En France, l'"automédication"
est soudainement devenue à la mode. Tout au moins dans ses versions financières
et technocratiques qui visent non seulement à transformer des médicaments
de prescription en médicaments grand public, mais aussi à recycler
sous label "vu à la télé", des vieilleries jadis
sur prescription, et jugées plus assez bonnes pour être remboursables.
Il n'est pas question
ici de santé de la population, d'autonomie des patients, ni d'usage rationnel
des médicaments. Mais plutôt d'exploitation des consommateurs abusés
par la publicité, juste bons à consommer et à payer.
Une vraie politique sanitaire
au service de la population devrait reposer sur des principes simples.
Commençons par retirer
du marché les médicaments dont la balance bénéfices-risques
est défavorable, au lieu de se contenter de les dérembourser et
de les laisser vendre en toute hypocrisie. Définissons
collectivement, clairement et précisément les règles du jeu
: ce qui relève de la prescription médicale du point de vue de la
qualité des soins, et ce qui n'en relève pas ; ce qui doit être
pris en charge par l'assurance maladie, et ce qui n'a pas à l'être. Reconnaissons
les pharmaciens comme de vrais professionnels de santé, capables d'une
démarche de soins indépendante appelée conseil pharmaceutique,
pour laquelle, comme dans d'autres pays, des médicaments spécifiques,
adaptés, à la balance bénéfices-risques favorable,
doivent être conçus. Refusons la moindre prise de risques liés
à la composition et au conditionnement des médicaments vantés
par la publicité grand public. La mise en uvre d'une telle
politique serait source d'améliorations nombreuses, et dissiperait bien
des confusions. Mais cette politique serait encore insuffisante si elle ne mettait
pas au centre des préoccupations l'information prolongée, approfondie
et adaptée des citoyens, visant à la "démédicamentation"
de l'esprit des patients, des familles, des prescripteurs et des pharmaciens. Les
Français sont les champions du monde de la consommation médicamenteuse.
Il est grand temps de les aider à se désintoxiquer de l'illusion
de la panacée. La santé, ce n'est pas toujours une affaire
de médicaments. Ils sont parfois nécessaires, souvent inutiles,
voire néfastes. Voilà ce que ne dira jamais l'"automédication"
promue actuellement par les firmes et par les administrations à leur service. ©La
revue Prescrire 1er mars 2007 Rev Prescrire 2007 ; 27 (281) : 161. |