Revue Prescrire, article en une, déremboursement novembre 2005
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Déremboursements de médicaments :
atermoiements ministériels et effets d'annonce (suite)
 
Pendant combien de temps les ministres français danseront-ils encore le tango du déremboursement des veinotoniques ?
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Un peu d'histoire
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2003 : baisses de taux de remboursement de médicaments : un pot pourri
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L'histoire française des déremboursements, et des baisses de taux de remboursement des médicaments, par l'assurance maladie depuis une trentaine d'années conduit à un constat simple : les mesures prises sont d'autant plus timides, que le battage médiatique orchestré par les firmes pharmaceutiques s'amplifie. Les ministres déremboursent de moins en moins.
L'épisode en cours est remarquable à cet égard. Voilà plus de 5 ans que les ministres successifs de la santé et de la sécurité sociale annoncent une remise à plat des listes de médicaments remboursables en France sans qu'aucune mesure d'ampleur ne soit effective.
La réévaluation du service médical rendu (SMR) pour 4 490 spécialités a été demandée par un ministre en 1999 (1). En 2001, cette réévaluation, réalisée par la Commission de la transparence, était terminée, et on pouvait s'attendre au déremboursement des 835 spécialités à SMR coté "insuffisant". Mais en 2002, un autre ministre a décidé d'une deuxième réévaluation (2). Puis un ministre suivant a créé une nouvelle instance, la Haute autorité de santé (HAS) à laquelle il a demandé la réévaluation de médicaments à SMR insuffisant, toujours en s'appuyant sur la Commission française de la transparence (3). En 2005, la seconde réévaluation est terminée, et l'HAS recommande le déremboursement de 221 médicaments (correspondant à 364 spécialités)(2).

Une deuxième réévaluation approfondie
Le rapport rendu public par l'HAS à l'appui de sa recommandation est consistant (2). Il explique la méthode suivie pour la réévaluation, et, pour chacune des classes thérapeutiques concernées, pourquoi le SMR est insuffisant, dans chacune des indications thérapeutiques. Ce rapport fait état des données d'évaluation disponibles, et des alternatives thérapeutiques existantes. Il comporte des annexes sur le poids économique des médicaments à SMR insuffisant pour l'assurance maladie, et sur les mesures de déremboursement intervenues pour ces médicaments dans différents pays d'Europe (2).
Ce rapport ne mentionne pas combien a coûté la réévaluation 2004-2005, et on ne sait pas non plus combien a coûté la première réévaluation 2000-2001. Mais, étant donné l'ampleur du travail, ces coûts ne sont sans doute pas négligeables, et ils sont, eux aussi, supportés par la collectivité.

Toujours aucun arrêté de déremboursement pour 2005
On s'attendrait, après de tels travaux, à des mesures claires, précises et rapides de déremboursement visant à mieux utiliser l'argent collectif. Pourtant, au 5 octobre 2005, aucun arrêté n'a été publié par le ministre du moment. Selon les médias et les annonces gouvernementales, on « opterait pour un taux de déremboursement "provisoire et intermédiaire" de certains médicaments », tels les veinotoniques, qui ne seraient déremboursés qu'en 2008, et on aurait étudié « la création d'un taux de remboursement à 15 % à la demande des laboratoires pharmaceutiques » (4). En effet, toujours selon les médias, « l'industrie pharmaceutique, farouchement opposée au projet de déremboursement » a « maintes fois protesté (…) » (5).
Ainsi, pour ne pas heurter le lobby industriel des veinotoniques ou autres, les pouvoirs publics réévaluent à plusieurs reprises, tergiversent, diminuent un peu certains remboursements mais sans les supprimer, imaginent même les solutions d'attente les plus compliquées telles un quatrième taux de remboursement.

Et le remboursement au prix fort de toutes les nouveautés continue
Pendant ce temps, les mêmes pouvoirs publics continuent à inscrire sur les listes de médicaments remboursables, et/ou agréés aux collectivités, des "nouveautés" dont l'apport en thérapeutique est souvent infime, voire nul ou mal évalué, mais dont les prix exigés (et obtenus) par les firmes sont exorbitants (6,7). C'est toujours le "fait industriel" qui prévaut, qu'il s'agisse de remboursement ou de fixation des prix. Et les montants remboursés augmentent vertigineusement.
En 2005, les professionnels de santé ne peuvent toujours pas compter sur des pouvoirs publics responsables, qui agiraient pour utiliser au mieux les ressources, pour des soins de qualité. Ils doivent composer avec un système dérégulé, et faire eux-mêmes un travail de tri et d'explication aux patients, pour parvenir à bien les soigner, et tant que possible, au moindre coût.

©La revue Prescrire 1er novembre 2005
Rev Prescrire 2005 ; 25 (266) : 735-736.
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Références
1- Prescrire Rédaction "Déremboursements en perspective" Rev Prescrire 1999 ; 19 (200) : 757.
2- Haute autorité de santé "La Haute autorité de santé recommande de retirer 221 médicaments à service médical rendu insuffisant de la liste des médicaments remboursables" 15 septembre 2005 : 49 pages.
3- Prescrire Rédaction "Déremboursements annoncés" Rev Prescrire 2004 ; 24 (248) : 185.
4- AFP "Remboursement de 221 médicaments : vers un taux provisoire" 26 septembre 2005 : 1 page.
5- AFP Revise N "Remboursement des médicaments : l'industrie pharmaceutique fait pression" 26 septembre 2005 : 1 page.
6- Prescrire Rédaction "Prix des médicaments : la folle envolée" Rev Prescrire 2004 ; 24 (256 - Suppl.) : 881-945.
7- Prescrire Rédaction "Argent collectif" Rev Prescrire 2005 ; 25 (265) : 644.