Médicaments à écarter des soins : la sécurisation du marché est trop lente

La 5e édition du bilan annuel "Pour mieux soigner : des médicaments à écarter" est l'occasion de faire un point sur les décisions des autorités et des firmes mettant en France les patients à l'abri de ces médicaments.

Diversité. Les autorités peuvent décider le retrait ou la suspension d'autorisation de mise sur le marché (AMM), ou des baisses du taux de remboursement par l'assurance maladie obligatoire, jusqu'au déremboursement. Les firmes peuvent décider l'arrêt de commercialisation.

L'inventaire de la période 2013-2016 montre des combinaisons variées de ces possibilités, portant chacune sur quelques médicaments seulement. En voici un aperçu.

Une dizaine de suspensions ou retraits d'AMM, et des insuffisances. Parmi la centaine de substances recensées par les 5 bilans Prescrire sur cette période, seulement une dizaine ont fait l'objet de suspension ou de retrait d'AMM des médicaments en contenant, par l'Agence française des produits de santé (ANSM), beaucoup plus souvent que par l'Agence européenne du médicament.

Des suspensions ont été décidées en 2013, toutes de médicaments anciens : à base de méprobamate (n° 364 p. 135) ; et 5 médicaments dérivés de l'ergot de seigle (n° 364 p. 100).

L'AMM concernant l'indoramine (ex-Vidora°) a été retirée en 2013, 28 ans après son octroi (n° 356 p. 428) (1). L'AMM concernant la floctafénine (ex-Idarac°) a été abrogée en 2015, 40 ans après son octroi (n° 321 p. 498 ; n° 784 p. 746) (1,2).

L'AMM du dosage à 20 mg de la dompéridone a été retirée en 2014, après des années de procédures (n° 391 p. 353). Mais le dosage à 10 mg, autorisé en France depuis 1980, reste sur le marché (1).

Quelques arrêts de commercialisation. Praxinor°, associant théodrénaline + cafédrine, et le nimésulide ne sont plus commercialisés depuis 2013 (n° 364 p. 101 et 108). Idem en 2014 pour Hexaquine° suppositoires à base de quinine dans les crampes (n° 377 p. 189). Leurs AMM françaises sont de ce fait devenues caduques (1).

Quinine vitamine C Grand° (n° 400 p. 104) n'est plus commercialisé depuis 2014, mais son AMM française de 1997 reste valide, et d'autres médicaments à base de quinine orale dans les crampes restent disponibles.

En 2016, la firme ayant renoncé à commercialiser la pégloticase (ex-Krystexxa°), l' AMM européenne de 2013 a été retirée (n° 398 p. 903).

Le fer dextran (Ferrisat°) n'est plus commercialisé en France depuis 2015 (n° 349 p. 819 ; n° 365 p. 182-183). L'AMM européenne de 2007 reste valide (1). Idem pour l'asénapine (Sycrest°), un neuroleptique autorisé en 2010 (n° 388 p. 107) (1).

Quelques déremboursements lents, parfois contestés, ou partiels. La radiation de la liste des spécialités remboursables, c'est-à-dire le déremboursement, est un pis-aller face au maintien d'une AMM, notamment européenne, pour réduire le nombre de patients exposés. Des spécialités, y compris des copies, à base de trimétazidine, "déremboursées" en 2012, restent disponibles début 2017, ce qui suggère des ventes encore notables (n° 342 p. 260). Le ranélate de strontium "déremboursé" en 2015 reste disponible début 2017 (n° 377 p. 181).

Des firmes ont contesté en justice certains déremboursements. Ainsi en ce qui concerne le kétoprofène en gel (n° 317 p. 186), la diacéréine, la glucosamine, l'olmésartan (n° 395 p. 662 ; n° 380 p. 420). La ministre de la santé a demandé un « protocole de soins » avant tout déremboursement des 4 médicaments de la maladie d'Alzheimer (n° 398 p. 904) (3).

Parfois le déremboursement est combiné à la baisse du taux de remboursement selon les indications figurant dans l'AMM, comme en 2014 avec le tacrolimus dermique, muni d'une AMM européenne depuis 2002 : baisse de remboursement chez les adultes et déremboursement chez les enfants (n° 245 p. 805-809, n° 367 p. 343).

Parfois il n'y a que baisse à 15 %, comme en 2016 pour l'agomélatine, autorisée depuis 2009 (n° 397 p. 818).

Le mifamurtide et le vernakalant, munis d'une AMM européenne depuis des années, ne sont pas en vente en France, peut-être du fait d'un avis de la Commission de la transparence défavorable à leur prise en charge par l'assurance maladie obligatoire (lire l'encadré "Actualisations 2017 dans le bilan des médicaments à écarter").

En somme : ne pas attendre les firmes ni les autorités. Sur la période 2013-2016, l'action des autorités et des firmes pour écarter des soins les médicaments plus dangereux qu'utiles a été lente et parcellaire, en particulier au niveau européen.

Patients et soignants ont intérêt à prendre l'initiative, sans attendre.

©Prescrire

bibliographie

1- ANSM "Répertoire des spécialités pharmaceutiques". Site internet http://agence-prd.ansm.sante.fr/php/ecodex/ consulté le 6 janvier 2017.

2- HAS - Commission de la transparence "Avis-Idarac" 15 novembre 2006.

3- Agence France Presse "Médicaments anti-Alzheimer : Touraine écarte le "déremboursement"" 26 octobre 2016. Site www.leparisien.fr consulté le 6 janvier 2017 : 3 pages.