Revue Prescrire, article en une, Europe et médicament juin 2002
Prescrire     Accueil  
 
Article en Une - Archive
Redresser le cap de la politique du médicament
 
L'Agence européenne du médicament (EMEA), conditionnée par son rattachement à la Direction générale "Entreprises" de la Commission européenne, n'est pas au service de la Santé publique. Elle se comporte essentiellement comme un prestataire administratif au service des firmes pharmaceutiques
Pour en savoir plus
Afin que chacun puisse agir en connaissance de cause, la revue Prescrire publie une série de documents et d'analyses concernant la politique européenne du médicament, c'est-à-dire celle qui prévaut aujourd'hui pour l'essentiel dans tous les pays européens


Le site internet de l'Agence européenne du médicament et la fausse transparence qu'il dégage aujourd'hui (n°228, mai 2002, pages 386-388)

Champ libre (n°229, juin 2002, page 401)

Aujourd'hui, la politique du médicament se conçoit à l'échelon européen (n°229, juin 2002, pages 461-463)

En pratique, la politique du médicament tourne aujourd'hui le dos à la santé publique (n°229, juin 2002, pages 464-466)

Au prochain numéro (juillet 2002) :

Analyse critique des propositions de la Commission européenne

Des réactions, des prises de position et des appels à modifier ces propositions

La réglementation européenne du médicament, échafaudée au cours des décennies 1960 et 1970, a joué un rôle positif considérable, en France et dans bien d'autres pays européens. C'est elle qui a conduit les dirigeants des pays concernés à mettre en place une réelle politique de contrôle et de surveillance des médicaments : au service de la qualité des soins, de la sécurité des malades et de la stimulation d'une concurrence bien orientée entre les industriels.

L'Agence européenne du médicament peu à peu détournée de sa fonction sanitaire
La création d'une Agence européenne du médicament (alias EMEA en anglais) a ensuite répondu aux nécessités justifiées de l'édification européenne. On en attendait un renforcement des moyens et une indépendance, sources de progrès en termes de transparence et d'harmonisation.
Mais au fil des années, de façon insidieuse, par grignotages successifs, l'EMEA a été détournée de sa fonction sanitaire. Le lobbying industriel s'est développé.

L'EMEA est rattachée directement à la Direction générale "Entreprises" de la Commission européenne (et non à celle dite "Santé et Protection des consommateurs"). Son financement est aujourd'hui en majorité et directement d'origine industrielle. La passoire administrative intitulée "autorisations de mise sur le marché par reconnaissance mutuelle" s'est institutionnalisée, en toute opacité. Le système européen de pharmacovigilance ne s'est pas développé autant que prévu initialement, et les actions entreprises dans ce domaine sont restées quasi invisibles.

Seul l'aspect industriel du médicament pris en compte
Toujours plus pressant, le lobby industriel du médicament, relayé voire devancé par la Direction générale "Entreprises" de la Commission européenne, a entrepris de faire évoluer à sa guise la Directive et le Règlement européens sur le médicament à usage humain.

Son objectif est de les transformer en des textes encore plus permissifs pour l'industrie : autorisations de mise sur le marché éternelles, accordées toujours plus rapidement et plus facilement, sans aucune exigence de progrès thérapeutique, et sans évaluation régulière des bénéfices et des risques après commercialisation ; absence d'obligation de transparence sur les motifs des décisions ; aucun travail d'évaluation comparative permettant d'aider à la fixation de prix plus justifiables ; autorisation de la publicité pharmaceutique directe auprès du public, sous couvert "d'information", y compris pour les médicaments de prescription ; etc.

Il n'est pas trop tard pour agir

Pour l'instant, rien n'est définitivement réglé. C'est au Parlement européen et au Conseil des ministres de l'Union européenne qu'il reviendra in fine de décider dans quelques mois. Les citoyens et les professionnels de santé que nous sommes peuvent encore intervenir et faire évoluer les textes.

©La revue Prescrire 15 juin 2002