Faire face aux conflits d'intérêts

Les conflits d'intérêts sont-ils une fatalité chez les soignants ? Le directoire de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) a chargé un groupe de travail de faire des propositions pour limiter les risques que les liens des soignants avec les firmes font peser sur les trois activités des centres hospitaliers universitaires : le soin, l'enseignement et la recherche (1).

Un diagnostic réaliste

Le groupe de travail, composé principalement d'hospitaliers et d'universitaires, dresse un tableau réaliste de la situation, appuyé sur un ensemble de références et une analyse de la situation dans d'autres pays (1). Pour les auteurs, mieux gérer les conflits d'intérêts à l'hôpital est nécessaire pour consolider « la confiance que l'AP-HP a besoin d'une part d'inspirer dans tous les domaines à ses patients et à son environnement extérieur » et d'autre part parce que « des conflits d'intérêts peuvent être sources de coût pour l'AP-HP » (1).

Le rapport regrette l'insuffisance des financements publics de recherche et de formation continue. Les financements assurés par les firmes du secteur de la santé dans ces domaines ont des conséquences et un surcoût mal maîtrisés pour la collectivité (1).

Des règles à défendre et appliquer

Le rapport propose des mesures pour prévenir et combattre les conflits d'intérêts. Il s'agit notamment de mieux contrôler le cumul par les praticiens d'activités autres que leur activité salariée, pour qu'elles ne représentent pas une proportion trop importante de leurs revenus. Les auteurs proposent aussi de substituer la Fondation de l'AP-HP pour la recherche aux centaines d'« associations de services » financées directement par les firmes (1). Ils proposent aussi de mieux encadrer la visite médicale et d'en prévoir des dispositifs alternatifs, car « (…) les visites médicales (…) sont l'occasion de pouvoir repérer les praticiens qui peuvent être intéressants du point de vue du laboratoire et qui pourront être personnellement invités à un congrès (…) » (1). De financer des « moments de convivialité » autrement que par les firmes du secteur de la santé, car « les avantages ainsi cumulés au fil des années dans les unités médicales, les fidélités qui se créent dans ces circonstances induisent une reconnaissance des entreprises par les professionnels, dès le début des études et qui dure souvent jusqu'à la fin de la carrière » (1). De favoriser la participation aux congrès professionnels « dans des conditions d'équité, d'indépendance et de transparence » (a)(1).

Au total, ce rapport a le mérite de regarder les choses en face et de remettre en question, sans fatalisme, des habitudes et traditions trop ancrées. D'autres institutions de santé telles que le National Health Service (NHS) en Angleterre ont aussi entrepris de limiter les conflits d'intérêts, dans le but de restaurer la confiance notamment des patients (2).

La prise de conscience des effets nocifs des conflits d'intérêts en santé est de plus en plus partagée. Souhaitons que le projet de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris aboutisse.

©Prescrire

Notes

a- « (…) Il n'est pas nécessaire de tomber dans la caricature (…) pour considérer qu'un agent public n'a pas à dépendre du secteur privé pour se former ou présenter ses travaux » (réf. 1).

Extraits de la veille documentaire Prescrire

1- AP-HP "Les conflits d'intérêts au sein de l'AP-HP. Mieux les connaître, mieux les prévenir. Rapport du groupe de travail" mars 2016 : 82 pages.

2- NHS England "Managing conflicts of interest in the NHS : a consultation". Site www.england.nhs.uk consulté le 23 janvier 2017 : 45 pages.