Nouveaux médicaments : mieux informer sur les incertitudesLes nouveaux médicaments sont mis sur le marché avec plus ou moins d'incertitudes quant à leur efficacité et à leurs effets indésirables (1). Quelles incertitudes ? Le savoir est utile pour partager au mieux les décisions de traitement.Beaucoup d'incertitudes au moment de l'AMM Aux Pays-Bas, des auteurs universitaires ou rattachés aux agences néerlandaise ou européenne du médicament (EMA) ont étudié les incertitudes mentionnées dans les rapports publics d'évaluation européens des 121 médicaments autorisés pour la première fois dans une indication en cancérologie dans l'Union européenne entre 2011 et 2022. Ils ont recensé 800 incertitudes concernant principalement les effets indésirables (51 %) et l'efficacité (40 %). Entre 2011-2014 et 2019-2022, le nombre médian d'incertitudes par médicament est passé de 4 à 7. Concernant l'efficacité, il est passé de 1 à 3. Les incertitudes étaient significativement plus nombreuses en cas d'autorisation de mise sur le marché (AMM) conditionnelle, d'AMM exceptionnelle, et pour les thérapies géniques (2).La situation est proche aux États-Unis d'Amérique, où depuis 1992 plus de 200 médicaments ont fait l'objet d'une AMM accélérée, et sont restés sans preuve d'efficacité apportée à long terme dans la moitié des cas (3).Une mauvaise compréhension des attentes des patients ? Ces incertitudes croissantes sont-elles un prix acceptable à payer pour accéder plus vite à des "innovations" ? C'est ce qu'avance, entre autres, l'Agence étatsunienne du médicament (FDA). Mais peut-on parler d'innovation sans preuve de progrès ? Ne vaut-il pas mieux attendre davantage pour avoir des preuves solides ? Des auteurs britanniques ont posé ces questions à 870 personnes concernées par un cancer, pour elles-mêmes (21 %), un parent (81 %) ou un ami (36 %) (3).Par rapport à une situation d'absence de preuve d'efficacité d'un nouveau médicament sur la survie, les personnes interrogées préféraient attendre en moyenne 8 mois pour disposer de données de faible niveau de preuves, 16 mois pour des preuves plus solides, et 22 mois pour des données de fort niveau de preuves (3).En somme, la course à un accès de plus en plus précoce en Europe et aux États-Unis d'Amérique pourrait être basée sur une incompréhension des attentes réelles des patients par les agences.Le droit de savoir De quelles informations disposent les patients concernant les incertitudes entourant l'évaluation des nouveaux médicaments ? D'aucune, s'ils lisent seulement la notice des médicaments, les incertitudes mentionnées par exemple dans les rapports d'évaluation des agences n'y figurant pas. Cette absence d'information entrave une décision de traitement éclairée (1).Lors d'une consultation publique de l'EMA sur l'amélioration de la notice, Prescrire a demandé notamment qu'y figurent « les incertitudes notamment quand les données sont manquantes ou de trop faible niveau de preuves (par exemple concernant un bénéfice ou un effet indésirable) » (4).Car comme l'avait reconnu le responsable de la recherche et de l'innovation à l'EMA intervenant à des rencontres organisées par Prescrire en 2021, « parfois ce qui est inconnu est encore plus important que ce qui est connu parce que vous ne savez même pas si cela a été étudié » (5).©PrescrireExtraits de la veille documentaire Prescrire1- Davis C et coll. "Patients deserve better information on new drugs" BMJ 2024 ; 387 ; e08172010, 7 pages.2- Taams AC et coll. "Uncertainties about the benefit-risk balance of oncology medicines assessed by the European Medicines Agency" Esmo Open 2024 ; 9 (12) : 103991, 13 pages.3- Forrest R et coll. "Preferences for speed of access versus certainty of the survival benefit of new cancer drugs : a discrete choice experiment" Lancet Oncol 2024 ; 25 (12) : 1635-1643.4- Prescrire Rédaction "EMA : enquête sur l'amélioration du contenu de la notice patients" Rev Prescrire 2024 ; 44 (492) : 790.5- Prescrire Rédaction "Jordi Llinares : parfois ce qui est inconnu est encore plus important que ce qui est connu" Rev Prescrire 2021 ; 41 (450) : 313.Jordi Llinares : Parfois ce qui est inconnu est encore plus important que ce qui est connuEMA : enquête sur l'amélioration du contenu de la notice patient