Éthique négligée

La bilastine (Bilaska°), un antihistaminique H1, a été autorisée chez les enfants atteints d'une rhinoconjonctivite allergique ou d'une urticaire, par extrapolation des données recueillies chez des adultes. Son dossier comporte cependant un essai versus placebo, dont l'objectif principal était d'évaluer les effets indésirables (lire aussi "bilastine (Bilaska°) et rhinoconjonctivite allergique ou urticaire à partir de l'âge de 6 ans"). On savait déjà que chez les adultes et les adolescents, la bilastine n'est ni plus efficace ni mieux supportée que d'autres antihistaminiques H1.

Des parents ont pourtant été sollicités pour que leur enfant participe à cet essai. Pourquoi ? On n'est pas démuni en antihistaminiques H1 chez les enfants. La bilastine pourrait-elle avoir une meilleure balance bénéfices-risques ? C'est peu probable, et comment le savoir si on ne la compare pas à un autre médicament ?

La déclaration d'Helsinki, texte fondateur des législations destinées à protéger les personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales, précise que des mineurs ne doivent pas être inclus dans une étude n'ayant aucune chance d'être bénéfique pour eux ou pour le groupe qu'ils représentent (lire n° 298 p. 570-573). Et de façon générale, le comparateur doit être une des « meilleures méthodes diagnostiques, thérapeutiques ou de prévention en usage », ce qui n'est pas le cas d'un placebo chez des patients gênés par une allergie justifiant un antihistaminique H1.

Mauvais comparateur ou absence de comparateur, critères d'évaluation sans utilité pour les patients, effectif insuffisant, durée d'évaluation trop courte, modifications préjudiciables du protocole en cours d'essai : autant d'éléments qui rendent d'avance certains essais cliniques inutiles pour améliorer les soins. La somnolence de comités de protection des personnes qui se prêtent à la recherche face au protocole de tels essais, et le manque d'exigence d'agences du médicament devant de tels dossiers de demandes d'autorisations de mise sur le marché, montre que trop souvent, l'éthique est négligée au profit du marché.

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