Médicaments de maladies rares : une dérive risquée pour les patients

Les maladies rares entraînent parfois les familles dans des situations dramatiques et désespérées. Ces familles sont défendues par les associations avec souvent beaucoup de passion et de détermination. Au risque parfois de mettre leur cause en danger.

Une AMM de complaisance pour des parents désespérés

L'agence étatsunienne du médicament (FDA) a autorisé un nouveau médicament dans la dystrophie musculaire de Duchenne qui touche des garçons, l'étéplirsen (Exondys 51°) (1,2). Il a été autorisé sur la base de trois essais chez 12 et 13 patients (3). Le panel d'experts de la FDA avait pourtant estimé que « des biais majeurs dans le protocole et la conduite des essais cliniques avec l'étéplirsen ont rendu impossible l'utilisation de la plupart des résultats comme preuve solide pour la décision d'AMM » (1à3). Un responsable de la FDA a aussi estimé que la firme Sarepta avait communiqué de manière trompeuse et nourri des attentes non réalistes pour son médicament (3).

La directrice de la FDA a cependant délivré l'autorisation de mise sur le marché (AMM), contre l'avis des experts, parce que les biais dans l'évaluation clinique « ne devaient pas se retourner contre les patients », qui demandaient très fortement un accès à ce nouveau médicament (1à3). Une demande nourrie par la communication de la firme.

Des prix injustifiables et inabordables

À l'annonce de l'AMM pour Exondys 51°, l'action de la firme Sarepta a doublé en 24 heures (1). Le traitement annuel coûtera 300 000 dollars en moyenne par patient (a)(2).

Ce niveau de prix pour des médicaments orphelins mal évalués fait l'objet de plus en plus de critiques (4à6). Un ancien président du Comité économique des produits de santé (CEPS) français a ainsi déclaré que « les maladies orphelines occupent une part considérable et pèsent trop lourd  [NDLR pour la collectivité] » (5). Aux États-Unis, l'assureur privé Anthem a décidé de ne pas rembourser Exondys 51° (6).

Dans les faits, les AMM non fondées et le prix astronomique de ces médicaments orphelins aux effets cliniques incertains se retournent contre l'intérêt des patients.

©Prescrire

Notes

a- Dans le cadre des incitations à la mise sur le marché de médicaments pour des maladies rares pédiatriques, Sarepta a obtenu de la FDA le droit (voucher, en anglais) de bénéficier d'un examen accéléré pour l'AMM d'un autre médicament, droit qui peut être revendu à une autre firme (habituellement au prix de 350 millions de dollars) (réf. 2).

Extraits de la veille documentaire Prescrire

1- Dyer O "Muscular dystrophy drug looks set for commercial success despite clinical doubts" BMJ 2016 ; 355 : i5346 : 2 pages.

2- Filder B "Sarepta prices $ 300K Duchenne drug as FDA rift emerges over approval". Site www.xconomy.com consulté le 15 décembre 2016 : 5 pages.

3- US FDA - CDER "Application number 206488Orig1s000 - Summary review" 16 septembre 2016 : 126 pages.

4- Joppi R et coll. "Letting post-marketing bridge the evidence gap : the case of orphan drugs" BMJ 2016 ; 353 : i2978 : 5 pages.

5- Mazière M "Prix des médicaments. La leçon d'économie de Noël Renaudin" Quotidien du pharmacien du 12 septembre 2016 : 1 page.

6- Sagonowsky Y "Big 3 insurer Anthem refuses to cover Sarepta's controversial DMD med Exondys 51". Site www.fiercepharma.com consulté le 14 décembre 2016 : 2 pages.