Accompagnement thérapeutique partagé

Dans les années 1960, après l'arrivée des premiers antidépresseurs sur le marché, imipramine et iproniazide en tête, les soignants ont constaté que ces médicaments permettaient à des personnes atteintes de dépression sévère, alors dite endogène, de sortir de leur marasme (lire "L'invention des antidépresseurs" n° 443 p. 704-706). Ils se sont aperçus aussi que ces médicaments avaient peu d'intérêt dans les dépressions alors dites réactionnelles, ou encore "névrotiques", et plus généralement dans les états de mal-être.

Puis, dans les années 1980, sont arrivés les inhibiteurs dits sélectifs de la recapture de la sérotonine (IRS), fluoxétine en tête, réputés mieux supportés par les patients. Leur utilisation s'est largement répandue, aidée en cela par les évolutions de la classification dite DSM de l'American Association of Psychiatry, la dépression cédant sa place à la notion d'épisode dépressif caractérisé.

En 2024, il est démontré que chez les adultes l'efficacité des antidépresseurs dans le traitement des épisodes dépressifs légers ou modérés est globalement supérieure à celle d'un placebo, mais généralement modeste. Et qu'en soins de premier recours, dans les dépressions légères ou modérées, les antidépresseurs IRS sont souvent utilisés à défaut d'accompagnement psychothérapique ou autre. Les données d'évaluation clinique disponibles mi-2024 montrent qu'aucun ne surpasse les autres (lire aussi "Dépression chez les adultes : choix d'un médicament de première ligne"). Et on en sait beaucoup sur les profils d'effets indésirables des substances disponibles, leurs interactions médicamenteuses, et les risques de syndrome de sevrage à l'arrêt du médicament.

Ainsi, les soignants ont à leur disposition des éléments pour accompagner au mieux les personnes souffrant d'un état dépressif. Orienter vers une psychothérapie et valoriser l'intérêt d'un suivi. S'enquérir du vécu d'une prise antérieure d'antidépresseur. Écarter certaines substances qui exposent à davantage d'effets indésirables graves sans avantage démontré. Informer des effets indésirables, des possibilités de surveillance et des premiers signes d'alerte annonçant un effet indésirable grave. Expliquer très tôt les modalités d'arrêt du médicament. Anticiper d'éventuelles interactions. Réévaluer l'intérêt de la poursuite ou de l'arrêt du médicament.

En somme, un accompagnement thérapeutique complet et partagé pour tirer les quelques bénéfices espérés du médicament, tout en diminuant les risques.

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