Il fut un temps
(jusqu'au milieu des années 1980) où le prix des médicaments
remboursables par l'assurance maladie était bas en France,
tout au moins plus bas qu'aux États-Unis d'Amérique,
en Allemagne ou au Japon.
Du point de
vue d'un professionnel de santé, le prix de vente des médicaments
devrait prendre en compte leur coût réel de recherche
et développement, et leur valeur en terme de progrès
thérapeutique.
L'étude
qui a estimé le coût de recherche et développement
des médicaments à 802 millions de dollars présente
de nombreux biais rédhibitoires. Le coût réel
est très certainement inférieur à cette somme.
Le coût
de recherche et développement des médicaments doit
être rapproché du profit des firmes pharmaceutiques,
lequel reste en tête de tous les secteurs industriels.
l De trop nombreux médicaments sont présentés
comme des "innovations" majeures, et facturés à
prix fort, sans même avoir été comparés
aux médicaments de référence déjà
disponibles pour traiter la même maladie.
En France et
ailleurs, les pouvoirs publics ne pourront encourager les vrais
progrès thérapeutiques qu'en exigeant ou en finançant
eux-mêmes des essais comparatifs pertinents.
La liberté
des prix de vente des médicaments entraîne un désintérêt
de plus en plus grand des firmes pour les marchés moins profitables
(maladies négligées des pays démunis notamment).
Le prix de vente
élevé des nouveaux médicaments résulte
du rapport de force qui penche de plus en plus en faveur des firmes,
en conséquence de la mondialisation du marché pharmaceutique,
et du "profil bas" adopté par les agences de régulation
du médicament.
La politique
pharmaceutique soutenue par les instances européennes est
surtout pro-industrielle, insuffisamment motivée par la santé
publique.
En France, le
prix de vente des médicaments est de moins en moins "contrôlé".
Il a d'ailleurs rejoint la moyenne européenne, avec des volumes
de consommation toujours très élevés.
La France est
le pays riche qui consomme la plus grande partie de sa richesse
en médicaments.
Le "contrôle"
des prix de vente ne permet pas de maîtriser l'évolution
des dépenses pharmaceutiques en France, car la pression commerciale
des firmes pousse les médecins à prescrire les médicaments
les plus chers.
En plus d'octroyer
des prix de vente élevés aux nouveaux médicaments,
les pouvoirs publics français ont gaspillé de nombreuses
autres occasions de maîtriser la facture pharmaceutique nationale.
Les firmes pharmaceutiques
ont détourné pendant plus de 10 ans le mécanisme
français de rétrocession des médicaments aux
patients ambulatoires par les hôpitaux, pour étendre
de fait, à la "ville", la liberté du prix
de vente des médicaments en vigueur à l'hôpital.
Les vagues de
déremboursements de médicaments à efficacité
non démontrée, annoncées pendant plusieurs
années en France, ont été revues nettement
à la baisse et ont eu peu d'effets.
La politique
française des médicaments génériques
est marquée par de nombreuses incohérences qui en
limitent fortement la portée. La prescription en dénomination
commune internationale (DCI) devrait être beaucoup plus encouragée.
La folle envolée
mondiale du prix de vente des médicaments est pour beaucoup
une conséquence de la logique boursière des firmes
pharmaceutiques.
Les firmes pharmaceutiques
présentent habituellement les États-Unis d'Amérique
comme le pays idéal, où elles menacent de se replier
en cas de décisions politiques jugées défavorables
en France ou en Europe.
Pourtant le
problème du prix de vente des médicaments n'a jamais
été autant débattu aux États-Unis même.
Le prix des nouveaux médicaments y est de plus en plus contesté
aux plans économique et social.
Les firmes pharmaceutiques
essaient de faire croire aux patients des États-Unis qu'ils
paient leurs médicaments plus cher parce que les autres pays
fixent des prix trop bas qui ne permettent pas de couvrir les coûts
de recherche et développement. Elles entretiennent le mythe
d'une recherche et développement trop exclusivement financée
par les États-Unis, dont les autres pays profiteraient en
"passagers clandestins". Cette assertion n'est pas démontrée.
L'exemple des
États-Unis montre que les prix élevés de vente
des médicaments ne sont pas une fatalité, mais que
ceux-ci sont le reflet de choix politiques, réformables par
définition.
© La revue Prescrire 1er décembre
2004
Rev Prescrire 2004 ; 24 (256 suppl.) : 945.
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