Selon ses responsables, le rôle de l'Agence européenne du médicament (EMA) est d'assurer que les patients aient un accès « à des médicaments sûrs, efficaces et de qualité requise, ainsi qu'à l'information nécessaire pour utiliser ces médicaments et faire les choix informés sur leur traitement » (1). L'EMA remplit-elle réellement ces missions ?
Des mises sur le marché malgré les faiblesses de l'évaluation
Depuis les années 2010, les publications critiques sur les autorisations de mise sur le marché (AMM) se sont multipliées, tant aux États-Unis d'Amérique qu'en Europe. Ces publications montrent qu'une proportion très importante des médicaments sont mis sur le marché en l'absence de preuve d'un bénéfice clinique tangible pour les patients (2à5).
Par exemple, en 2019, une étude a montré que plus de la moitié des nouveaux médicaments mis sur le marché en Allemagne n'ont pas de valeur thérapeutique ajoutée démontrée (2). Une étude a montré que la plupart des médicaments autorisés en Europe entre 2011 et 2018 par procédure d'AMM accélérée ont été évalués sur des critères intermédiaires sans corrélation clinique démontrée (3). Une étude sur les médicaments antitumoraux approuvés par l'EMA entre 2014 et 2016 a montré que la moitié des essais cliniques randomisés sur lesquels reposaient les AMM étaient probablement biaisés dans leur conception, leur mise en œuvre ou l'analyse de leurs résultats (4).
Des valeurs thérapeutiques ajoutées "négatives"
Selon le directeur médical de l'EMA, les patients doivent accepter une marge d'incertitude importante concernant les nouveaux médicaments (6). Les responsables de l'EMA reconnaissent que « plus d'efforts devraient être faits pour contextualiser l'effet des nouveaux médicaments et pour être plus explicite sur leur valeur thérapeutique ajoutée, qui peut être négative, nulle ou positive (…) pour certains groupes de patients » (7). Ces responsables avaient déjà reconnu en 2018 que la valeur thérapeutique ajoutée d'un nouveau médicament pouvait être négative (8).
Certes, il existe des incertitudes au moment de l'AMM. Mais que fait l'EMA pour expliquer ces incertitudes aux patients ? Que fait l'EMA pour que soignants et patients aient conscience que les nouveaux médicaments autorisés en Europe peuvent avoir une valeur thérapeutique ajoutée "négative", c'est-à-dire être une régression thérapeutique ?
Prendre l'EMA au mot
On attend avec impatience que l'EMA explicite et détaille dans les documents d'information sur les médicaments, notamment dans les résumés des caractéristiques (RCP) et les notices, la faiblesse des preuves cliniques associées aux AMM, et l'ampleur des incertitudes qui en découlent sur l'intérêt thérapeutique réel des médicaments. Cela permettrait aux soignants et aux patients de faire des choix en étant plus informés, comme l'EMA le revendique dans ses missions.