Pour les soignants, il s'agit parfois d'aller au plus vite, quand il y a urgence. La rapidité est alors une qualité nécessaire, au même titre que la compétence et l'efficience de l'organisation collective.
La recherche médicale, l'évaluation des pratiques et des produits de santé, nécessitent un temps bien plus long que celui de l'urgence des soins. La tendance des dernières années à raccourcir le temps de l'évaluation des médicaments, au motif d'une urgence de l'accès aux nouveaux médicaments, s'est accentuée avec la pandémie de covid-19, révélant de nombreux enjeux éloignés des soins. Ainsi le vaccin russe semble porter, sous son nom de Spoutnik V, la volonté d'un président de mettre en avant son pays. Outre-Atlantique, le président des États-Unis d'Amérique a régulièrement enjoint à l'Agence du médicament de son pays d'autoriser en urgence divers traitements de la maladie covid-19, sans tenir compte des données d'évaluation, dans un but apparemment surtout électoraliste.
La firme Gilead est allée vite pour être la première firme à obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM) d'un antiviral dans cette maladie, avec le remdésivir (Veklury°). L'Agence européenne du médicament (EMA) a donné de manière précipitée un avis favorable à l'octroi d'une AMM pour ce médicament, sur la base de données cliniques très limitées, après que la FDA en a autorisé l'utilisation en urgence.
Le 13 juillet 2020, soit quelques jours après l'octroi de cette AMM européenne en juillet dernier, Prescrire a publié dans l'espace "Dans l'actualité" de l'Application Prescrire et sur son site internet une analyse concise des données d'évaluation clinique alors disponibles sur le remdésivir, pour fournir des repères immédiats utiles aux soignants. Cela leur a permis de constater le peu de résultats démontrés et concrets pour les patients. Par ce canal d'informations, les soignants ont aussi été informés, à plusieurs reprises à partir de mars 2020, de l'absence de preuve de l'efficacité de l'hydroxychloroquine (Plaquénil°), associée ou non, quel que soit le stade de la maladie covid-19 (lire aussi "Dans l'actualité. Covid-19 et hydroxychloroquine (Plaquénil°) : pas d'efficacité démontrée, y compris dans les formes sans gravité" du 24 juillet 2020). Et aussi de l'intérêt de la dexaméthasone (Dectancyl° ou autre) pour certains patients (lire aussi "Dans l'actualité. Covid-19 et troubles respiratoires graves : dans un essai, mortalité réduite par la dexaméthasone" du 24 juin 2020), et de la place de l'anticoagulation (lire aussi "Dans l'actualité. Patients atteints de covid-19 restant à domicile : anticoagulant rarement justifié" du 24 septembre 2020).
Prescrire a en plus mené en parallèle un travail de fond selon ses méthodes habituelles et rigoureuses d'analyse approfondie des données d'évaluation du remdésivir (lire aussi "remdésivir (Veklury°) et covid-19").
En deux temps, Prescrire poursuit ainsi sa mission. Pour permettre aux soignants de disposer de repères rapides distinguant faits, hypothèses et opinions. Et pour aider à faire des choix documentés et raisonnés, sans céder aux espoirs infondés. Sans confondre urgence et précipitation.