaître spontanément. Chez une femme sur deux, elles persistent au moins 7 ans : 2,5 ans avant l’arrêt définitif des règles et 4,5 ans après.

Certains médicaments aggravent les bouffées de chaleur liées à la ménopause, notamment : des agonistes-antagonistes des récepteurs aux estrogènes tels que le raloxifène (Evista° ou autre) ; les antiestrogènes tels que le tamoxifène (Nolvadex°ou autre) ; les inhibiteurs de l’aromatase tels que l’anastrozole (Arimidex° ou autre), l’exémestane (Aromasine° ou autre), le létrozole (Fémara° ou autre) ; les agonistes de la gonadoréline tels que la leuproréline (Enantone LP° ou autre) (3).

Des moyens de réduire les bouffées de chaleur sans médicament. Des modifications de certaines habitudes de vie permettent parfois de diminuer la fréquence ou l’intensité des bouffées de chaleur liées à la ménopause :

– modérer la consommation de boissons chaudes, d’aliments chauds ou épicés, de caféine, d’alcool, de tabac ;

– pratiquer régulièrement une activité physique ;

– porter des vêtements légers ou s’habiller avec des vêtements superposés faciles à enlever ;

– dormir dans une pièce fraîche.

Chez des femmes en situation de surpoids ou d'obésité, une perte de poids semble associée à une diminution des bouffées de chaleur liées à la ménopause.

L’hypnose, le yoga et l’acupuncture semblent diminuer les bouffées de chaleur liées à la ménopause chez certaines femmes, sans effet indésirable rapporté quand les bonnes pratiques sont respectées. Leur efficacité au-delà de celle d’un placebo est difficile à établir (3).

Selon des données de faible niveau de preuves, la valériane (une plante) semble diminuer la fréquence et l’intensité des bouffées de chaleur liées à la ménopause. La valériane n’expose pas à des effets indésirables notables, sous réserve d’être utilisée sous forme d’extraits aqueux ou hydroalcooliques titrant moins de 30 % d’alcool. Le Cimicifuga racemosa (alias Actæa racemosa) par voie orale est peu évalué et n’a pas d’efficacité démontrée au-delà de celle d’un placebo sur les bouffées de chaleur liées à la ménopause. Il expose à des vertiges, des atteintes hépatiques graves, des réactions allergiques et des troubles digestifs (3).

Les phytoestrogènes par voie orale, notamment les isoflavones contenues dans le soja ou le trèfle rouge, ont une efficacité au mieux modeste sur les bouffées de chaleur liées à la ménopause. Leurs effets en traitement prolongé ou à doses élevées sont mal connus, avec des incertitudes concernant un effet immunodépresseur et un risque accru de cancer du sein ou de l’utérus. Cela incite à ne pas proposer leur prise au long cours. Il est prudent de les écarter chez les patientes à risque accru de tumeurs estrogénodépendantes (3).

L’évaluation de préparations homéopathiques pour soulager les bouffées de chaleur est pauvre et n’a pas montré d’efficacité supérieure à celle d’un placebo (3).

En cas de gêne majeure persistante : traitement hormonal substitutif, à la dose minimale efficace et pendant la durée la plus courte possible. Quand les bouffées de chaleur liées à la ménopause provoquent une gêne majeure non soulagée par ces mesures, et chez des femmes sans risque d’accidents thromboemboliques artériels ou veineux et sans risque accru de tumeurs estrogénodépendantes, un traitement hormonal substitutif à la dose minimale efficace et pendant la durée la plus courte possible est un recours (3). Ce traitement comporte un estrogène, administré par voie orale ou transdermique, associé avec, chez les femmes non hystérectomisées, un progestatif oral qui vise à contrebalancer l’effet cancérogène des estrogènes sur l’endomètre. Il s'agit de préférence de l’estradiol à la dose la plus faible possible et d'un progestatif dont le recul d’utilisation est long tel que la dydrogestérone (Duphaston°) ou la chlormadinone (Chlormadinone Viatris°).

Il importe de réévaluer régulièrement l’intérêt du traitement avec chaque patiente, vu les effets indésirables auxquels il expose : tensions mammaires ; saignements utérins ; troubles cardiovasculaires tels que thromboses veineuses profondes et accidents vasculaires cérébraux ; cancers du sein (dont le risque persiste plus de 10 ans après l’arrêt du traitement), cancers de l’ovaire ; méningiomes ; incontinences urinaires ; lithiases biliaires ; démences ; hyperglycémies ; pancréatites. Lors de l’arrêt du traitement hormonal, des syndromes de sevrage avec recrudescence des bouffées de chaleur et des sueurs nocturnes sont rapportés par environ 1 patiente sur 10 (3).

Une fiche Infos-Patients Prescrire "Bouffées de chaleur et sécheresse vaginale liées à la ménopause" à partager, adapter, expliquer et commenter avec la patiente est à disposition dans l'Application Prescrire

Fézolinétant : une action au niveau des neurones de l'hypothalamus. Le fézolinétant est présenté comme le premier traitement du groupe des antagonistes du récepteur de la neurokinine 3 (NK3). Il est censé « restaurer l'équilibre de l'activité neuronale dans le centre thermorégulateur de l'hypothalamus, perturbé par la diminution estrogénique survenant à la ménopause » (1,2).

Des questions qui se posent. Avant de décider d'utiliser ou non ce médicament, diverses questions se posent. Par exemple : sur les bouffées de chaleur, dans quelle mesure le fézolinétant est-il plus efficace qu’un traitement hormonal substitutif ? Est-il plus efficace qu'un placebo quand le traitement hormonal paraît trop dangereux, ou cause trop d'effets indésirables ? Quels sont les résultats de son évaluation avant l'arrêt définitif des règles, en période de transition ménopausique ? Son efficacité éventuelle se maintient-elle plusieurs années ? À l'arrêt du traitement, quel est le risque de syndrome de sevrage, ou de rebond des symptômes ?

Le fézolinétant est-il efficace sur d'autres symptômes de la transition ménopausique ?

Le résumé des caractéristiques (RCP) européen n'apporte pas de réponse à ces questions, pas plus que le RCP étatsunien (2,4).

Quels risques prévoir ? Du fait d'une évaluation initiale non conçue pour évaluer avec un fort niveau de preuves les effets indésirables et d'un manque de recul, les effets indésirables des nouveaux médicaments sont mal connus au moment de leur mise sur le marché.

L'action du fézolinétant sur l'hypothalamus conduit notamment à poser la question d'effets indésirables psychiques, en particulier en cas de traitement durant des années.

Le RCP étatsunien fait état d'insomnies, ainsi que de douleurs abdominales, de diarrhées, de lombalgies et, paradoxalement, de bouffées de chaleur. Il alerte quant au risque d'élévations importantes des transaminases hépatiques, avec ictère, selles décolorées, urines sombres, etc., régressant à l'arrêt du médicament. Selon le RCP européen, cela justifie un bilan biologique hépatique avant le traitement, et chaque mois durant au moins 3 mois, puis en cas de symptômes évoquant une atteinte hépatique (2,4).

Des surdoses ont été accompagnées de céphalées, de nausées et de paresthésies (2).

La demi-vie d'élimination plasmatique du fézolinétant est d'environ 10 heures. Le fézolinétant est métabolisé principalement par l'isoenzyme CYP 1A2 du cytochrome P450. Une surdose est prévisible en cas d'association avec des inhibiteurs de cette isoenzyme tels que : les estrogènes ; la plupart des antibiotiques macrolides, des fluoroquinolones ; le cannabidiol (alias CBD) ; la fluvoxamine (Floxyfral° ou autre), un antidépresseur ; la quétiapine (Xeroquel° ou autre), un neuroleptique ; etc. (2,5).

Et si elle était ou devenait enceinte ? Les études ont montré chez des animaux une toxicité du fézolinétant à fortes doses sur la reproduction (létalité embryonnaire, etc.), sans effet tératogène. Selon le RCP étatsunien, il n'y a pas de données chez des femmes enceintes. Le RCP européen préconise, en cas de traitement par fézolinétant, une contraception non hormonale chez les femmes en période de transition ménopausique (sans préciser, par exemple, dispositif intra-utérin ou préservatifs) (2à4).

©Prescrire (17 avril 2025)

Sources

1- "Le traitement non hormonal des symptômes vasomoteurs fézolinétant arrive le 7 avril en pharmacie, sans remboursement" APMnews 26 mars 2025.

2- EMA "RCP-notice-Veoza" 21 mars 2025.

3- "Troubles liés à la ménopause" Premiers choix Prescrire.

4- FDA "Full prescribing information-Veozah" décembre 2024.

5- "Inhibiteurs et substrats de l'isoenzyme CYP 1A2 du cytochrome P450 en bref" Interactions Médicamenteuses Prescrire 2025.