Prescrire s'intéresse depuis longtemps aux conséquences d'une exposition aux médicaments pendant la grossesse, pour la femme et pour l'enfant qu'elle porte. En envisageant la situation de la femme qui ignore encore qu'elle est enceinte ; et en prenant en compte les conséquences à long terme, notamment sur le développement de l'enfant.
Certaines substances affectent directement l'enfant : on parle alors d'effets tératogènes pour celles exposant à des atteintes morphologiques quand elles sont administrées lors du premier trimestre de la grossesse, et d'effets fœtotoxiques pour celles exposant à des atteintes fonctionnelles des organes quand elles sont administrées lors du deuxième ou du troisième trimestre.
Réfléchir aux conséquences d'une exposition médicamenteuse au cours de la grossesse implique de prendre en compte aussi l'organe, dédié et momentané, indispensable au maintien de la grossesse et au bon développement de l'enfant dans le ventre de sa mère : le placenta. Dans ce numéro, lire aussi "Médicaments qui interfèrent avec le placenta et affectent le fœtus", Prescrire publie une synthèse sur les médicaments qui interfèrent directement avec le placenta, ou qui perturbent son développement ou son fonctionnement, et qui exposent à des conséquences cliniques parfois graves (avortements spontanés, hypotrophies fœtales, prématurités, morts fœtales, complications obstétricales). Il s'agit d'un domaine peu étudié, dont on parle peu, et pour lequel il n'est pas possible de baser des décisions de soins sur des données solides. Partant de ce constat et face aux nombreuses inconnues, il est important de comprendre et de raisonner, même avec peu d'éléments.
S'appuyer sur la connaissance pharmacologique d'une substance contribue à prévoir l'impact de son utilisation chez une femme enceinte, quel que soit le trimestre de la grossesse. Par exemple, défauts d'implantation de l'embryon et risques d'avortement spontané avec des inhibiteurs de la synthèse des prostaglandines, tels que les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ; réductions de la perfusion placentaire et infarctus placentaires, hypertensions artérielles gravidiques ou morts fœtales avec des médicaments vasoconstricteurs tels que les triptans, les antimigraineux anti-CGRP comme l'érénumab ou de "simples" décongestionnants nasaux ; etc.
S'approprier quelques éléments pharmacologiques de compréhension et de raisonnement permet de ne pas "toucher" inutilement au placenta et d'éviter de nuire à des femmes enceintes et aux enfants qu'elles portent.