La résistance croissante des bactéries aux antibiotiques devient une menace majeure de santé publique au niveau mondial, avec déjà des centaines de milliers de morts à déplorer chaque année, et des millions prévisibles (1). Pourtant, des firmes pharmaceutiques majeures arrêtent leur activité dans ce domaine.
Les antibiotiques, domaine d'excellence, puis sinistré
Historiquement, c'est sans doute avec les antibiotiques (et avec les vaccins) que les firmes pharmaceutiques ont le plus contribué à l'allongement de l'espérance de vie dans le monde, notamment en permettant de lutter efficacement contre des infections mortelles chez les enfants (2). Les antibiotiques ont aussi eu un rôle crucial dans de nombreux autres domaines de la médecine tels que la prise charge des patients atteints de diabète, des patients sous chimiothérapie anticancéreuse, ou subissant une opération chirurgicale (2).
Or, depuis les années 2000, les firmes pharmaceutiques abandonnent progressivement la recherche et développement d'antibiotiques. Face au phénomène de résistance qui s'amplifie, de nouveaux antibiotiques efficaces et peu dangereux seraient pourtant nécessaires (2). De nombreux plans et aides ont été promis ou mis en œuvre au niveau international pour encourager la recherche des firmes dans ce domaine, sans grand effet (3).
Parmi les derniers abandons d'importance, on note celui de la firme Sanofi, un acteur historique majeur dans le domaine des antibiotiques, qui a cédé cette activité à une petite firme allemande (4). Et celui de Novartis, autre acteur majeur, dont les dirigeants préfèrent consacrer leurs budgets de recherche aux traitements plus lucratifs des cancers et des maladies rares (5).
Pas de marché, pas d'intérêt
À la fin des années 2010, les antibiotiques ne représentent plus un marché assez profitable pour les grandes firmes pharmaceutiques, qui préfèrent les multiples niches que représentent les cancers et les maladies rares, grâce à des traitements prolongés à des prix exorbitants. Cette évolution souligne que les firmes pharmaceutiques n'ont pas pour objectif premier de répondre aux besoins de santé publique, et que les règles du marché ne fonctionnent pas pour satisfaire cet objectif. Règles qui permettent aux firmes de dégager les super profits appréciés des acteurs financiers, tout en délaissant des pans entiers de besoins sanitaires.
Les pouvoirs publics ont la plus lourde responsabilité dans cette évolution, car ce sont leurs décisions économiques qui ont laissé se développer un modèle d'affaires spéculatif, dont les conséquences néfastes étaient prévisibles. Les autorités politiques ont aujourd'hui la responsabilité de trouver les règles qui inciteront efficacement le système de recherche et développement des médicaments à répondre aux besoins de santé publique. Développer de nouveaux antibiotiques efficaces et abordables est une priorité.