En 1995, la création de l'Agence européenne du médicament (EMA) a représenté une avancée par rapport aux pratiques de l'Agence française du médicament à cette époque. Ainsi, la mise en ligne par l'EMA d'informations sur l'évaluation des médicaments, avec notamment ses Rapports publics d'évaluation, a été un progrès important dans la transparence sur les données détenues par l'Agence.
Depuis, au fil des années, la transparence de l'EMA a connu des hauts et des bas (lire aussi "Agence européenne du médicament : une politique de transparence gâchée par trop de dysfonctionnements"). Des textes fondamentaux de l'Union européenne garantissent pourtant la transparence des activités et décisions des instances européennes. L'EMA, dans l'ensemble, a progressé depuis sa création grâce aux actions exercées par le Médiateur européen, le Parlement européen, des chercheurs et la société civile dont Prescrire. Mais elle continue en 2022 de mettre des obstacles à la transparence. Ainsi, au cours des dernières années, nos demandes d'accès à des documents détenus par l'EMA se sont heurtées à de nouvelles procédures organisant une véritable rétention d'informations, avec des délais de réponse de plusieurs mois. Et avec une pratique de caviardage d'informations importantes, notamment sur des données cliniques, au motif que les firmes considèrent que leur divulgation entraverait leurs intérêts commerciaux.
Que les firmes considèrent comme commercialement sensibles des données qui montrent les limites de leurs médicaments, c'est une chose. Mais que l'EMA organise la dissimulation de ces données par les firmes, c'est autre chose – qui n'est pas acceptable.
La transparence n'est pas un concept à la mode ni une fin en soi. Dans le domaine du médicament, c'est une condition pour mieux soigner les patients, avec davantage de sécurité. Il n'y a aucune raison valable pour cacher des informations sur les essais cliniques, leur méthodologie ou leurs résultats, ou les données d'évaluation post-autorisation de mise sur le marché, particulièrement sur les effets indésirables.
Peut-être certaines personnes au sein de l'EMA ne sont-elles pas satisfaites de cette situation ? Ou sont fatalistes sur les rapports de force ? Ou estiment que le fonctionnement de l'Agence est un compromis acceptable entre différentes législations ? Mais on ne les entend pas s'exprimer et leurs avis ne se ressentent pas dans les pratiques de l'EMA. Quoi qu'il en soit, notre bilan sur la transparence de l'EMA, encore très insatisfaisante, est destiné aussi à alerter les décideurs politiques et les acteurs juridiques (comme le Médiateur) susceptibles de faire évoluer les règles de fonctionnement de l'Agence.
Pour qu'enfin l'EMA dissipe toute opacité et divulgue toutes les informations nécessaires aux soins et à la sécurité des patients.