Penser et prescrire en DCI : une
bonne pratique professionnelle |
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Prescrire en dénomination commune internationale
(DCI) rend aux prescripteurs et aux pharmaciens leurs rôles
respectifs dans le choix du traitement et dans sa mise en uvre. |
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Envisager la prescription en DCI, c'est l'occasion pour chacun
de réfléchir sur la connaissance réelle
qu'il a des médicaments, et donc sur la formation initiale
et continue en pharmacologie et en thérapeutique. C'est
aussi un moyen d'améliorer les bonnes pratiques de
prescription et de dispensation. C'est encore mieux prendre
en compte le patient, mieux partager la connaissance avec
lui, et respecter ses choix.
Pour bien connaître les
médicaments
Pour
une répartition efficace des tâches entre prescripteurs
et pharmaciens
Pour un langage commun, en ville
et à l'hôpital, et pour la sécurité
à l'étranger
Pour améliorer la communication
soignants-patients
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Pour bien connaître les médicaments
Il existe à ce jour, en France, dans la base de données
de l'éditeur du dictionnaire Vidal, environ 11 000 références
correspondant à des codes barres dits codes CIP, ce code
représentant un nom de marque, sous une forme pharmaceutique,
un dosage et une présentation spécifiques. Le
nombre de noms de marque différents s'élève
à environ 6 500. Si l'on recense les dénominations
communes internationales, on arrive à environ 1 700 DCI
sur le marché français (on peut y ajouter les
substances chimiques ou naturelles, ou les plantes, qui n'ont
pas de DCI).
Il est clair qu'il y a statistiquement plus de possibilités
d'erreurs et de confusions avec 6 500 noms de marque qu'avec
1 700 DCI.
Attention aux outils de formation.
Dès la formation initiale des professionnels de santé,
l'enseignement se fait encore souvent en France en noms de marque,
que ce soit à travers les cours, les polycopiés,
les livres ou les médias électroniques. La formation
continue utilise, elle aussi, couramment les noms de marque
plus que les DCI. Congrès, conférences, ateliers,
brochures, gazettes professionnelles, sites internet, etc. véhiculent
principalement des noms commerciaux.
Ce sont là les conséquences routinières
du financement omniprésent des firmes pharmaceutiques
qui, logiquement, attendent en retour que les noms de marque
soient inscrits préférentiellement sur les ordonnances.
Au résultat, les professionnels de santé, ne connaissent
pas toujours la composition des médicaments qu'ils utilisent.
L'usage de la DCI facilite l'usage des sources
d'informations indépendantes. Raisonner en DCI
pousse à bien connaître les médicaments
que l'on prescrit ou que l'on dispense. Cela évite, par
exemple, de prescrire par inadvertance des substances associées
qui se cachent derrière un nom de marque. Cela évite
aussi des erreurs lorsque des spécialités changent
de composition sans changer de nom de marque, ou l'inverse,
ou encore lorsque sous un même nom de marque se décline
une gamme de spécialités aux compositions différentes.
Raisonner en DCI permet en outre de se dégager des campagnes
promotionnelles des firmes pharmaceutiques. En rejetant les
outils de formation rédigés en noms de marque,
et en leur préférant une information qui permette
de bien comparer les médicaments sur la base d'un raisonnement
en DCI, les prescripteurs, les pharmaciens et les autres professionnels
de santé peuvent acquérir une connaissance plus
solide des stratégies existantes.
Dans toutes les sources d'information thérapeutique fiables
et comparatives, qu'il s'agisse de guides thérapeutiques,
de recommandations, d'essais cliniques, de méta-analyses,
et ce quel que soit leur pays d'origine, les substances sont
désignées d'abord (et souvent uniquement) par
leur DCI. Un professionnel de santé qui ne connaîtrait
pas les médicaments par leur DCI ne pourrait pas sérieusement
maintenir à jour ses connaissances.
Il faut pratiquer cet esperanto utile pour profiter des données
actualisées et non biaisées. |
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Pour une répartition efficace
des tâches entre prescripteurs et pharmaciens
Il revient au pharmacien de vérifier l'adéquation
des prescriptions (absence d'erreur, posologie, interactions
avec des traitements concomitants, etc.), puis d'expliquer ou
de réexpliquer aux patients les modalités de prise,
les précautions d'emploi, afin d'aider chacun à
intégrer le traitement dans ses conditions de vie et
de travail, etc. (article R. 5015-48 du CSP).
Mais des éléments d'information sont nécessaires.
C'est au prescripteur de les faire figurer sur l'ordonnance :
- à propos du patient examiné :
son nom et son sexe (ce n'est pas toujours le malade qui viendra
à la pharmacie), son âge et souvent son poids (en
particulier pour les enfants, les patients très maigres
ou obèses), voire sa surface corporelle dans certains
cas ;
- à propos du médicament choisi :
réalisée en DCI, la prescription fait apparaître
clairement et simplement, pour le pharmacien, les autres soignants
et le patient, avec quel(s) médicament(s) le traitement
va avoir lieu. L'ordonnance peut comporter une mention expliquant
que le médecin laisse au pharmacien et au patient le
soin de choisir ensemble une spécialité adaptée.
Dans un pays encore habitué aux prescriptions en noms
de marque, la démarche peut être pédagogique.
Si la prescription est réalisée en nom de marque
pour une raison médicalement justifiable, et si la dispensation
d'une autre marque n'est pas souhaitable, le prescripteur doit
ajouter la mention "non substituable". Le pharmacien
doit alors dispenser la spécialité prescrite (article
R. 5143-11 du CSP), sauf si le pharmacien décèle
dans l'ordonnance une erreur ou une incohérence mettant
en jeu " l'intérêt de la santé du patient
" (article R. 5015-60 du CSP).
- à propos de la dose administrée
et de la durée du traitement : une fois la
substance active choisie, le prescripteur peut se concentrer
sur la forme pharmaceutique et la posologie (la dose unitaire,
le nombre de prises quotidiennes, le moment de ces prises, ainsi
que la durée du traitement).
Et c'est tout ! Il serait regrettable que le prescripteur se
disperse à rechercher quel est le nombre de gouttes par
flacon de telle ou telle spécialité, ou si telle
spécialité existe en boîtes de 28 ou 30
comprimés, alors qu'il n'a ni le temps, ni toujours les
bons outils pour le faire. Le pharmacien, lui, a toutes les
données techniques sous la main pour assurer la dispensation
des quantités nécessaires et suffisantes.
Prescrire en DCI conduit le prescripteur à concentrer
son attention sur la(ou les) substance(s) qu'il veut prescrire,
sur les bénéfices attendus et les effets indésirables
potentiels, sur les doses administrées et la durée
de traitement.
Le pharmacien peut ensuite choisir la spécialité,
en l'adaptant au traitement envisagé et à la situation
du patient, expliciter les modalités d'utilisation, et
s'assurer de leur bonne compréhension.
Dans tous les cas où elle est possible, la prescription
en DCI permet au pharmacien de limiter le nombre de spécialités
similaires qu'il stocke, à l'officine ou à l'hôpital.
Il peut ainsi disposer de stocks suffisants pour chaque substance,
et éviter de faire attendre ou revenir les patients.
C'est une des raisons pratiques qui figurent dans le guide thérapeutique
britannique ("British National Formulary"). |
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Pour un langage commun, en ville et à
l'hôpital, et pour la sécurité à
l'étranger
À l'heure actuelle, au sein des hôpitaux français,
beaucoup de prescriptions se font soit en DCI, soit en noms
de marque. In fine, le patient hospitalisé reçoit
un médicament à nom de marque (parfois différent
de celui qui a été prescrit) ou, plus rarement,
une préparation hospitalière. L'infirmière
qui vient administrer les médicaments les appelle parfois
encore par d'autres noms de marque (par habitude ancienne ou
parce qu'elle utilise un certain nom de marque sur un autre
lieu de travail).
Le même patient, revenu à son domicile, se voit
en général prescrire le même traitement,
le plus souvent sous un nom de marque (parfois différent
de celui reçu à l'hôpital), et le médicament
qu'il reçoit du pharmacien d'officine peut encore porter
un autre nom de marque (en raison du droit de substitution).
Tel parent ou tel ami de ce patient prend le même médicament,
mais sous un autre nom de marque, ou un médicament très
différent sous un nom de marque qui ressemble. Dans l'armoire
à pharmacie familiale, il n'est pas rare que plusieurs
boîtes contiennent la même substance sous des noms
de marque différents.
Si tout au long de la chaîne de soins un seul et même
nom, la DCI, était utilisé pour désigner
le médicament, cela faciliterait la compréhension
et la communication entre les professionnels, mais aussi les
échanges avec les patients (pour peu que cette DCI soit
" facilement lisible, clairement compréhensible
" sur les emballages des spécialités, comme
l'exige l'article R. 5143 du CSP).
En cas de voyage à l'étranger (situation de plus
en plus fréquente pour les citoyens de tous pays), il
est important que les patients connaissent la DCI de leurs médicaments
(afin notamment de pouvoir, au besoin, s'en procurer sans difficulté).
C'est une des évidences qui ont conduit à la mise
en place du programme des DCI de l'OMS. |
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Pour améliorer la communication
soignants-patients
L'objectif du prescripteur est d'être compris, non seulement
par le pharmacien et les autres soignants, mais surtout par
le patient. L'ordonnance est le document sur lequel il peut
faire figurer tous ses conseils sur les modalités d'administration
du traitement, sur les mesures d'accompagnement, voire les
événements à surveiller en cours de traitement,
etc.
S'il fait en sorte, notamment grâce à la DCI,
d'être moins préoccupé par les noms de
marque ou les prix des spécialités, le prescripteur
pourra véritablement commenter sa prescription avec
le patient.
Document de communication, l'ordonnance claire et intelligente
n'est ni un simple bon de commande conforme au règlement,
ni un banal outil comptable pour l'assurance maladie.
Rappeler ces principes de base est utile, car à force
de se focaliser sur une réglementation de plus en plus
complexe, d'agir en prestataire de service manipulé
par les firmes pharmaceutiques ou l'assurance maladie, de
consacrer du temps à la technique informatique, et
d'accepter comme guides thérapeutiques des slogans
publicitaires, on en vient à oublier le patient.
La prescription en DCI peut être l'occasion de partager
avec le patient les raisons de la prescription et les éléments
nécessaires au suivi du traitement. Submergé
par de multiples informations de qualité très
variable, le patient aimerait souvent mieux comprendre les
traitements qui lui sont prescrits et dispensés, par
un médecin et un pharmacien dégagés des
influences industrielles.
Il est facile de dire à tous les patients demandeurs
d'information quelle est la DCI de la substance avec laquelle
ils sont traités. Ils peuvent ainsi la repérer
dans d'autres spécialités (de prescription,
de conseil ou d'automédication), et éviter des
prises concomitantes, inutiles voire dangereuses.
Les patients les plus curieux peuvent s'intéresser
aux suffixes qui permettent de reconnaître telle ou
telle famille de médicaments par leur DCI. Ils ne se
contentent plus d'un nom de marque, qui ne transmet qu'un
message insuffisant.
Une information claire des patients qui la souhaitent est
aussi une marque de respect.
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© La revue Prescrire 15 août 2002
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