L'histoire française des déremboursements, et des baisses
de taux de remboursement des médicaments, par l'assurance maladie depuis
une trentaine d'années conduit à un constat simple : les mesures
prises sont d'autant plus timides, que le battage médiatique orchestré
par les firmes pharmaceutiques s'amplifie. Les ministres déremboursent
de moins en moins. L'épisode en cours est remarquable à cet égard.
Voilà plus de 5 ans que les ministres successifs de la santé et
de la sécurité sociale annoncent une remise à plat des listes
de médicaments remboursables en France sans qu'aucune mesure d'ampleur
ne soit effective. La réévaluation du service médical
rendu (SMR) pour 4 490 spécialités a été demandée
par un ministre en 1999 (1). En 2001, cette réévaluation, réalisée
par la Commission de la transparence, était terminée, et on pouvait
s'attendre au déremboursement des 835 spécialités à
SMR coté "insuffisant". Mais en 2002, un autre ministre a décidé
d'une deuxième réévaluation (2). Puis un ministre suivant
a créé une nouvelle instance, la Haute autorité de santé
(HAS) à laquelle il a demandé la réévaluation de médicaments
à SMR insuffisant, toujours en s'appuyant sur la Commission française
de la transparence (3). En 2005, la seconde réévaluation est terminée,
et l'HAS recommande le déremboursement de 221 médicaments (correspondant
à 364 spécialités)(2).
Une deuxième
réévaluation approfondie Le rapport rendu public par l'HAS
à l'appui de sa recommandation est consistant (2). Il explique la méthode
suivie pour la réévaluation, et, pour chacune des classes thérapeutiques
concernées, pourquoi le SMR est insuffisant, dans chacune des indications
thérapeutiques. Ce rapport fait état des données d'évaluation
disponibles, et des alternatives thérapeutiques existantes. Il comporte
des annexes sur le poids économique des médicaments à SMR
insuffisant pour l'assurance maladie, et sur les mesures de déremboursement
intervenues pour ces médicaments dans différents pays d'Europe (2). Ce
rapport ne mentionne pas combien a coûté la réévaluation
2004-2005, et on ne sait pas non plus combien a coûté la première
réévaluation 2000-2001. Mais, étant donné l'ampleur
du travail, ces coûts ne sont sans doute pas négligeables, et ils
sont, eux aussi, supportés par la collectivité.
Toujours
aucun arrêté de déremboursement pour 2005 On s'attendrait,
après de tels travaux, à des mesures claires, précises et
rapides de déremboursement visant à mieux utiliser l'argent collectif.
Pourtant, au 5 octobre 2005, aucun arrêté n'a été publié
par le ministre du moment. Selon les médias et les annonces gouvernementales,
on « opterait pour un taux de déremboursement "provisoire
et intermédiaire" de certains médicaments », tels
les veinotoniques, qui ne seraient déremboursés qu'en 2008, et on
aurait étudié « la création d'un taux de remboursement
à 15 % à la demande des laboratoires pharmaceutiques » (4).
En effet, toujours selon les médias, « l'industrie pharmaceutique,
farouchement opposée au projet de déremboursement » a
« maintes fois protesté (
) » (5). Ainsi,
pour ne pas heurter le lobby industriel des veinotoniques ou autres, les pouvoirs
publics réévaluent à plusieurs reprises, tergiversent, diminuent
un peu certains remboursements mais sans les supprimer, imaginent même les
solutions d'attente les plus compliquées telles un quatrième taux
de remboursement.
Et le remboursement au prix fort
de toutes les nouveautés continue Pendant ce temps, les mêmes
pouvoirs publics continuent à inscrire sur les listes de médicaments
remboursables, et/ou agréés aux collectivités, des "nouveautés"
dont l'apport en thérapeutique est souvent infime, voire nul ou mal évalué,
mais dont les prix exigés (et obtenus) par les firmes sont exorbitants
(6,7). C'est toujours le "fait industriel" qui prévaut, qu'il
s'agisse de remboursement ou de fixation des prix. Et les montants remboursés
augmentent vertigineusement. En 2005, les professionnels de santé ne
peuvent toujours pas compter sur des pouvoirs publics responsables, qui agiraient
pour utiliser au mieux les ressources, pour des soins de qualité. Ils doivent
composer avec un système dérégulé, et faire eux-mêmes
un travail de tri et d'explication aux patients, pour parvenir à bien les
soigner, et tant que possible, au moindre coût.
©La
revue Prescrire 1er novembre 2005 Rev Prescrire
2005 ; 25 (266) : 735-736. __________ Références
1- Prescrire Rédaction "Déremboursements en perspective"
Rev Prescrire 1999 ; 19 (200) : 757. 2- Haute autorité de santé
"La Haute autorité de santé recommande de retirer 221 médicaments
à service médical rendu insuffisant de la liste des médicaments
remboursables" 15 septembre 2005 : 49 pages. 3- Prescrire Rédaction
"Déremboursements annoncés" Rev Prescrire 2004 ; 24 (248)
: 185. 4- AFP "Remboursement de 221 médicaments : vers un taux
provisoire" 26 septembre 2005 : 1 page. 5- AFP Revise N "Remboursement
des médicaments : l'industrie pharmaceutique fait pression" 26 septembre
2005 : 1 page. 6- Prescrire Rédaction "Prix des médicaments
: la folle envolée" Rev Prescrire 2004 ; 24 (256 - Suppl.) : 881-945. 7-
Prescrire Rédaction "Argent collectif" Rev Prescrire 2005 ; 25
(265) : 644. |