À l'arrivée sur le marché des antiviraux dits d'action directe contre le virus de l'hépatite C au milieu des années 2010, certains acteurs ont annoncé qu'ils allaient permettre l'éradication de cette maladie (1). Où en est-on quelques années plus tard ?
Des prix conçus pour les actionnaires
Le sofosbuvir (Sovaldi°) a été mis sur le marché au prix exorbitant de 1 000 dollars par jour aux États-Unis d'Amérique, reflet des spéculations boursières auxquelles ce médicament a donné lieu (2). En 2015, les milieux boursiers ont salué les performances de Gilead, dont l'action a augmenté de 157 % en deux ans grâce à Sovaldi° et Harvoni° (sofosbuvir + lédipasvir) (3). La véritable stratégie de cette firme était la recherche du profit maximal dans les pays les plus riches et non l'éradication de la maladie, qui nécessiterait des prix très bas permettant un accès au traitement par le plus grand nombre.
Une infime minorité de personnes ont reçu letraitement
Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), 71 millions de personnes étaient infectées dans le monde par le virus de l'hépatite C en 2015, et 400 000 en sont mortes cette année-là, surtout par cirrhose ou cancer du foie (4). Trois personnes infectées sur 4 vivent dans des pays à bas ou moyens revenus : 10 millions en Chine, 7,2 millions au Pakistan, 6,2 millions en Inde, 5,6 millions en Égypte (4).
Pour échapper en partie aux critiques sur les prix, la firme Gilead et d'autres firmes produisant ces antiviraux d'action directe ont proposé des prix plus bas dans les pays les plus pauvres, ou parfois accepté la production de génériques. Dans certains pays, des génériques sont aussi commercialisés sans l'aval des firmes concernées (4).
Selon l'OMS, seulement 1,5 million de personnes ont commencé un traitement contre l'hépatite C en 2016. Les prix des médicaments sont tels que ce sont essentiellement les pays les plus riches et les pays les plus pauvres qui ont mis en place un large accès au traitement de cette maladie. Dans les pays à revenus intermédiaires (Chine, Mexique, Turquie, etc.), où vivent environ 40 % des personnes infectées, l'accès aux médicaments est quasi inexistant en raison de leur prix inabordable (4).
Casser les prix
Dans cette situation globalement très insatisfaisante, l'OMS salue le contre-exemple de l'Égypte qui a adopté une politique déterminée de lutte contre la maladie, et où 1,5 million de personnes ont reçu un traitement entre 2014 et 2017 (a). Dans ce pays, les firmes locales de génériques proposent le daclatasvir (Daklinza°) à 7,5 dollars le traitement de 28 jours (contre 165 dollars, le prix cassé de Bristol-Myers Squibb) et le sofosbuvir à 50 dollars (contre 275 dollars, le prix cassé de Gilead). Grâce aux génériques, l'Égypte serait en mesure d'éradiquer l'hépatite C d'ici 2030, selon l'OMS (4).
Comme dans le cas du sida à partir du début des années 2000, ce sont les firmes qui misent sur la vente en nombre, telles que celles qui produisent des génériques, y compris en utilisant les flexibilités de la propriété intellectuelle, qui permettront le mieux de lutter contre l'hépatite C dans la plus grande partie du monde.
Notes
a- En Égypte, des millions de personnes ont été infectées au cours des années 1960-1970 de façon iatrogène, suite à des injections visant à éradiquer la bilharziose (réf. 5).