Pesticides : le respect de l'environnement passe avant la liberté d'entreprendre

Selon la loi sur l'alimentation d'octobre 2018, la production, le stockage et la circulation des pesticides destinés à l'usage agricole dont l'utilisation est interdite au niveau européen, seront interdits en France à partir de 2022 (1). Le syndicat des firmes productrices de pesticides a demandé au Conseil d'État d'annuler ces dispositions qui, en instaurant l'interdiction d'exporter ces pesticides en dehors de l'Union européenne, constitueraient une entrave à la liberté d'entreprendre garantie par le Bloc de constitutionnalité français (a)(2). Mais le Conseil constitutionnel, saisi par le Conseil d'État, a confirmé la légalité de cette disposition.

Interdits en Europe, mais exportés ailleurs

Pour que les pesticides à usage agricole obtiennent une autorisation de mise sur le marché dans les États membres de l'Union européenne, les substances actives entrant dans leur composition doivent au préalable avoir été autorisées au niveau européen, dans le cadre d'un Règlement de 2009. Cette approbation est refusée notamment dans le cas de substances qui ont des effets nocifs sur la santé ou des effets inacceptables sur l'environnement (2). Des pesticides non autorisés au niveau européen pour ces raisons, tels que l'atrazine, continuent cependant d'être produits en France puis exportés en dehors de l'Union européenne (3).

Priorité donnée à la Charte de l'environnement

Sur la base de la Charte de l'environnement intégrée dans le Bloc de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel souligne que « la protection de l'environnement, patrimoine commun des êtres humains, constitue un objectif de valeur constitutionnelle » (2,4). Il considère de plus que « le législateur est fondé à tenir compte des effets que les activités exercées en France peuvent porter à l'environnement à l'étranger », et qu'en interdisant l'exportation de produits partout dans le monde, « le législateur a porté à la liberté d'entreprendre une atteinte qui est bien en lien avec les objectifs de valeur constitutionnelle de protection de la santé et de l'environnement poursuivis » (2).

Une décision de protection de l'environnement qui fait date

Cette décision de portée internationale pourrait ouvrir la voie à d'autres arbitrages en faveur de la préservation de l'environnement, en France et dans le monde, la protection de l'intérêt général devant passer avant les intérêts économiques particuliers de tel ou tel industriel. Une inspiration pour d'autres domaines de la santé publique.

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Notes

a- En France, les principes fondateurs de la République constituent le Bloc de constitutionnalité, qui comprend la Constitution du 4 octobre 1958, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et la Charte de l'environnement de 2004 (réf. 5).

Extraits de la veille documentaire Prescrire

1- "Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous" Journal Officiel du 1er novembre 2018 : 26 pages.

2- Conseil constitutionnel "Décision n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020" : 5 pages.

3- Assemblée nationale "Session ordinaire de 2017-2018. Compte rendu intégral. Première séance du mardi 29 mai 2018". Site www.assemblee-nationale.fr consulté le 26 février 2020 : 62 pages.

4- Prescrire Rédaction "Droits et devoirs" Rev Prescrire 2009 ; 29 (310) : 569.

5- Conseil constitutionnel "Le bloc de constitutionnalité". Site www.conseil-constitutionnel.fr consulté le 17 mars 2020.