Résumé
Depuis 2014, Prescrire propose Médicaments en Questions, un programme en ligne d'amélioration des pratiques professionnelles. L'objectif est d'aider les soignants à mieux prendre en compte dans leur pratique les effets indésirables des médicaments et à mieux y faire face, pour les réduire.
Ce programme est basé sur une démarche réflexive : décrire, analyser, comparer sa pratique ; actualiser et approfondir ses connaissances ; échanger avec d'autres soignants.
Les résultats de la session 2016-2017 sont encourageants et confortent ceux des sessions précédentes : effets indésirables mieux pris en compte, plusieurs médicaments à balance bénéfices-risques défavorable écartés, nombreuses notifications au système public de pharmacovigilance.
Les effets indésirables des médicaments font de nombreuses victimes tous les jours. En France, au début des années 2010, le nombre de morts causées par les médicaments a été estimé à environ 20 000 par an (1). De très nombreux médicaments sont impliqués.
Les soignants rencontrent parfois des difficultés à prendre pleinement en compte les effets indésirables des médicaments dans leur pratique. Beaucoup de causes peuvent expliquer cela : formation insuffisante en pharmacologie ; idée reçue selon laquelle les effets indésirables seraient une fatalité inéluctable ; difficultés à analyser les faits pour discerner chaque facteur de survenue ; etc. (2).
Face à ce constat, depuis 2014, Prescrire propose aux abonnés le programme d'amélioration des pratiques professionnelles Médicaments en Questions. Ce programme en ligne vise à aider les professionnels de santé à mieux prendre en compte les effets indésirables des médicaments et à mieux y faire face, dans le but de contribuer à les réduire. Il s'adresse principalement aux infirmiers, médecins et pharmaciens, en ville ou en établissements de soins.
Médicaments en Questions est organisé en sessions annuelles successives (de novembre à octobre de l'année suivante). Quels sont les modalités et l'intérêt de ce programme ? Quels sont les points forts issus de la session 2016-2017 ?
Améliorer sa pratique : une démarche réflexive
Le programme Médicaments en Questions propose notamment de :
mieux prendre en compte les risques d'effets indésirables, et plus généralement la balance bénéfices-risques, dans le choix d'un médicament ;
penser plus systématiquement au rôle éventuel d'un médicament dans la survenue d'un trouble de santé chez un patient ;
réfléchir aux diverses options en cas de survenue d'un effet indésirable ;
écarter les médicaments dont la balance bénéfices-risques est défavorable quelle que soit la situation clinique ;
être plus à l'aise avec la notification des effets indésirables au système public de pharmacovigilance, et plus généralement mieux tirer parti des échanges avec les spécialistes de la pharmacovigilance ;
mieux échanger avec les patients et les autres soignants au sujet des effets indésirables.
Décrire, analyser, comparer sa pratique
Dans le programme Médicaments en Questions, l'analyse de sa propre pratique constitue un support de réflexion tout au long de la session.
Sur le site internet du programme, chaque participant enregistre au moyen de grilles de questions :
des observations concernant des patients ayant un trouble de santé vraisemblablement lié à un médicament ;
des observations concernant des patients exposés à un médicament qu'il vaut mieux écarter du fait de sa balance bénéfices-risques défavorable dans toutes les situations de soins.
En outre, chaque participant notifie au système public de pharmacovigilance au moins un effet indésirable observé.
Chaque mois, les participants reçoivent un retour d'information issu de l'analyse globale et anonyme des observations renseignées par l'ensemble du groupe, mettant en lumière un point particulier. Ces retours d'information permettent à chacun de s'interroger sur sa propre pratique, et éventuellement de la comparer à celle de l'ensemble du groupe des participants.
Actualiser et approfondir ses connaissances
La lecture régulière de Prescrire permet d'actualiser les connaissances à intégrer à sa pratique. Et le Test de Lecture mensuel aide à mieux les mémoriser.
Échanger avec d'autres soignants
L'Atelier, un forum de discussion en ligne entre participants, leur permet de partager des réflexions issues de l'analyse de leur pratique, identifier des obstacles, proposer et construire ensemble des pistes d'amélioration.
Session 2016-2017 : des améliorations concrètes des pratiques
À la fin de chaque session, un bilan est adressé aux participants. Voici quelques points forts de ce bilan et de l'enquête de fin de session 2016-2017 (a)(3).
Meilleure prise en compte des effets indésirables, qui amène souvent à des changements bénéfiques pour le patient
Parmi les situations rapportées, la survenue d'un effet indésirable chez un patient a souvent conduit à des changements bénéfiques dans le traitement médicamenteux de ce patient.
Pour 137 patients, le traitement médicamenteux a été allégé : le médicament en cause a été arrêté, sans nécessité de le remplacer par un autre médicament. Les médicaments le plus souvent arrêtés sans remplacement ont été le tramadol (un antalgique opioïde) et des statines.
Pour 134 autres patients, le médicament en cause a été remplacé par le médicament de référence dans cette situation. Les médicaments le plus souvent remplacés ont été le tramadol, l'atorvastatine, la venlafaxine (un antidépresseur) et le ramipril (un hypotenseur inhibiteur de l'enzyme de conversion).
Moins de patients exposés aux effets nocifs de médicaments à balance bénéfices-risques défavorable
D'après les formulaires renseignés au cours de la session, près de 300 patients n'ont plus été exposés aux effets nocifs de médicaments à balance bénéfices-risques défavorable dans toutes les situations pour lesquelles ils sont autorisés (médicaments regroupés dans le bilan annuel publié par Prescrire depuis 2013) (4). Ce chiffre est en nette augmentation depuis le début du programme (environ 200 en 2014-2015).
Les 10 médicaments le plus souvent écartés au cours de cette session ont été, par ordre décroissant : l'escitalopram (un antidépresseur inhibiteur dit sélectif de la recapture de la sérotonine (IRS)), l'olmésartan (un hypotenseur antagoniste de l'angiotensine II), la dompéridone (un neuroleptique utilisé comme anti-émétique), la sitagliptine (un hypoglycémiant), le nicorandil (un vasodilatateur utilisé comme antiangoreux), le fénofibrate (un hypocholestérolémiant), l'ambroxol (un mucolytique), le citalopram (un IRS), la pseudoéphédrine (un vasoconstricteur nasal), l'association colchicine + opium + tiémonium (utilisée dans la goutte).
Notifications au système public de pharmacovigilance encouragées
Notifier les effets indésirables des médicaments au système public de pharmacovigilance permet de contribuer à des soins plus sûrs et à une meilleure connaissance collective des médicaments.
Au cours de la session, les participants ont déclaré avoir notifié environ 300 effets indésirables au système public de pharmacovigilance français.
Dans l'Atelier, des participants ont partagé les retours qu'ils avaient reçus des centres régionaux de pharmacovigilance suite à leurs notifications, faisant ainsi profiter l'ensemble du groupe de ce matériau souvent riche.
Des participants satisfaits
Selon les résultats de l'enquête, le programme Médicaments en Questions a répondu aux attentes de 92 % des répondants en termes d'amélioration des pratiques professionnelles. Cette proportion est en progression depuis le début du programme (83 % en 2014-2015, 86 % en 2015-2016).
Près de 86 % des répondants estiment avoir atteint l'objectif du programme "Réduire les effets nocifs des traitements médicamenteux". Les aspects de la pratique les plus améliorés par la participation au programme ont été : "Renforcer sa vigilance vis-à-vis des médicaments à écarter des soins quelle que soit la situation" (68 % des répondants) ; "Évoquer de manière plus systématique une cause médicamenteuse en cas de trouble observé chez un patient" (59 %) ; "S'enquérir de manière plus systématique de la bonne tolérance du patient au traitement médicamenteux" (55 %).
Une démarche d'amélioration des pratiques confortée par les résultats
Les informations issues de la session 2016-2017 de Médicaments en Questions confortent celles des sessions précédentes et sont en faveur de l'efficacité d'une démarche active pour mieux prendre en compte, en pratique, les effets indésirables des médicaments.
Cette démarche active s'inscrit sur le long terme et s'intègre pleinement à la pratique quotidienne. Les participants à Médicaments en Questions l'ont bien compris : environ 80 % des soignants inscrits à la session 2017-2018 participent au moins pour la deuxième fois à une session.
Notes
a- Les points-clés des résultats des enquêtes des différentes sessions de Médicaments en Questions sont à retrouver à l'adresse http://formations.prescrire.org/Fr/21/555/0/5209/About.aspx.