Revue Prescrire, article en une, Prix des médicaments : la folle envolée, Points-clés décembre 2004
Prescrire     Accueil  
 
Article en Une - Archive
Prix des médicaments : la folle envolée
Points-clés

Il fut un temps (jusqu'au milieu des années 1980) où le prix des médicaments remboursables par l'assurance maladie était bas en France, tout au moins plus bas qu'aux États-Unis d'Amérique, en Allemagne ou au Japon.

Du point de vue d'un professionnel de santé, le prix de vente des médicaments devrait prendre en compte leur coût réel de recherche et développement, et leur valeur en terme de progrès thérapeutique.

L'étude qui a estimé le coût de recherche et développement des médicaments à 802 millions de dollars présente de nombreux biais rédhibitoires. Le coût réel est très certainement inférieur à cette somme.

Le coût de recherche et développement des médicaments doit être rapproché du profit des firmes pharmaceutiques, lequel reste en tête de tous les secteurs industriels.
l De trop nombreux médicaments sont présentés comme des "innovations" majeures, et facturés à prix fort, sans même avoir été comparés aux médicaments de référence déjà disponibles pour traiter la même maladie.

En France et ailleurs, les pouvoirs publics ne pourront encourager les vrais progrès thérapeutiques qu'en exigeant ou en finançant eux-mêmes des essais comparatifs pertinents.

La liberté des prix de vente des médicaments entraîne un désintérêt de plus en plus grand des firmes pour les marchés moins profitables (maladies négligées des pays démunis notamment).

Le prix de vente élevé des nouveaux médicaments résulte du rapport de force qui penche de plus en plus en faveur des firmes, en conséquence de la mondialisation du marché pharmaceutique, et du "profil bas" adopté par les agences de régulation du médicament.

La politique pharmaceutique soutenue par les instances européennes est surtout pro-industrielle, insuffisamment motivée par la santé publique.

En France, le prix de vente des médicaments est de moins en moins "contrôlé". Il a d'ailleurs rejoint la moyenne européenne, avec des volumes de consommation toujours très élevés.

La France est le pays riche qui consomme la plus grande partie de sa richesse en médicaments.

Le "contrôle" des prix de vente ne permet pas de maîtriser l'évolution des dépenses pharmaceutiques en France, car la pression commerciale des firmes pousse les médecins à prescrire les médicaments les plus chers.

En plus d'octroyer des prix de vente élevés aux nouveaux médicaments, les pouvoirs publics français ont gaspillé de nombreuses autres occasions de maîtriser la facture pharmaceutique nationale.

Les firmes pharmaceutiques ont détourné pendant plus de 10 ans le mécanisme français de rétrocession des médicaments aux patients ambulatoires par les hôpitaux, pour étendre de fait, à la "ville", la liberté du prix de vente des médicaments en vigueur à l'hôpital.

Les vagues de déremboursements de médicaments à efficacité non démontrée, annoncées pendant plusieurs années en France, ont été revues nettement à la baisse et ont eu peu d'effets.

La politique française des médicaments génériques est marquée par de nombreuses incohérences qui en limitent fortement la portée. La prescription en dénomination commune internationale (DCI) devrait être beaucoup plus encouragée.

La folle envolée mondiale du prix de vente des médicaments est pour beaucoup une conséquence de la logique boursière des firmes pharmaceutiques.

Les firmes pharmaceutiques présentent habituellement les États-Unis d'Amérique comme le pays idéal, où elles menacent de se replier en cas de décisions politiques jugées défavorables en France ou en Europe.

Pourtant le problème du prix de vente des médicaments n'a jamais été autant débattu aux États-Unis même. Le prix des nouveaux médicaments y est de plus en plus contesté aux plans économique et social.

Les firmes pharmaceutiques essaient de faire croire aux patients des États-Unis qu'ils paient leurs médicaments plus cher parce que les autres pays fixent des prix trop bas qui ne permettent pas de couvrir les coûts de recherche et développement. Elles entretiennent le mythe d'une recherche et développement trop exclusivement financée par les États-Unis, dont les autres pays profiteraient en "passagers clandestins". Cette assertion n'est pas démontrée.

L'exemple des États-Unis montre que les prix élevés de vente des médicaments ne sont pas une fatalité, mais que ceux-ci sont le reflet de choix politiques, réformables par définition.

© La revue Prescrire 1er décembre 2004
Rev Prescrire 2004 ; 24 (256 suppl.) : 945.