Le 30 septembre 2004, la firme Merck a annoncé l'arrêt
mondial de commercialisation du rofécoxib (1).
Une prise en compte lente
L'Agence britannique du médicament a fourni quelques chiffres
de l'essai clinique randomisé en double aveugle versus placebo
dans la polypose colique chez 2 600 patients, mis en avant par la
firme : 45 patients sous rofécoxib ont souffert d'un événement
thrombotique grave, infarctus du myocarde ou accident vasculaire cérébral,
versus 25 patients sous placebo (soit 6 versus 3 pour 400 patients-années)
(2). L'augmentation du risque est de 7,5 accidents graves pour 1 000
patients par an. Cette incidence est du même ordre de grandeur
que celle des accidents évités par les médicaments
antihypertenseurs (3).
Une équipe suisse a procédé à une méta-analyse
des essais comparatifs publiés (y compris au sein d'analyses
de la Food and Drug Administration (FDA) américaine) (4). Fin
2000, il apparaissait déjà que le risque d'infarctus
était plus élevé que sous placebo ou autre anti-inflammatoire
non stéroïdien (AINS), de façon statistiquement
significative (risque relatif 2,30 ; IC à 95 % : 1,22-4,33).
La FDA a publié une étude comparative menée à
partir des données d'un assureur maladie américain (5).
De 1999 à 2001, 1,4 million d'assurés ont reçu
au moins une prescription d'AINS. 6 675 hospitalisations pour infarctus
du myocarde et 1 524 morts subites ont été recensées.
Un traitement par AINS a augmenté ce risque cardiaque d'environ
14 %. Le risque a été augmenté de 18 % avec le
naproxène, et de 30 % sous rofécoxib à 25 mg
maximum par jour. L'ibuprofène n'a pas été associé
à une augmentation statistiquement significative du risque.
Un ''effet de classe'' vraisemblable
Dans cette étude, le risque n'a pas paru accru sous célécoxib.
Cependant, une analyse par la FDA de l'"essai CLASS'' a montré
un excès d'angor (stable ou non) sous célécoxib,
sans que la différence observée soit statistiquement
significative : 4,1 % sous célécoxib versus 2,9 % sous
ibuprofène, chez les patients qui prenaient aussi de l'aspirine
(6). Et des données en défaveur d'autres coxibs ont
déjà été publiées (7,8).
Des dégâts digestifs
Une équipe canadienne a publié une étude (financée
sur fonds publics) menée à partir d'une banque de données
concernant 1,3 million de résidents de l'Ontario âgés
de plus de 65 ans (9). Avec l'arrivée du rofécoxib et
du célécoxib, sont apparus 90 000 nouveaux utilisateurs
d'AINS par an, correspondant uniquement à une première
prise de coxib. 650 cas supplémentaires par an d'hospitalisation
pour hémorragie digestive ont été recensés
(p<0,01).
À suivre.
©La revue Prescrire 1er décembre
2004
Rev Prescrire 2004 ; 24 (256) : 835.
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Références
1- Prescrire Rédaction "rofécoxib : arrêt
de commercialisation" Rev Prescrire 2004 ; 24 (255) : 748.
2- Committee on safety of medicines "Immediate withdrawal of
rofecoxib (Vioxx/Vioxxacute)" 30/09/04. Site internet http://medicines.mhra.gov.uk
consulté le 1/10/04 (sortie papier disponible : 3 pages).
3- Prescrire Rédaction ''Hypertension artérielle de
l'adulte'' Rev Prescrire 2004 ; 24 (253) : 601-611.
4- Jüni P et coll. ''Risk of cardiovascular events and rofecoxib : cumulative meta-analysis'' Lancet 2004. Site internet http://image.thelancet.com
consulté le 5 novembre 2004 (sortie papier disponible : 9
pages).
5- Graham DJ ''Risk of acute myocardial infarction and sudden cardiac
death in patients treated with COX-2 selective and non-selective
NSAIDs'' 30 septembre 2004. Site internet http://www.fda.gov consulté
le 03/11/04 (sortie papier disponible : 22 pages).
6- US Food and Drug Administration "Celebrex capsules (celecoxib)
NDA 20-998/S-009 Medical officer review" 20 september 2000.
Site internet http:// www.fda.gov consulté le 28 juillet
2002 (sortie papier disponible : 100 pages).
7- Prescrire Rédaction "Coxibs et thromboses" Rev
Prescrire 2004 ; 24 (254) : 669.
8- "Merck on EDGE with Arcoxia" Scrip 2004 ; (2998) :
22.
9- Mamdani M et coll. "Gastrointestinal bleeding after the
introduction of COX 2 inhibitors : ecological study" BMJ 2004 ; 328 : 1415-1416.
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