Essais financés par des firmes : publication, ou publicité ?

Les essais cliniques publiés dans les revues internationales les plus connues bénéficient souvent d'une image très favorable (1). Cette confiance est-elle justifiée ?

Des universitaires souvent peu regardants

Une équipe a cherché à savoir ce qu'avaient réellement fait les universitaires signataires de publications dans des revues médicales influentes d'essais cliniques financés par une firme. Ces signataires ont notamment été interrogés directement par les auteurs de l'étude (2). L'étude a porté sur les 200 premiers essais cliniques de médicaments, vaccins ou dispositifs médicaux (phase 3 ou 4) financés intégralement par une firme, comportant la signature d'au moins un universitaire, et publiés à partir d'avril 2017 dans une des sept revues médicales les plus influentes (a)(2).

Des employés des firmes figuraient parmi les signataires dans 87 % des cas. Le rôle de la firme dans le compte rendu de l'essai était mentionné dans 87 % des cas aussi. La firme indiquait avoir participé à l'analyse des données dans 73 % des cas. Les auteurs universitaires avaient participé à l'analyse des données dans seulement 40 % des cas (2).

Des revues intéressées aux résultats

Trois des sept revues ont publié 193 essais sur 200 (dont 165 concernaient l'évaluation d'un médicament) : New England Journal of Medicine (53 %), The Lancet (31 %) et JAMA (13 %) (2).

Les revues profitent de différentes façons des retombées de la publication d'essais cliniques financés par les firmes. Ces articles sont plus souvent cités que les publications d'essais non financés par les firmes, avec pour effet d'augmenter le facteur d'impact des revues et donc leur prestige et leur attractivité commerciale (3,4). Certaines revues médicales tirent des revenus importants de la vente de tirés à part aux firmes, notamment le New England Journal of Medicine, le Lancet et le JAMA, qui sont aussi celles qui publient le plus d'essais financés par les firmes (3à5).

Un ancien rédacteur en chef du BMJ considère qu'en publiant des essais cliniques financés par les firmes, les revues concernées s'inscrivent dans le plan marketing des firmes (5,6). Une ancienne rédactrice en chef du New England Journal of Medicine est arrivée aussi, « progressivement et avec regret », à cette conclusion (4).

Les essais cliniques sont des éléments-clés dans la mise sur le marché des médicaments, et la publication de résultats à l'avantage du médicament est un élément important du succès commercial. Les firmes ont une forte emprise sur l'ensemble du processus. Avec tous les biais que cela entraîne dans la connaissance de l'intérêt réel des médicaments pour les patients.

©Prescrire

bibliographie

Notes

a- Les sept revues à plus fort facteur d'impact étudiées ont été : New England Journal of Medicine, The Lancet, JAMA, BMJ, Annals of Internal Medicine, JAMA Internal Medicine et PloS Medicine (réf. 2).

Extraits de la veille documentaire Prescrire

1- Prescrire Rédaction "Les revues de publications primaires" Rev Prescrire 2008 ; 28 (298) : 604-606.

2- Rasmussen K "Collaboration between academics and industry in clinical trials : cross sectional study of publications and survey of lead academic authors" BMJ 2018 ; 363 : k3654 : 9 pages.

3- Lundh A et coll. "Conflicts of interest at medical journals : the influence of industry supported randomised trials on journal impact factors and revenue - cohort study" PloS Med 2010 ; 7 (10) : e1000354 : 7 pages.

4- Marcovitch H "Editors, publishers, impact factors, and reprint income" PloS Med 2010 ; 7 (10) : e1000355 : 2 pages.

5- Prescrire Rédaction "Revues de publications primaires : trop liées aux firmes" Rev Prescrire 2009 ; 29 (313) : 868.

6- Prescrire Rédaction "Le plan de publication : une stratégie efficace d'influence des firmes sur les soignants" Rev Prescrire 2013 ; 33 (360) : 774-777.