Revue Prescrire, article en une, Europe et médicament octobre 2003
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Europe et médicament
Halte aux "remèdes secrets"
 
Il faut informer les patients sur la composition des médicaments. Les dénominations communes internationales (DCI) des différentes substances actives doivent figurer sur les boîtes, sur les notices et sur les publicités.
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Europe et médicament : les points-clés de la campagne
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Pendant des siècles, la composition des médicaments est restée secrète : on avalait les Pilules du Docteur X ou la Potion de la Pharmacie Y en sachant simplement qu'elles étaient censées faire du bien au ventre ou à la gorge, mais en ignorant ce qu'elles contenaient et à quelle dose.

Au cours du XXe siècle, dans les différents pays d'Europe, les réglementations ont été renforcées pour que l'étiquetage des médicaments devienne informatif. La même volonté de clarification a eu lieu pour la plupart des biens de consommation, à commencer par les aliments pré-emballés.

Dès lors, les "remèdes secrets" ont été interdits, c'est-à-dire ceux dont l'étiquetage ne mentionne pas la nature des substances actives, ni leur dosage. L'obligation est aussi apparue d'accompagner les médicaments d'une notice comportant ces mêmes mentions, et beaucoup d'autres informations.

Autre étape décisive pour l'information des patients : la création dans les années 1950, par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), du système des dénominations communes internationales (DCI). Ces dénominations, recommandées par l'OMS, permettent de désigner précisément, avec un même mot dans tous les pays du monde, une substance pharmaceutique. Les DCI constituent un langage commun, scientifique, grâce auquel les patients peuvent savoir exactement ce qui leur a été prescrit par le médecin ou conseillé à la pharmacie, ou si deux médicaments aux noms de marque différents contiennent la même substance.

La DCI est logiquement devenue le langage utilisé sur l'étiquetage et sur la notice des médicaments. Pendant plus d'un demi-siècle, on a ainsi disposé en Europe de médicaments accompagnés d'une information précise sur leur composition. L'harmonisation de la réglementation européenne, à partir des années 1970, a confirmé ces règles, assurant ainsi un haut niveau de protection aux consommateurs.

En 2003, la dénomination commune internationale est plus que jamais d'actualité en Europe, notamment à l'heure de l'essor des médicaments génériques. À l'occasion de la révision en cours de la Directive et du Règlement relatifs au médicament, les députés européens ont voté en première lecture des amendements visant à ce que la DCI des substances actives contenues dans un médicament soit systématiquement mentionnée sur les conditionnements, quel que soit le nombre de ces substances.

De manière stupéfiante, ces amendements n'ont pas été retenus dans les textes proposés en deuxième lecture au Parlement. Si la position commune du Conseil était adoptée, les firmes pharmaceutiques auraient le droit de ne pas faire figurer sur l'emballage des médicaments (boîte et notice) la dénomination commune internationale des substances actives présentes dans le médicament dès lors que celui-ci contient plus d'une substance active.

Ainsi, un médicament antihypertenseur qui associe deux substances actives pourrait n'être désigné que par son nom de marque, aussi éloigné soit-il des noms des substances concernées. De même pour un contraceptif associant un estrogène et un progestatif (et pourtant toutes ces substance ne se valent pas en termes de risque), ou encore pour une association de plusieurs vitamines qui peut aussi contenir du fer, du fluor, etc. Bref, on en saurait moins sur une boîte de médicament que sur un paquet de flocons de céréales.

Une telle disposition serait un non-sens. On veut croire qu'il s'agit d'une erreur, qu'il est grand temps de corriger.

Les éléments du conditionnement d'un médicament (boîte et notice) doivent mentionner toutes les substances actives contenues dans le médicament et leur dosage. Il est temps en 2004 de mettre un terme aux "remèdes secrets" du Moyen Âge. Les firmes pharmaceutiques veulent promouvoir leurs marques, mais les patients veulent une information sérieuse sur le contenu de leurs médicaments.

Autre disposition inacceptable : l'absence de DCI sur les publicités de rappel. La proposition actuelle de Directive autorise les firmes à mentionner seulement le nom de marque sur les publicités dites "de rappel " pour les médicaments.

Certes ces publicités visent à marteler le nom de marque jusqu'à ce que le prescripteur, ou les patients s'il s'agit d'automédication, le retiennent et l'utilisent par réflexe. Mais serait-il raisonnable d'accepter qu'ils soient poussés à utiliser un médicament sans même savoir ce qu'il contient ? Il ne s'agit ni d'une savonnette, ni d'une paire de chaussettes. Les publicités de rappel sont déjà légalement dispensées d'un grand nombre de mentions, y compris celles relatives aux dangers du médicament concerné. Il faut qu'elles comportent au moins la dénomination commune internationale de toutes les substances actives contenues dans le médicament.

Non à la publicité pour des "remèdes secrets" en 2004. Les firmes veulent imposer leurs marques. Mais les professionnels de santé et les patients veulent une information sérieuse.

©Le Collectif Europe et Médicament 1er novembre 2003