Obésité : les lobbys font la loi
En France, en 2016, dans le cadre de la prévention de l'obésité, la loi dite de "modernisation de notre système de santé" a introduit une très timide recommandation, en précisant que la mention des informations nutritionnelles obligatoires sur les étiquettes des aliments industriels « peut être accompagnée d'une présentation ou d'une expression complémentaire au moyen de graphiques ou de symboles » (1). C'est déjà beaucoup trop pour les lobbys agroalimentaires.
Le code à 5 couleurs le plus éprouvé
L'obésité, qui touche davantage les personnes de faible niveau socioéconomique, a des conséquences néfastes sur la santé (2). Parmi les moyens de prévention, les mentions nutritionnelles sur les aliments bénéficient davantage aux personnes les plus éduquées (3). La question d'une illustration simple pour aider à comprendre ces mentions est donc un enjeu de santé publique.
Dans un rapport officiel sur la nutrition et la lutte contre l'obésité datant de novembre 2013, son auteur, Serge Hercberg, avait fait une synthèse des expériences dans le monde et proposé un code à 5 couleurs (jaune, vert, orange, rose, rouge) pour aider les consommateurs à choisir parmi les aliments et inciter les industriels à améliorer leurs produits (4).
Ce code a été testé dans deux études, chez plus de 10 000 personnes chacune, publiées dans des revues internationales de nutrition. Il s'est avéré supérieur à d'autres codes et a été recommandé par le Haut conseil de la santé publique (5à7).
Remise à zéro
Dès le départ, les secteurs de l'agroalimentaire et de la distribution se sont opposés à ce code, notamment parce qu'il comportait la couleur rouge, et ont proposé diverses alternatives moins explicites (8).
Sur l'insistance du ministre de l'Agriculture, la ministre de la Santé a accepté de tout remettre à zéro en lançant une évaluation de divers codes. Sous le patronage et avec le financement des firmes et distributeurs du secteur, très présents aussi dans le comité scientifique (8,9). Au point que son président, aussi directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), a démissionné du comité de pilotage (10).
Et pour parachever le tout, le lobby agroalimentaire a écrit au ministre de l'Agriculture pour demander l'arrêt des travaux de Serge Hercberg à l'Inserm sur les codes couleurs (10).
Le temps perdu à démontrer ce qui l'a déjà été est du temps perdu pour la santé des personnes.