Le poids des preuves

Dans le domaine des soins, comment évaluer un progrès, sinon en cherchant les preuves de meilleure efficacité, de moindres effets indésirables ou de meilleure praticité ?

Quand on est face à des preuves, quel poids leur accorder ? Et à partir de quel niveau ces preuves suffisent-elles à étayer la décision de celui qui évalue le progrès ?

La décision peut-elle être emportée par le simple avis d'une personne, fût-elle experte du sujet ? Par un argument d'autorité ? Ou ne doit-on pas préférer des preuves qui ont plus de poids ?

Depuis la fin du vingtième siècle, dans le domaine des soins, le poids des preuves est souvent coté par grades : il est habituel de considérer que les essais cliniques comparatifs, randomisés, en double aveugle, et bien menés, apportent les preuves qui ont le plus de poids. Beaucoup plus de poids qu'un argument d'autorité, et aussi plus de poids que d'autres types d'études. Par exemple, celles dites de cohortes où l'on dénombre des événements dans des groupes de personnes trop différents pour avoir la certitude que seul le traitement évalué explique une différence observée.

Pour autant, le poids d'un seul essai comparatif est-il toujours suffisant pour faire pencher la balance et emporter la décision de celui qui évalue le progrès ?

Dans le domaine du médicament, il est courant de voir des autorisations de mise sur le marché (AMM) accordées sur la base d'un seul essai, souvent en comparaison à un placebo alors que d'autres options thérapeutiques existent. Preuve jugée suffisante par certaines agences du médicament pour accorder une AMM. Mais preuve souvent de trop faible poids pour conclure à un progrès thérapeutique tangible.

C'est en pondérant l'ensemble des données, sans parti pris et en toute liberté d'esprit, au fil du temps, que Prescrire prend en compte des faisceaux de preuves concordants. Y compris des preuves considérées de moindre poids, quand la "somme" de leurs poids pèse plus que celui d'un essai comparatif. Par exemple, des preuves apportées par des cohortes de plusieurs dizaines de milliers de patients ont conduit Prescrire à nuancer ses propositions sur la place de certains anticoagulants chez des patients qui ont une fibrillation auriculaire (lire aussi "Anticoagulant oral dans la fibrillation auriculaire").

Car, quand on s'intéresse de près aux effets indésirables des médicaments et pas seulement à leur efficacité, les essais randomisés ne sont pas toujours la source de données la plus pertinente. Des preuves considérées de moindre poids quand il s'agit d'évaluer l'efficacité sont parfois davantage à prendre en compte, et suffisantes pour d'abord ne pas nuire.

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