La pandémie de covid-19 a donné lieu à de très nombreux essais cliniques évaluant diverses pistes de traitement. Pas toujours à bon escient.
Chaos et gaspillage
Dès le printemps 2020, des spécialistes des politiques de santé et de l'usage des médicaments se sont étonnés de la grande quantité d'essais cliniques menés dans le covid-19, et se sont inquiétés de la piètre qualité de beaucoup d'entre eux (1). Fin mars, les registres d'essais cliniques en comportaient 201, évaluant 92 médicaments ou du plasma de patients guéris du covid-19. Un tiers des essais n'avaient pas de critère clinique d'évaluation, la moitié environ prévoyaient d'inclure moins de 100 patients, et deux tiers n'étaient pas menés en aveugle, autrement dit, beaucoup d'essais risquant fort de ne pas apporter d'informations réellement utiles pour la pratique (1). Fin juin, plus de 1 000 essais étaient enregistrés, dont environ 40 % portaient sur moins de 100 patients (2,3). Des analystes parlent à ce sujet de « désordre », de « chaos », et d'« immenses ressources financières gaspillées » (a)(2,4).
La plupart des résultats probants disponibles ont été apportés par deux essais, qui ont comparé divers traitements chez des milliers de patients : l'essai dit Recovery au Royaume-Uni et l'essai dit Solidarity, mené sous l'égide de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) (b)(2). Ce constat plaide pour l'instauration d'une meilleure coordination permettant de mettre en place des essais comparatifs de taille adaptée pour obtenir des résultats probants et rapides, plutôt que la multiplication de petits essais défectueux (1à4).
Hydroxychloroquine : un engouement délétère
Fin juin 2020, plus de 100 essais étaient en cours sur l'hydroxychloroquine, prévus pour inclure au total plus de 100 000 patients (2,3). Pourtant, à cette date, les essais Recovery et Solidarity avaient déjà montré que ce médicament n'était pas efficace en traitement des formes graves de covid-19 (2). Cette multitude d'essais sur l'hydroxychloroquine est d'autant plus regrettable que l'étude française qui a suscité un engouement mondial pour ce médicament cumulait de nombreux biais méthodologiques rédhibitoires (5,6).
Ces ressources en temps, en argent et en patients acceptant de participer à un essai, auraient été mieux employées à évaluer des stratégies encore peu étudiées, telles que les gestes dits barrières ou le confinement, qui continuent de susciter beaucoup de controverses (7).
Notes
a- Cette frénésie a conduit à des prépublications plus ou moins bâclées et biaisées, parfois rétractées, telle l'étude sur dossiers fournis par la société Surgisphère, pour erreurs manifestes (réf. 8).
b- L'essai européen Discovery, piloté par la France, devait inclure 3 200 patients de plusieurs pays européens, mais mi-septembre 2020 seuls 916 patients avaient été recrutés dont une trentaine en dehors de la France, et au 5 janvier 2021 ses résultats n'étaient toujours pas publiés (réf. 5,9).