Vaccin chikungunya à virus atténué (Ixchiq°) : quelques repères
Mi-avril 2025, une épidémie de chikungunya est en cours sur l’île de la Réunion. Dans ce contexte, les autorités françaises promeuvent une vaccination de certaines personnes à risque de forme grave de la maladie, notamment celles âgées de 65 ans ou plus, sans infection documentée par le virus chikungunya, qui ont une affection chronique telle qu'une hypertension artérielle, un diabète, une maladie cardiovasculaire, respiratoire, rénale, hépatique ou neurovasculaire. En avril 2025, le vaccin proposé pour cette campagne de vaccination est un vaccin à virus atténué (Ixchiq°) (1).
Voici quelques repères sur ce vaccin, d'ici une analyse plus approfondie de son évaluation selon la méthode habituelle de Prescrire.
Chikungunya : une infection parfois grave, voire mortelle. Le chikungunya est une infection par un arbovirus transmise par des moustiques du genre Aedes. Après une incubation de quelques jours, la phase aiguë se caractérise par une fièvre élevée et d'importantes douleurs articulaires. Généralement, la fièvre disparaît en 3 à 10 jours et les douleurs articulaires perdurent plusieurs semaines. Parfois, ces douleurs deviennent chroniques. Les autres complications sont rares, principalement neurologiques, cardiovasculaires ou hépatiques. Elles surviennent surtout chez des personnes âgées de 65 ans ou plus, chez des enfants âgés de moins de 1 an, et chez les personnes atteintes d'une affection chronique telle qu’un diabète, une immunodépression ou une affection cardiovasculaire (2à5).
Un accouchement à la phase aiguë de l’infection, c'est-à-dire quand le virus est présent dans le sang maternel, expose dans la moitié des cas à une transmission du virus de la mère au nouveau-né, avec un risque élevé de chikungunya grave chez le nouveau-né (3,4).
La mortalité est estimée à 1 pour 1 000 patients infectés, concernant le plus souvent des nouveau-nés, des personnes âgées ou des patients immunodéprimés (5).
Après la guérison, l’immunité acquise semble durable (4,5).
Prévention : lutte collective et protection individuelle contre les moustiques. La prévention du chikungunya repose sur la lutte collective antivectorielle visant à réduire les populations de moustiques qui transmettent la maladie et à détruire leurs gîtes larvaires. À l'échelon individuel, la principale mesure préventive est la protection contre les piqûres de moustiques (vêtements longs, moustiquaires, répulsifs) (5).
Un vaccin à virus atténué. Le vaccin chikungunya à virus atténué commercialisé sous le nom Ixchiq° est obtenu à partir d'une souche du virus génétiquement modifiée pour atténuer sa virulence. Il s'administre par voie intramusculaire, à raison d'une dose unique. Mi-2025, l'éventuel intérêt d'un rappel vaccinal n'a pas été évalué. Dans l'Union européenne, il est autorisé à partir de l'âge de 12 ans (4,8).
Les questions qui se posent pour évaluer la balance bénéfices-risques de ce vaccin. Pour être en mesure d'évaluer si le vaccin chikungunya à virus atténué apporte ou non un progrès thérapeutique, les données de l'évaluation clinique devraient apporter des réponses aux questions suivantes : ce vaccin diminue-t-il la fréquence des infections ? Diminue-t-il le risque d'infection grave, notamment chez les personnes les plus à risque ? Diminue-t-il les conséquences cliniques du chikungunya à court et moyen terme ? Freine-t-il la transmission en situation épidémique ? Quels sont ses effets indésirables ?
Le vaccin chikungunya à virus atténué n'a pas été évalué dans un essai sur des critères cliniques tels que la fréquence des infections ou leurs conséquences à court et moyen terme. L'évaluation repose principalement sur deux études d’immunogénicité, randomisées, en double aveugle, versus placebo : l’une chez environ 4 000 adultes vivant en dehors d'une zone endémique, l’autre chez 765 adolescents vivant en zone endémique. Le vaccin a provoqué une réponse immunologique chez pratiquement tous les participants sans antécédent d'infection par le virus. Cette réponse a persisté pendant 2 ans. Une éventuelle corrélation entre la réponse immune et la protection clinique n’est pas démontrée (4,6,7).
Quels risques déjà connus et quelles incertitudes ? Dans les études d'immunogénicité, les réactions au site d’injection et les réactions systémiques habituelles avec les vaccins ont été fréquentes. Une association de symptômes semblables à ceux observés lors de la phase aiguë du chikungunya est survenue plus souvent chez les personnes vaccinées que chez celles des groupes placebo : selon les essais, chez 12 % à 23 % versus 0,6 % à 5 %. Ces troubles ont parfois été graves et durables. La présence de virus dans le sang (virémie) a été souvent constatée au cours de la semaine suivant la vaccination, ce qui expose à des infections par la souche vaccinale, par exemple chez des patients immunodéprimés vivant dans l'entourage de personnes vaccinées. Un risque de troubles cardiaques graves liés au vaccin a été évoqué et fait l’objet d’un suivi de pharmacovigilance (4,6).
À écarter chez les femmes enceintes et chez les personnes immunodéprimées. Durant les études d'immunogénicité, quelques femmes vaccinées sont devenues enceintes. Le risque d’avortement spontané chez ces femmes a semblé plus grand que celui habituellement observé dans la population générale : 25 % versus environ 15 %. Compte tenu du risque de transmission du virus atténué de la mère à l'enfant au moment de l’accouchement et de la gravité des infections néonatales, il est prudent d’éviter la vaccination des femmes enceintes à proximité de l'accouchement (4,6,8).
Le vaccin chikungunya à virus atténué n’a pas été évalué dans des essais chez des patients immunodéprimés. Ce vaccin est à écarter chez les patients ayant une immunodépression liée à une affection ou à un médicament, en raison d'un risque mal cerné d'infection grave par le virus atténué (4,8).
©Prescrire (16 avril 2025)
Sources
1- "Épidémie de chikungunya à la Réunion : début de la campagne de vaccination lundi pour les personnes les plus à risques" APMNews 4 avril 2025.
2- Prescrire Rédaction "Chikungunya dans l’océan Indien" Rev Prescrire 2006 ; 26 (271) : 293.
3- Wilson ME et coll. "Chikungunya fever : epidemiology, clinical manifestations, and diagnosis" UpToDate Site www.uptodate.com consulté le 7 avril 2025 : 24 pages.
4- EMA - CHMP "Public assessment report for Chikungunya vaccine (live). EMEA/H/C/0057970000" 30 mai 2024 : 272 pages.
5- HAS "Diagnostic biologique direct précoce du chikungunya par détection génomique du virus avec RT-PCR" janvier 2013 : 96 pages.
6- US FDA - CBER "STN125777/0. Clinical review memorandum" 8 novembre 2023 : 105 pages.
7- HAS - Commission de la transparence "Avis-Ixchiq°" 19 mars 2025 : 27 pages.
8- Commission européenne "RCP-Ixchiq°" 28 mars 2025.