L'étifoxine (Stresam°) est un psychotrope autorisé en France comme anxiolytique. L'étifoxine n'a pas d'efficacité démontrée au-delà de celle d'un placebo, alors qu'elle expose à des effets indésirables graves, telles des hépatites et des réactions d'hypersensibilité. En 2019, l'Agence française du médicament (ANSM) a conclu à une balance bénéfices-risques défavorable de l'étifoxine, puis demandé la réévaluation européenne de ce médicament. La spécialité Stresam° n'est plus remboursable par la Sécurité sociale depuis fin 2021.
Début 2022, la Commission européenne a décidé, sur avis de la Commission d'autorisation de mise sur le marché (CHMP) de l'Agence européenne du médicament (EMA), que l'étifoxine peut continuer à être autorisée dans les troubles anxieux, moyennant de simples modifications de ses informations officielles : ajouts de contre-indications et de mises en garde dans la notice. Et sous réserve que la firme fournisse les résultats d'un essai clinique supplémentaire « bien conçu et suffisamment puissant » d'ici... mars 2027.
Côté efficacité, le CHMP a en effet pointé les insuffisances des essais cliniques menés avec l'étifoxine avant sa commercialisation, mais en conclut de manière étonnante que « les résultats ne sont pas considérés comme suffisamment solides pour établir que l'étifoxine manquait d'efficacité». Les firmes n'ont donc pas à démontrer que leur médicament est efficace pour qu'il soit maintenu sur le marché. Il suffit que le CHMP ne soit pas sûr de l'inefficacité du médicament. Et les risques avérés d'atteintes hépatiques et de réactions d'hypersensibilité graves, reconnus par le CHMP, ne changent pas la donne. Autrement dit, un médicament qui n'a pas d'efficacité prouvée mais dont les risques sont avérés reste sur le marché.
Depuis très longtemps, les soignants sont invités à « d'abord ne pas nuire au patient ». En 2022, les autorités européennes du médicament, elles, préfèrent d'abord ne pas nuire aux firmes.
©Prescrire 1er août 2022
• Texte complet :
"Étifoxine : un maintien sur le marché injustifié" Rev Prescrire 2022 ; 42 (466) : 586-587. Réservé aux abonnés.