L'anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) diclofénac (Voltarène° ou autre) est commercialisé en France depuis 1980. Pendant de nombreuses années, ce médicament a été considéré comme une option valable parmi les AINS, et l'utiliser est devenu une habitude.
Au fil du temps, comme pour tout médicament, les connaissances sur les effets indésirables du diclofénac se sont étoffées. Depuis le début des années 2010, l'analyse de centaines d'essais cliniques et des études épidémiologiques portant sur des centaines de milliers de patients ont montré, avec le diclofénac, une augmentation des effets indésirables cardiovasculaires graves, tels que les infarctus du myocarde. La fréquence de ces effets indésirables est voisine de celle observée avec les coxibs, et supérieure à celle observée avec d'autres AINS, le naproxène et l'ibuprofène à dose modérée (lire dans le numéro 384 p. 748-750 et lire aussi "Diclofénac : risque cardiovasculaire plus grand qu'avec l'ibuprofène ou le naproxène"). Ce surcroît de risque est avéré dès les premières semaines de traitement. Et sans contrepartie, ni de meilleure efficacité ni de moindre danger par ailleurs.
Ce constat est largement partagé, y compris par l'Agence européenne du médicament (EMA).
Mais, comme souvent avec les effets indésirables des médicaments, la transformation des nouvelles connaissances en décisions de soins est lente. Les années passent, et le diclofénac reste autorisé à la vente, pris en charge par l'assurance maladie, et couramment utilisé. Ainsi, en 2018, l'assurance maladie française a remboursé environ 5,5 millions de boîtes de diclofénac pour prise orale.
Régulièrement, on constate l'inertie des institutions quand un médicament banal s'avère plus dangereux qu'utile.
Mais les patients et les professionnels qui les soignent peuvent dépasser cette inertie. C'est d'autant plus facile quand ces professionnels ont installé d'emblée avec les patients la notion qu'il n'y a pas de traitement "à vie", et que les choix thérapeutiques sont à réviser en fonction de l'évolution des données déterminantes : l'évolution du patient, et l'évolution des connaissances tant sur la maladie que sur les traitements. Sans attendre ni se laisser freiner par la lenteur des institutions.
Se laisser mener par l'habitude est parfois reposant, mais en matière de médicament, l'habitude est souvent mauvaise conseillère.
Sauf l'habitude (forte) qui consiste à partager avec les patients les nouvelles connaissances, y compris celles qui fondent la décision d'écarter un médicament jusqu'alors conseillé. Des informations pour le faire sont dans Prescrire.