Raisonnements différents

La plupart des médicaments passent de la mère à l'enfant pendant la grossesse. C'est aussi le cas au cours de l'allaitement maternel. Mais, pour un médicament donné, les conséquences pour l'enfant ne sont pas forcément les mêmes durant ces deux périodes.

Pendant la grossesse, certaines substances ont des effets tératogènes ou exposent la mère ou l'enfant à naître à des conséquences néfastes. In utero, l'enfant est exposé aux médicaments et à leurs métabolites par voie sanguine, sans possibilité de réduire cette exposition, sauf à cesser le traitement. Alors qu'au cours de l'allaitement, l'enfant peut être mis à l'abri des effets d'un médicament par une suspension de l'allaitement maternel, voire son arrêt complet s'il paraît préférable de poursuivre le traitement médicamenteux.

Globalement, il y a moins de possibilités d'éviter l'exposition aux effets néfastes des médicaments chez l'embryon et le fœtus que chez l'enfant allaité. Pour autant, en cas d'allaitement, mieux vaut analyser les risques au cas par cas, pour chaque substance et selon la situation clinique.

Quelques exemples avec des médicaments souvent utiles chez certaines femmes souffrant de migraine (lire aussi "Allaitement maternel et médicaments de la migraine" et "Patientes enceintes migraineuses" n° 367, p. 356-365).

L'ibuprofène expose à divers effets néfastes et graves en cas d'exposition in utero, notamment à des avortements spontanés en début de grossesse, à des troubles rénaux et cardiopulmonaires ensuite ; alors qu'aux doses excrétées dans le lait maternel, son utilisation ponctuelle par une femme qui allaite expose son enfant en bonne santé à des risques souvent acceptables.

Les triptans ont des effets vasoconstricteurs, il est préférable de ne pas les utiliser pendant la grossesse ; mais la faible biodisponibilité digestive et la courte demi-vie du sumatriptan rendent son utilisation raisonnable pendant l'allaitement, de préférence après une tétée, à condition de suspendre l'allaitement au sein pendant 12 heures.

Au cours de la grossesse, le propranolol pris en prévention des crises de migraine a peu d'effets néfastes chez l'enfant à naître, hormis des effets cardiaques et respiratoires quand il est poursuivi jusqu'à l'accouchement ; alors qu'il expose l'enfant allaité à des troubles soudains justifiant une surveillance permanente, difficile à assurer par les parents, ce qui incite à renoncer à l'allaitement.

La possibilité d'une grossesse, les étapes de la grossesse, la naissance et l'allaitement sont des phases qui se succèdent. Les anticiper avec la mère, avec des principes de raisonnement souvent différents selon les phases, aide à éviter la survenue d'effets indésirables chez l'enfant.

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