Un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) dresse un tableau alarmant des moyens d'évaluation et de surveillance des produits cosmétiques, tant au niveau français qu'au niveau européen (1).
Risques et incertitudes, toute la population exposée
Les cosmétiques représentent un secteur économique fort en France, avec un marché annuel de 24 milliards d'euros (1). Ce sont des produits utilisés par des millions de personnes tout au long de leur vie, y compris pendant la grossesse. Il s'agit de cocktails de substances, dont certaines exposent à des effets indésirables locaux (cutanés, respiratoires) ou systémiques (neurologiques, hépatiques, endocriniens), parfois graves. En France, les centres antipoison reçoivent chaque année autour de 11 000 signalements d'intoxications avec des produits cosmétiques (1).
Cadre réglementaire et moyens d'action publique à rehausser
La sécurité des consommateurs européens dépend d'un règlement qui donne aux industriels des responsabilités de premier rang (1). Le Comité scientifique européen pour la sécurité des consommateurs (CSSC), chargé de proposer des restrictions d'utilisation de certaines substances dans les cosmétiques, voire de les interdire, dépend en pratique des données fournies par les fédérations industrielles elles-mêmes (1). De telles failles de régulation se sont avérées désastreuses dans le domaine du médicament (2).
L'Agence française des produits de santé (ANSM) est responsable de l'évaluation des risques des cosmétiques, du recueil et de l'analyse de leurs effets indésirables (cosmétovigilance), du contrôle des industriels et du pouvoir de police sanitaire (1). Mais selon l'IGAS, l'Agence s'est désengagée de ces missions par manque de moyens (1). Une régression pour la France, qui fut en 1975 le premier État en Europe à encadrer la qualité des cosmétiques, après la mort de 36 bébés due à l'application d'un talc frelaté (1,3). Or la surveillance du marché, surtout menée par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (Dgccrf), permet de pointer de fréquentes anomalies : non-respects de la réglementation ; présences de substances interdites ; non-conformités dangereuses (1,4).
Certification externe : une protection sujette à caution
L'IGAS propose des scénarios pour améliorer la sécurité des consommateurs (1). Elle préconise notamment le recours à la certification par des organismes externes, mais sans l'assortir d'une analyse critique (1). L'expérience des organismes certificateurs du secteur des dispositifs médicaux a pourtant montré les limites et dangers de ce mode de contrôle "privatisé" (5).
L'IGAS est lucide quant à la gravité de la situation en matière de sécurité des cosmétiques. Mais en préconisant une certification externe plutôt qu'une remobilisation d'ampleur des agences publiques, elle encourage à lésiner sur la protection des usagers.