Une dizaine de médicaments ont été mis sur le marché dans le traitement de la sclérose en plaques au cours des quinze dernières années (1). Leur évaluation a-t-elle aidé à déterminer une stratégie thérapeutique optimale selon les diverses situations cliniques des patients ?
Peu de données avant la mise sur le marché
Des auteurs ont analysé les essais cliniques randomisés menés avant et après la mise sur le marché des médicaments de la sclérose en plaques, jusqu'en juillet 2017 (1). Depuis la mise sur le marché de l'interféron bêta (Avonex°, Betaferon° ou autre) et du glatiramère (Copaxone° ou autre), une autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne a été accordée pour huit médicaments (a)(1).
Ces huit médicaments ont été autorisés sur la base de seize essais cliniques auxquels environ 16 000 patients au total ont participé. Plus des deux tiers des essais (onze essais) ont comparé le médicament versus placebo, les autres étant versus interféron bêta-1a (Avonex°), le traitement de référence faute de mieux. Onze essais avaient pour critère principal d'évaluation le taux annuel de poussées de sclérose en plaques. Les seuls essais ayant évalué la progression du handicap comme critère principal concernaient l'alemtuzumab (Lemtrada°), sans démontrer d'efficacité (1).
Autrement dit, au moment de leur mise sur le marché, la plupart des médicaments n'avaient pas été comparés au traitement de référence, et leur effet sur l'évolution de la maladie à long terme n'avait pas été évalué (1).
Trop d'inconnues
Les auteurs ont analysé les 52 essais cliniques randomisés menés après obtention de l'AMM pour ces huit médicaments. Sur ces 52 essais (dont 21 avec la seule fampridine), seulement 24 étaient alors terminés, avec des résultats publiés. Deux tiers des essais (34 essais) ont été menés versus placebo et 17 % (9 essais) versus interféron ou glatiramère. Parmi les essais dont les résultats finaux étaient publiés, un seul a comparé deux médicaments entre eux : natalizumab versus fingolimod ; et un seul essai a eu pour critère d'évaluation la progression de la maladie (fingolimod), sans démontrer une efficacité (1).
En somme, on ne sait pas quels sont les médicaments de premier choix, faute de comparaisons entre nouveaux médicaments, et les essais post-AMM n'ont pas été l'occasion de mieux évaluer leur efficacité sur la progression de la maladie (1). Les auteurs appellent les pouvoirs publics à financer des essais qui répondent aux questions des patients et des soignants : quels médicaments choisir ? pour quelle efficacité ? et avec quels effets indésirables (1) ?
Gâchis humain et financier
Après le domaine de la cancérologie, voici un nouvel exemple d'affection où, faute d'une évaluation adaptée, face aux nombreuses inconnues en suspens, les soignants sont contraints de fonder leurs décisions de soins davantage sur l'expérience personnelle, parfois influencée par des leaders d'opinion, que sur des données probantes (2). Pour la collectivité, il s'agit d'un gaspillage de ressources et, pour les patients, d'une perte de chance d'être mieux soigné.
Notes
a- Ce sont l'alemtuzumab, le daclizumab (Zynbrita°, retiré du marché mondial en mars 2018), le diméthyl fumarate (Tecfidera°), la fampridine (Fampyra°), le fingolimod (Gilenya°), le peginterféron bêta-1a (Plegridy°), le natalizumab (Tysabri°) et le tériflunomide (Aubagio°) (réf. 1). L'AMM de l'ocrélizumab (Ocrevus°) est plus récente : lire aussi "Ocrélizumab (Ocrevus°) et sclérose en plaques".